Nicolas Sarkozy commence l'année 2010 fatigué. Ses discours suscitent peu de commentaires. Chacun sent qu'il n'a perdu pied. Il radote des propos d'auto-célébration sans vision. Dans les coulisses, certains s'activent. Il faut remplacer Philippe Séguin à la tête d'une institution qui peut faire du bruit. A l'Elysée, Claude Guéant renforce sa position. Qui a-t-on élu à la Présidence ?
Remplacer Séguin
L'Elysée cherche un successeur à Philippe Séguin. Evidemment, comme pour chaque nomination, c'est l'occasion de faire preuve d'ouverture. Trois noms tiennent la corde: le sénateur-blogueur Alain Lambert (UMP), le président socialiste de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale Didier Migaud, et une femme, Claire Bazy-Malaurie, magistrate. On cite mêmele nom de François Hollande. Ce dernier a fait savoir, dimanche, qu'il préfèrait... l'Elysée. Le Figaro, toujours bien informé quand il s'agit des intentions du «chef de l'Etat français», détaille les critères du futur titulaire: «Étant inamovible jusqu'à l'âge de 68 ans, voire 69 s'il a des enfants, il ne peut pas être trop jeune pour ne pas bloquer le poste trop longtemps. Il doit être un bon connaisseur des finances publiques. Et se montrer capable de consolider l'entreprise de modernisation de la Cour lancée par Séguin, en rassemblant autour de lui les magistrats inquiets de la rue Cambon. À lui aussi de faire voter sans trop de casse le projet de loi portant réforme des juridictions financières qui donne à la Cour la main sur la programmation des enquêtes des chambres régionales des comptes.» L'enjeu de cette nomination n'est pas mince : les autorités indépendantes peuvent être des lieux d'opposition réelle aux dérives financières (le dérapage des déficits publics), éthiques (les nominations contestées de proches du président), ou législatives (la taxe carbone, annulée par le Conseil constitutionnel).
Pour l'enterrement, ce lundi, de Philippe Séguin, le discours du président français a été préparé par Henri Guaino, ancien fidèle du président de la Cour des Comptes. Le bal des hypocrites peut reprendre.
Conforter Guéant
Le Point et Marianne consacrent leur couverture à la Cour sarkozyenne, les proches du président français qui s'étripent dans les coulisses de l'Elysée. MarianHenri Guaino serait isolé, en guerre ouverte avec nombre de conseillers. Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, est parvenu à s'imposer plus que tout autre secrétaire général avant lui. Emmanuelle Mignon, à l'origine de la refonte idéologique du programme présidentiel de 2007, a définitivement quitter l'Elysée l'an dernier. Patrick Ouart, le conseiller justice, s'est éclipsé. Jérome Peyrat fut un éphémère conseiller politique. Claude Guéant s'est même saisi des affaires étrangères. Bernard Kouchner n'a jamais existé. Guéant aime à s'afficher discrètement comme le grand vizir de la politique étrangère de la France auprès de nombre d'Etats. Quand Kouchner se rend au Rwanda, vendredi dernier, il ne fait qu'assurer le service après-vente des démarches de Claude Guéant. Le grand vizir s'est rendu sur place discrètement, en novembre dernier, pour discuter avec le président Paul Kagamé.
Claude Guéant a même réussi à décourager Kouchner de rencontrer le président ivoirien. Le ministère des affaires étrangères a annulé, la veille pour le lendemain, son déplacement en Côte d'Ivoire, samedi 9 janvier. Le Figaro rapporte: «Officiellement, l’annulation est expliquée par la demande du président ivoirien d’obtenir un nouveau délai pour fixer la date de l’élection présidentielle. En fait, la priorité d’une rencontre avec Laurent Gbagbo aurait été laissée à Claude Guéant. Le secrétaire général de l’Élysée doit se rendre en Côte d’Ivoire fin janvier, en compagnie du ministre de la Coopération, Alain Joyandet.» Guéant est, entre autres, le véritable ministre des affaires étrangères. Ni élu, ni nommé, ni public. Voici la démocratie version Sarkofrance.
L'homme sait se mettre à l'abri en cas d'échec. C'est l'avantage d'agir dans l'ombre.. On est responsable devant personne, sauf son monarque. Le récent fiasco de la filière nucléaire française à Abou Dhabi lui doit beaucoup. Mais Sarkozy tient à lui. Ses échecs lui sont pardonnés. Surtout, Claude Guéant doit tout à Nicolas Sarkozy. Les hommes de l'ombre ne sortent à la lumière que confortés par leur Monarque. Il y a quelques jours, Guéant a missionné l'ancien président d'EDF, François Roussely, d'une mission sur la filière nucléaire française. Anne Lauvergnon, la patrone d'Areva, n'a qu'à bien se tenir. Ses jours semblent comptés...
Nicolas Domenach, dans Marianne, explique que Sarkozy n'est plus le même depuis son malaise vagal de juillet dernier. Le Monarque ne sait plus maîtriser l'agenda politique, ses discours tombent à plat, il paraît sombre et immobile. Nous avons dressé ces mêmes constats tout au long de l'année 2009. Ses voeux de l'année 2010 auraient pu être l'occasion d'annonces fortes et volontaristes, sur les retraites, la burqa, l'environnement, ou même la fiscalité. Bien au contraire, le président français s'est caché, se contentant de vagues allusions, avec des calendriers imprécis ou tardifs. Les retraites ? Ses voeux du 31 décembre ont mentionné l'échéance; ses voeux aux "économiques", le 5 janvier, n'ont rien dit sur le suhet. On attend toujours un calendrier. La Burqa ? Sarkozy a fait savoir qu'il était contre une loi sur le sujet. Les déficits ? Nous aurons une "conférence" pour en discuter.
Sarkozy a-t-il peur ? Sans doute.
En mars prochain, Nicolas Sarkozy devrait remanier son gouvernement. Les rumeurs reprennent bon train. Christine Lagarde est donc pressentie pour devenir premier ministre. Le vrai pouvoir sera de toutes façons ailleurs.