Un homme, installé en Roumanie depuis 1993 et ayant auparavant vécu successivement dans la bande de Gaza, en Égypte puis en Lybie, n’a pu obtenir le renouvellement de son visa et fut même déclaré « indésirable » par les autorités roumaines qui interdirent son séjour durant cinq ans. Faute de passeport, cependant, il ne fut pas expulsé mais placé en 2000 dans le centre de rétention de l’aéroport de Bucarest Otopeni. Il obtint la même année « le statut de réfugié pour des raisons humanitaires » mais demeura en détention jusqu’en juillet 2003 (soit trois ans et cinq mois) car « des raisons de sécurité nationale et d’ordre public imposaient son éloignement du territoire » (§ 16). Il vit depuis libre toujours en Roumanie.
La Cour européenne des droits de l’homme est tout d’abord amenée à se prononcer sur la compatibilité des conditions de détention du requérant avec les exigences de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), ceci à l’aune du principe jurisprudentiel forgé sur la base de ce texte qui, notamment, « impose à l’État de s’assurer que tout prisonnier [soi]t détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine» (§ 63).
Pour ce faire, elle élude de façon lapidaire la question de la surpopulation au sein du centre de rétention (§ 64) et se concentre sur « les mauvaises conditions d’hygiène et la pauvre qualité de la nourriture » ainsi que le fait que les retenus sont « confinés la majeure partie de la journée, [et que] la possibilité d’avoir une activité physique [est] très limitée ». Cette situation, liée à l’inadéquation du lieu de détention « aux besoins d’un séjour de plusieurs années », « pose en soi des problèmes sous l’angle de l’article 3 de la Convention » (§ 66). Les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants - CPT - (§ 48-51) sur lesquels la Cour s’est fondée pour réaliser ces constats révèlent néanmoins une amélioration des conditions de vie suite à des travaux dans le centre litigieux (§ 65 [voir les rapports de visites 1995, 1999 et 2002/2003] ).
Le constat de violation de l’article 3 (§ 68) ne concerne donc pas les dix derniers mois de détention (§ 71).
Une triple violation du droit à la sureté (Art. 5) est ensuite relevée par les juges. La justification de la privation de liberté (Art. 5 § 1) est jugée insuffisante car non seulement la déclaration du requérant comme « indésirable » ne lui fut jamais communiquée et ne prévoyait de toute façon pas une telle détention (§ 87), mais, de plus, les autorités roumaines « n’ont fourni au requérant aucune autre précision quant aux faits qui lui étaient reprochés et qui constituaient implicitement les raisons de sa privation de liberté » (§ 91). Par ailleurs, en lien avec cette incertitude, l’intéressé n’a jamais pu contester efficacement sa longue détention (§ 107-111), ni en obtenir réparation (§ 119), d’où une violation, respectivement, des articles 5 § 4 et 5 § 5.
Al-Agha c. Roumanie (Cour EDH, 3e Sect. 12 janvier 2010, Req. no 40933/02 )