"La septième dimension" de Guy Millière

Publié le 13 janvier 2010 par Francisrichard @francisrichard
Qu'est-ce que la septième dimension ? Il y a les trois dimensions de l'espace, du temps, du déplacement dans l'espace-temps, du monde virtuel et ... il y a la septième dimension.

Cette nouvelle dimension dans laquelle il se situe pour expliquer le visage du monde en devenir, Guy Millière la définit ainsi dans son prologue:

"C'est le coeur disséminé du paradigme dans lequel nous entrons. C'est la pluralité. C'est l'un qui crée des multitudes à l'intérieur de l'un. C'est la coexistence d'un univers tissé de fibre optique, de signaux numériques, de réinventions incessantes de la matière, de l'énergie et du vivant avec des coutumes millénaires qui peuvent utiliser la fibre optique, le réseau, les signaux, pour survivre et insister. C'est ce qui excède et vient dissoudre les barrières, les murs, les obstacles, et aussi ce qui se trouve utilisé par les adeptes des barrières, des murs, des obstacles, voire les adeptes du néant pour persister, et souvent nuire"

Après Claude Allègre - du moins dans l'ordre de parution -, dans ce livre paru aux éditions Cheminements (ici), Guy Millière essaie de dessiner les contours de notre avenir sur Terre. Mais il le fait dans un tout autre esprit que Claude Allègre, même si les découvertes scientifiques présentes et à venir, celles qui ne peuvent que découler des présentes avancées de la science, conduisent à imaginer un monde technique similaire.

La différence provient du fait que le premier est resté socialiste dans l'âme, avec les pesanteurs inévitables qui sont inhérentes à cette idéologie, alors que le second est un homme épris de liberté, hostile aux idéologies et aux régulations, favorable à ce qui permet à la liberté de s'épanouir. 

Quelles sont les conditions de cet épanouissement? La protection des biens et des personnes, la protection des droits de propriété, la sécurité et le respect des contrats volontaires, la légitime démarche de la connaissance, qui doivent être assurés par ceux que Millière, à la suite de Laurent Cohen-Tanugi, appelle "les sentinelles de la liberté", à savoir les gardiens, les vigiles, les magistrats, les soldats etc. Tous ceux dont la charge est de veiller et que j'appelle les agents des fonctions régaliennes. Millière note toutefois:

"Un pays où la veille serait insuffisante risquerait la destruction, la violence, la fuite des gens de haute synergie. Un pays où elle serait excessive s'asphyxierait lui-même".

Qui sont ces gens de haute synergie ? Ce sont de hauts producteurs d'idées, de création, de prospérité, d'harmonie, que l'on retrouve dans ce que Millière appelle des hubs, comme la Silicone Valley, Las Vegas ou Hong Kong.

Internet a apporté au monde une révolution à nulle autre pareille dans l'histoire de l'humanité, qu'elle a fait entrer dans la sixième dimension, celle du monde virtuel. Par ses effets elle est sans commune mesure avec cette révolution que fut en son temps l'imprimerie, cette autre invention propice à la diffusion du savoir. Parce qu'Internet n'a pas seulement diffusé le savoir. Il a contribué à réduire les coûts de transaction.

Qu'on le veuille ou non, Internet a eu pour principal résultat de faire de la planète un immense et unique marché, dans lequel n'importe qui, situé en n'importe quel point de la planète, peut, et sait qu'il peut, échanger avec n'importe qui d'autre, situé en n'importe quel autre point de la planète.

Pour les entrepreneurs des pays développés ce n'est pas sans conséquence. Ils sont condamnés à créer, à innover, à concevoir, à garder une longueur d'avance, si faire se peut, pour ne pas disparaître. Il devient en effet de plus en plus facile de produire n'importe quoi, n'importe où et à moindre coût. Ce qui permet d'ailleurs à des populations entières de se développer enfin et de s'affranchir des aides qui les maintenaient jusqu'alors sous perfusion, et sous servitude.

Pour décrire ce qui se passe, et qui ne devrait que croître et embellir, Millière a recours aux mots de flux et de réseau. C'est en effet à une toujours plus grande fluidité et un plus grand enchevêtrement des échanges auxquels nous assistons. Les hubs étant les noeuds de ce gigantesque réseau.

Parfois ces échanges rencontrent des obstacles, ils se frottent à des aspérités. Parfois il y a des aléas, des accidents, des dysfonctionnements. Mais la dynamique est telle que la révolution continue en laissant les lieux rétifs à l'écart, pour un temps seulement, parce qu'ils sont contraints par nécessité de se couler tôt ou tard dans le mouvement qui est lancé, ou de l'utiliser pour tenter de lui nuire.

Ce monde nouveau, qui n'en est qu'à ses débuts, se caractérise par une toujours plus grande dématérialisation, par une toujours plus grande dissémination de l'intelligence, par une toujours plus grande création de richesse. Il permet également à chacun de satisfaire ses aspirations les plus singulières, parce qu'au contraire de conduire à une uniformisation ce monde ouvre des perspectives toujours plus diverses, il favorise l'éclosion d'idées toujours plus fécondes. Mais pour ce faire :

"Il faut tout un contexte. Tout ce qui vient se tisser dans un contexte. Liberté individuelle et savoir, esprit d'entreprise, incitations à l'initiative, tolérance et ouverture permettant d'accueillir et d'être différent, singulier, imaginatif, quelques autres ingrédients aussi sans doute..."

Pour que cette révolution des échanges ait lieu il a fallu de la finance, comme le sang est nécessaire pour irriguer le corps et lui donner vie. La finance est elle aussi devenue planétaire, immatérielle, qui plus est souveraine, d'une souveraineté qui n'est celle de personne, un processus. Elle ne dysfonctionne que quand elle est nourrie de fausses informations, celles que lui fournissent les gouvernements par leurs régulations ou les banques centrales par leurs interventions inadéquates. 

Cette révolution vient des Etats-Unis avec les Wal-Mart, Fed-Ex, UPS, Amazon, Apple, Microsoft, Google etc.Tous les pays ne bénéficient pas de la même manière de cette révolution, que Millière qualifie de postcapitaliste. La Chine et l'Inde, par exemple, grâce à elle, ont pu s'industrialiser et se trouvent dans une phase transitoire. Mais la Chine devra bien un jour choisir entre dictature et croissance...

Quant à l'Europe, elle vacille, parce qu'elle n'a pas anticipé cette révolution en cours. A son sujet :

"Il faut discerner qu'une vision dirigiste de l'économie se trouve impulsée, renforcée sans cesse. "On parle de marché", dit Bruce Thornton, "mais ce n'est pas du marché libre, c'est du marché canalisé, encadré, placé en liberté strictement conditionnelle".

A moins d'un miracle, l'Europe fera partie "des sociétés qui ont été, mais dont la lueur s'amenuise doucement". Comme le répète Millière dans ce livre :

"Les adeptes de l'ordre construit et de la fermeture n'ont cessé de lutter contre l'ordre spontané [l'expression est de Friedrich Hayek] et contre l'ouverture".

Avec les résultats que l'on sait.

Et puis il y a tous les failed states, qui se trouvent à la lisière de cette révolution, les pays d'Afrique et d'Amérique latine, à l'exception du Chili, et peut-être du Brésil :

"Les zones du monde les moins connectées, les moins incluses dans le flux et le réseau, sont les zones les plus sinistrées".

Ce qui menace le plus cette révolution postcapitaliste, ce sont l'islamisme et l'altermondialisme.

L'islamisme, qui doit être dissocié de l'islam, est un véritable totalitarisme, dans la lignée du national-socialisme, du léninisme et du fascisme. Il peut sembler surgi d'un passé révolu, mais il emploie les moyens du vingt et unième siècle pour se livrer à ses horreurs meurtrières. Comment le vaincre ? Il faudrait que le monde musulman comprenne que :

"La modernité n'est pas négation de la religion et des cultures en leur diversité, mais développement de la connaissance et préservation des dimensions spirituelles des religions, préservation de la diversité des cultures".

Est-ce possible ?

L'altermondialisme est pernicieux. Il a quelques réussites à son actif. Il est parvenu à faire admettre que les économistes qualifiés de "libéraux" étaient des dogmatiques et à imposer l'expression d'"idéologie néo-libérale", alors que ces économistes ne font qu'expliquer, qu'observer. Il est parvenu à faire croire que démocratie et totalitarisme étaient comparables, c'est-à-dire que la première ne valait pas mieux que le second. Il est parvenu à convaincre qu'il était urgent de "sauver la planète", en substituant la croyance à la connaissance, et qu'il fallait favoriser le "commerce équitable", sous-entendant que tout autre commerce ne l'était pas. Il a réécrit l'histoire en ne parlant que des mauvais côtés de la civilisation occidentale, en omettant tous ses bienfaits.

Compte tenu de ces menaces, Millière pense que "nous marchons sur le fil du rasoir et [que] nous pouvons avancer sur le fil du rasoir tant que nous marchons". Il reste donc optimiste et conclut son livre en disant :

"Le rasoir peut trancher. La destruction peut venir ici ou là. L'appel du néant et de la négativité auxquels succombent quelques uns peut se faire plus fort ici ou là. Le déclin peut sembler s'installer ou s'installer effectivement, ici ou là. Les forces de l'esprit l'emportent. Toujours. Ici. Ailleurs. Là où c'est possible.
"Elles l'ont toujours emporté.
"Nous sommes tout juste au commencement.
"Oui."

Francis Richard

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544e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani (de droite à gauche), les deux otages suisses en Libye