Ca chauffe en Islande et pas uniquement à proximité des geysers !
Ce qui a mis le feu à la banquise ce sont les 4 milliards que l’Islande
s’est théoriquement engagée à rembourser aux Etats anglais et
néerlandais.
En fait, ce montant correspond aux avoirs des 320 000 ressortissants de ces
2 nationalités qui avaient confié, moyennant de substantiels intérêts, leurs
fonds à la Banque islandaise Icesave, filiale de l'ancienne deuxième banque
islandaise, Landsbanki. Coïncidence, 320 000 c’est à peu de choses près le
nombre d’habitants de ce petit pays frisquet.
Or, cette banque prodigue a eu la mauvaise idée de tomber en faillite
abattue comme tout le reste du système bancaire islandais par la crise
financière. Afin d’éviter un effet boule de neige trop important, le
gouvernement islandais a considéré qu’il n’avait pas d’autre choix que de la
nationaliser. Il faut dire que secteur financier islandais représente 8 à 9
fois son PIB, difficile dans ces conditions de le laisser couler purement et
simplement.
Par contre, il était plus facile de décréter le gel des avoirs des clients
(tous étrangers) de Icesave ce que le gouvernement islandais s’est empressé de
faire, provoquant ainsi l’ire des britanniques et plus discrètement le fort
mécontentement des néerlandais.
En représailles, le gouvernement britannique avait alors utilisé une
législation antiterroriste pour geler les avoirs au Royaume-Uni des banques
islandaises.
Il faut dire que les anglais et les néerlandais ont fait le choix
d’indemniser partiellement leurs ressortissants avant, bien évidemment, de
demander ensuite au bienheureux propriétaire de ce qu’il reste d’Icesave de
bien vouloir les rembourser.
Après quelques discussions et que l’on devine tumultueuses et quelques
allers et retours, les islandais, les anglais et les néerlandais sont enfin
parvenus à un accord prévoyant un remboursement partiel des sommes réglées par
les gouvernements britanniques et néerlandais pour un montant global de 3,8
milliards d’euros.
Les sommes seraient considérées comme un prêt accordé à l'Islande devant
être remboursé entre 2016 et 2024.
Le 30 décembre, le parlement islandais adopte, à une courte majorité, la Loi
qui autorise ce remboursement dans les conditions prévues par
l’accord.
Aussitôt les opposant à cet accord lance une pétition afin qu’elle soit
soumise à référendum.
La pétition connait un gros succès puisqu’elle est signée par 23% de
l’électorat islandais (ce qui ne fait néanmoins que 56 000
personnes).
A ce stade là de l’exposé des faits, vous vous demandez peut-être pourquoi
on nous fait tout un fromage de 4 malheureux milliards d’euros !
Effectivement, pour nous français, habitués à jongler tous les ans depuis 25
ans avec des déficits monstrueux, 4 milliards d’euros, c’est une misère, une
babiole, une broutille !...c’est à peine plus que ce que l’Etat français donne
aux restaurateurs tous les ans en réduction de TVA et c’est 2,8% de notre
déficit de 2009 !
Pour autant, si on resitue ces 4 milliards dans le contexte islandais on
obtient quand même un chiffre qui représente 40% du PIB ou encore 12 000 euros
par tête de pipe…vu comme cela, la somme devient beaucoup plus impressionnante
et on comprend mieux les quelques réticences de certains islandais à
s’acquitter de leur dette ou plus précisément de qu’ils considèrent n’être que
la dette de leurs banquiers !
Compte tenu de l’ampleur relative des enjeux financiers et devant les vives
protestations d’une importante partie de la population, Olafur Ragnar Grimsson,
Président islandais de son état, a jugé plus prudent de faire appel au peuple
via un référendum pour décider s’il devait ou non signer et donc valider cette
loi !
C’est là que cette histoire commence à devenir intéressante puisque c’est, à
ma connaissance, la première fois qu’un Etat demande à son peuple s’il doit ou
non rembourser ses dettes !
Evacuons d’entrée la question: Les Islandais doivent-ils payer pour la
déconfiture de leurs banques ?
A cette question certains ont une réponse claire nette et précise, c’est
NON, NO, NEI !
Cette question, tous les pays se la sont posés à un moment ou à un autre et
ils ont tous considérés qu’il fallait le faire sous une forme ou sous une autre
et je ne reviendrais pas sur le bien fondé ou non de cette décision ! …les
Islandais l’ont fait en nationalisant leurs banques. Ce faisant, l’Etat
islandais a pris à son compte les engagements des dites banques !
A cela je rajouterai que la récente mais brève prospérité de l’Islande, ex
cinquième pays le plus riche du monde, essentiellement basée sur un secteur
financer disproportionné, a profité à tous les islandais et qu’il parait
maintenant un peu facile pour ceux-ci de se désolidariser de leurs ex source de
richesse déchu !
La question posée par ce remboursement n’est donc plus de savoir si l’Etat
islandais doit payer à la place des banques mais si l’Etat islandais doit ou
non assumer ses engagement et comment !
La question subsidiaire à la première est donc, quelle est la nature des
engagements de la banque Icesave vis-à-vis de ses clients ? Y avait-il un
engagement formel ou même tacite de restituer leurs sous à ses clients
?
Faute de certitude sur ce point, nous allons imaginer que oui.
L’autre question que l’on peut également se poser concerne l’attitude de
l’Angleterre et dans une moindre mesure des Pays-Bas. Compte tenu de
l’importance du montant par rapport aux capacités de remboursement de
l’Islande, ces 2 pays devaient ils indemniser à une telle hauteur les clients
de la banque islandaise (100 000 euros) et en conséquence pouvaient-ils exiger
aussi fermement un tel remboursement de la part de l’Islande ?
A ces 2 questions gageons qu’il y aura autant d’avis différents que de
combinaisons possibles !
Malgré tout, au final, la question qui va être posée au peuple islandais est
bien celle de savoir si l’Islande doit respecter ses engagements
internationaux.
On comprend bien les enjeux de ce référendum.
Imaginons que le « Peuple » islandais refuse de ratifier l’accord.
Les conséquences immédiates en seront tout d’abord une défiance accrue de la
part des prêteurs potentiels qui se traduira par un surenchérissement sensible
du cout du crédit (Fitch a déjà abaissé le rating de l’Islande à BB+). Certes
ils trouveront toujours des préteurs mais à des taux exorbitants puisque chacun
sait que le risque se rémunère. Quand à la réputation des banques islandaises
déjà bien entamée, elle sombrera dans des profondeurs insondables.
D’une certaine manière, sans aller jusqu’à dire comme le fait Paul Myners,
Secrétaire d’État britannique aux finances : « Le peuple
islandais, s’il devait arriver à cette conclusion (négative) dirait en réalité
que l’Islande ne veut pas faire partie du système financier international, que
l’Islande ne veut pas avoir accès au financement multinational, national et
bilatéral et ne veut pas être considéré comme un pays sûr, avec lequel faire
des affaires », il n’en reste pas moins que les islandais, du fait de
cette décision, opèreraient un repli sur eux même pour le moins drastique, à un
moment ou justement ils ont particulièrement besoin de l’aide financière de la
communauté internationale (FMI, Russes, CEE..).
L’autre enjeu est un peu plus général.
Certes, dans l’histoire, il y a eu de nombreux précédents de pays qui ont
refusé d’honorer leur dette et qui s’en sont pourtant très bien remis
(L'Argentine par exemple s'en fit une spécialité dans la dernière partie du
XXème siècle).
Pour autant, dans le cas présent, ce qui rend l’évènement exceptionnel c’est
le fait de faire appel au Peuple pour prendre une telle décision. En demandant,
sous prétexte de démocratie, à son Peuple de décider si oui ou non l’Islande
doit respecter ses engagements internationaux, Olafur Ragnar Grimsson a ouvert
la boîte de Pandore.
Donner ce pouvoir et cette responsabilité à la Nation, même peu nombreuse,
n’est il pas un moyen pour son Président de se décharger d'une lourde
responsabilité ?
Pourtant, beaucoup chantent les
louanges de ce petit peuple d’Islande qui donne des leçons de démocratie
aux grands !
Même si les situations n’ont rien de comparable, imaginons qu’un Président
français décide, enfin, de prendre à bras le corps la question de la Dette et
déclare qu’elle devra être résorbée soit via un plan de rigueur sur 15 ans soit
par un effacement pur et simple.
La question serait posée aux électeurs par voix référendaire ce qui aurait
l’immense intérêt de faire porter la responsabilité de la décision sur le
Peuple !
C’est précisément cette question qui est posée au peuple islandais
!
Quelle serait la réponse des Français ?
Personnellement je ne parierais pas ma chemise sur la première option
!
Il n’y a qu’à écouter le discours de ceux qui, en France, considèrent que le
meilleur moyen de vivre en permanence au dessus de ses moyens consiste à
emprunter sans jamais rembourser. Et quelle idée géniale, pour être certain de
n’avoir jamais à rembourser que d’effacer d’un coup de chiffon magique la
gigantesque ardoise que nous alimentons jusqu’à l’obésité depuis 30 ans
!
Et puis, quel mal y a-t-il à ne pas rembourser les banquiers pourris et
autres nécessairement riches et profiteurs investisseurs, de préférence
étrangers, qui ont eu le malheur d’investir dans les bons du Trésor français
!
Du coup, j’ai un bon conseil à donner à tous les Etats surendettés de la
Terre (ça en fait un paquet) : Si vous avez une bonne grosse dette à
éponger, rien de tel qu’un bon petit referendum populaire !