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Oraison funèbre

Publié le 13 janvier 2010 par Malesherbes

La mort de Philippe Séguin a provoqué un déferlement d’éloges. Comme le chantait Georges Brassens dans Le temps passé : « les morts sont tous des braves types ». Il est vraiment dommage que notre système politique soit tel qu’il empêche, ceux qui en sont le plus dignes, d’exercer des responsabilités à leur mesure. Les Guignols faisaient dire à Jacques Chirac que Philippe Séguin avait trois défauts majeurs pour un homme politique : « il était honnête, travailleur et fidèle». Il semble en effet difficile à beaucoup de nos hommes politiques de réunir ces trois caractéristiques.

Les diverses oraisons funèbres prononcées ces derniers jours dessinent en fait un portrait, en négatif, de notre classe politique. Le plus ahurissant est ce que Henri Guaino a déclaré vendredi 8 janvier à Nicolas Demorand sur France Inter à propos de Philippe Séguin : « La classe politique n’est pas organisée, pas construite, aujourd’hui en tout cas, pour porter des convictions, pour porter des valeurs, elle est organisée pour conquérir et gérer le pouvoir [...] C’est très déstabilisant pour un système quelqu’un qui fait passer ses convictions avant sa carrière, dans un système où on fait toujours passer sa carrière avant les convictions [...] Il refusait la compromission[...] et le système vit de la compromission. [...] Soit on s’engage parce qu’on trouve que les choses ne vont pas bien, on voudrait qu’elles aillent mieux, on trouve que les valeurs qui imprègnent le système sont pas tout à fait les bonnes et on voudrait qu’elles soient meilleures, ou on fait de la politique parce qu’on veut profiter du système, c’est une vieille idée, on y va pour servir un certain idéal, certaines valeurs, ou pour se servir ». On mesure à ces mots combien il a dû être ému par cette disparition pour se livrer ainsi à nu, dégagé de sa morgue habituelle, et pour formuler un tel réquisitoire contre le régime auquel il participe.

Mais il est un moyen très simple de rendre hommage à Philippe Séguin, que sa droiture a empêché d’accéder à de plus hautes fonctions. Il suffit de proposer enfin au Parlement son projet de loi portant réforme des juridictions financières, si possible dans sa version originelle qui, avant d’être castrée par le gouvernement, recommandait que les ministres reconnus coupables d’erreurs de gestion soient rendus comptables sur leurs deniers.

Outre les combats menés en commun, Henri Guaino partage avec Philippe Seguin le fait de n’avoir pas connu son père. Je laisse à de plus experts le soin d’établir des distinctions entre les termes de pays, nation ou patrie. Mais je ne pense pas être démenti en soulignant que la patrie, c’est le pays de nos aïeux, de nos pères, et une part non négligeable de notre identité réside dans nos origines et l’image que nous avons de notre père. Lorsque les aléas de l’existence conduisent un homme à vivre dans un pays ou un milieu différent, il lui faut choisir entre le reniement, l’écartèlement ou une hypothétique synthèse de ses deux cultures. L’identité, voisine de l’uniformité, n’est pas la mieux adaptée pour se plier aux évolutions. La Nature, elle, a choisi : elle assure la diversité par la reproduction sexuée.


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