Privé de gouvernement par Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé tient sa revanche. Pour quelqu’un qui avoue son obsession présidentielle , la fonction de franc-tireur de l’UMP présente bien des avantages. Liberté de ton, solidarité sur mesure avec le gouvernement, et possibilité de jouer depuis son bunker à l’assemblée les donneurs de leçons sans être contraint par la solidarité gouvernementale. Débatteur brillant et redouté, le député-maire de Meaux a néanmoins quelques défauts dans sa cuirasse. Un flirt décomplexé dangereux sur les terres idéologiques de l’extrême droite, une vision de la société très orientée en faveur des classes possédantes sans oublier parfois une confusion des genres entre affaires privées et affaires de la république.
Signe des tensions grandissantes entre le patron des députés UMP et le président de la république, l’entourage de Nicolas Sarkozy a vivement critiqué son jeu personnel sur le dossier de la burqua. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi, n’a pas hésité à parler d’une “opération de promotion personnelle“ . Autant dire que lorsque JFC sur le plateau de Mots Croisés lâche “si je me suis engagé dans ce débat, ce n’est pas pour faire carrière“, personne n’y croit.
Ce qui dérange avec JFC, c’est qu’il donne le sentiment de faire passer son intérêt avant tout. Peut-on pourtant construire un avenir présidentiel sur les cendres de l’unité nationale ? Copé fait le pari que oui certain que libérer la parole sur des questions aussi fondamentales et délicates qu’immigration et identité nationale aura un effet de thérapie de groupe et permettra d’aller enfin de l’avant.
Le fil conducteur de la pensée idéologique du député-maire de Meaux c’est d’affirmer “qu’il faut inviter chaque français à se demander ce qu’il doit à son pays“. Une version francisée somme toute de la phrase de JF. Kennedy : “Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays“. Dans sa vision des choses, Copé estime que les Français ont des droits et des devoirs. Enfin, certains plus que d’autres.
Dans le collimateur de Copé, entre autres, notre régime de protection sociale jugé trop coûteux, irrémédiablement déficitaire. “Il faut la payer” s’est exclamé le patron des députés UMP en visant explicitement les salariés accusés en filigrane d’en abuser.
L’ancien ministre du budget de Jacques Chirac sait pourtant comme le décryptait Laurent Mauduit dans les colonnes de Médiapart , que le montant total des exonérations de charges sociales a doublé en moins de dix ans mais surtout que si la liste des exonérations ne cesse donc de s’allonger, le gouvernement avec la crise a chargé la barque. Et le journaliste de conclure, étude de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) en main que, “le déficit de la Sécu, ce sont les allègements de charges. Presque à l’euro près“.
A juste titre, François Hollande estime que la concorde nationale est menacée par une politique fiscale injuste, qui fait peser l’essentiel de l’effort sur les classes moyennes et qui en exonère via notamment le bouclier fiscal mais aussi de multiples niches fiscales, les classes possédantes. Une injustice fiscale qui ne touche pas seulement les particuliers mais aussi les entreprises. Le quotidien La Tribune soulignait dernièrement l’étonnante disparité dans la taxation des bénéfices. Alors que les PME sont frappées par un taux de 30%, les très grandes entreprises, celles du CAC 40, ne le sont qu’à hauteur de 8%.
En fin d’année, l’hebdomadaire Marianne avançait que Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre des finances entre mars et novembre 2004, a mis au point une formidable niche fiscale qui a permis aux grands groupes et aux fonds LBO de vendre leurs filiales sans imposition sur les plus-values. Un dispositif finalisé par Jean-François Copé, secrétaire d’état au budget qui aurait profité abondamment aux grands groupes et aux fonds LBO et se serait traduit par une perte de 20 milliards d’euros de recettes pour l’Etat.
Il faut dire que le président du groupe des députés UMP aime le business. Suffisamment pour devenir, parallèlement à son mandat de parlementaire, avocat d’affaires. Une confusion des genres qui a du mal à passer. Dernièrement, la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) s’est déclarée préoccupée d’un possible conflit d’intérêt entre les fonctions de Jean-François Copé à l’Assemblée nationale et ses activités d’avocat d’affaires.
Des inquiétudes qui trouvent leur source dans un livre sorti en début d’année, “Copé, l’homme pressé “, dans lequel les auteurs, les journalistes Frédéric Dumoulin (AFP) et Solenn de Royer (La Croix) affirment que Jean-François Copé s’est servi de sa position de président du groupe UMP à l’Assemblée nationale pour bloquer un projet de loi dont son employeur , le cabinet d’avocats d’affaires Gide-Loyrette-Nouel, est un opposant résolu.
Trop pressé de s’élever dans les cieux du pouvoir, s’affranchissant de tout conseil en terme de risque possible de conflit d’intérêts , Jean-François Copé prend le risque d‘Icare . La galaxie politique a été traversée avant lui d’hommes brillants au destin de comète . Lassés des hommes pressés guidés par leur seule ambition personnelle, les français pourraient par un mouvement de balancier inverse rechercher, face aux tourbillons du monde, un homme posé. Ce qu’avait incarné François Mitterrand en son temps avec le slogan de force tranquille .