Thomas Traherne : Wonder

Publié le 13 janvier 2010 par Joseleroy

Douglas Harding m'a fait connaitre Thomas Traherne, le poète métaphysicien anglais (1636-1674).

Traherne parle merveilleusement bien de la Vision de notre vraie nature, de l'éblouissement du monde qui peut surgir quand il est vu à partir de notre Source.

Dans cette vision "d'ange" , Traherne voit le monde à partir de la conscience (sense), il en est frappé de stupeur; les objets brillent; les limites de son moi tombent et il se retrouve vaste, sans limite. Alors, il nait à une vie nouvelle, faite de félicité (Bliss), de beauté (beauty) et d'innocence. L'amour emplit son coeur et le monde, les êtres humains, et les objets deviennent une part de son être même.

Sans doute, l'éveil n'a pas toujours une telle intensité extatique, mais il l'a parfois, comme un feu qui grandit soudainement et qui embrase le monde.

Voici la première traduction en français ( à ma connaissance) d'un de ses textes les plus connus : Wonder
Là je me suis fait aidé d'une amie, agrégé d'anglais (I.D.), parce que certains passages sont difficiles.

Il est d'ailleurs très étonnant qu'un tel écrivain ne soit pas encore traduit en France !

Je remercie I.D. chaleureusement.

"Émerveillement
On aurait dit un ange quand je suis descendu
Comme tout ici est brillant
Quand parmi Ses œuvres je suis apparu la première fois
Comme leur gloire m'a couronné
Le monde ressemblait à son éternité
Dans laquelle mon âme se promenait
Et tout ce que je rencontrais
Engageait conversation avec moi.
Les cieux dans leur magnificence
Le bel air si vivant
Comme il était divin, doux, tendre, enchanté
les étoiles réjouissaient ma conscience
Et toutes les œuvres de Dieu si brillantes et si pures
Semblaient si riches et si grandes
Comme si pour toujours je dusse les trouver parfaites.
Une santé et une innocence toute neuves
Grandissaient au cœur même de mes os
Et pendant que Dieu me montrait toutes ses gloires
Je sentais une énergie dans ma conscience
Qui était tout esprit
Moi à l'intérieur d'elle
Je m'y coulais comme du vin au sein des océans de la vie.
Dans le monde, je ne connaissais rien qui ne fut divin.
Toutes les choses dures, écorchées étaient cachées : querelles, agressions, larmes et cris
Les péchés, les chagrins, les plaintes, les querelles, les yeux qui pleurent ;
Seul m'était révélé
Ce que les esprits du ciel et les anges chérissent :
L'état d'innocence et la félicité, pas le commerce et la pauvreté,
remplissaient ma conscience.
Les rues étaient pavées de pierres d'or
Les garçons et les filles m'appartenaient
Et comme leur beau visage brillait
Les fils des hommes étaient des saints,
Dans la joie et la beauté, ils m'apparaissaient
Et tout ce que je trouvais ici
avec ma vision d'ange
décorait la terre.
Partout je voyais riche diamant et perle d'or
Partout mes yeux appréhendaient
de rares splendeurs jaunes, bleues, rouges, blanches et vertes
La stupéfaction était ma félicité
Cela et ma richesse étaient partout
Pas de joie pour cela!
les objets faits par l'homme et maudits
avec l'envie, l'avarice
Et la fraude, ses ennemis qui empoisonnent le paradis
Fuyaient la splendeur de mes yeux
Et aussi s'enfuyaient les haies, les fossés, les limites, les bornes
De tout cela je ne rêvais en rien
Mais je me promenais au-dessus des terres humaines
Et y trouvais le repos.
Les objets eux mêmes m'appartenaient ;
Les haies devenaient ornement ;
Les murs, boites, coffrets et leur riche contenu
Ne diminuaient pas mes joies, mais les enrichissaient
Habits, rubans, bijoux, dentelles, j'estimais mes joies par d'autres portées
Car pour moi, il semblait que tous les portaient
Lorsque je suis né.

Wonder"

   

How like an angel came I down!
How bright are all things here!
When first among his works I did appear
O how their glory me did crown!
The world resembled his eternity,
In which my soul did walk;
And ev'ry thing that I did see
Did with me talk.

The skies in their magnificence,
The lively, lovely air;
Oh how divine, how soft, how sweet, how fair!
The stars did entertain my sense,
And all the works of God, so bright and pure,
So rich and great did seem,
As if they ever must endure
In my esteem.

A native health and innocence
Within my bones did grow,
And while my God did all his glories show,
I felt a vigour in my sense
That was all spirit. I within did flow
With seas of life, like wine;
I nothing in the world did know
But 'twas divine.

Harsh ragged objects were conceal'd,
Oppressions tears and cries,
Sins, griefs, complaints, dissensions, weeping eyes
Were hid, and only things reveal'd
Which heav'nly spirits, and the angels prize.
The state of innocence
And bliss, not trades and poverties,
Did fill my sense.

The streets were pav'd with golden stones,
The boys and girls were mine,
Oh how did all their lovely faces shine!
The sons of men were holy ones,
In joy and beauty they appear'd to me,
And every thing which here I found,
While like an angel I did see,
Adorn'd the ground.

Rich diamond and pearl and gold
In ev'ry place was seen;
Rare splendours, yellow, blue, red, white and green,
Mine eyes did everywhere behold.
Great wonders cloth'd with glory did appear,
Amazement was my bliss,
That and my wealth was ev'ry where:
No joy to this!

Curs'd and devis'd proprieties,
With envy, avarice
And fraud, those fiends that spoil even Paradise,
Flew from the splendour of mine eyes,
And so did hedges, ditches, limits, bounds,
I dream'd not aught of those,
But wander'd over all men's grounds,
And found repose.

Proprieties themselves were mine,
And hedges ornaments;
Walls, boxes, coffers, and their rich contents
Did not divide my joys, but all combine.
Clothes, ribbons, jewels, laces, I esteem'd
My joys by others worn:
For me they all to wear them seem'd
When I was born.

Thomas Traherne