“A première vue, c’est bien ce qu’on appelle un enterrement de première classe. Les Invalides, le discours du chef de l’état, la nation reconnaissante, la classe politique unanime qui s’incline sur la dépouille du disparu… Point final pour Philippe SEGUIN.
La République enterre fort bien les siens et c’est la moindre des choses. Pourtant comment ne pas ressentir comme un soupçon d’hypocrisie devant cette avalanche de louanges tous azimuts, devant cette orgie de fleurs déversées toutes tendances confondues sur son cercueil : « le meilleur, le plus sincère, la plus belle voix, le plus éloquent, l’un des plus intelligents », etc., etc. … Quel dommage que Philippe SEGUIN n’ait pas entendu cela de son vivant. Car c’est plutôt l’inverse qu’il collectionnait, les critiques, les rancœurs, les rivalités.
Accusé d’abandonner le navire quand il démissionne de la présidence du RPR, accusé de fourvoyer son intelligence entre le démago PASQUA et le facho VILLIERS quand il dit non à MAASTRICHT, accusé de mollesse obséquieuse dans son étrange débat télévisé face à MITTERRAND en 92,accusé de ringardise dans sa calamiteuse campagne municipale à PARIS, accusé de trop s’agiter dans son placard de la cour des comptes… Fermez le ban.
Presque tous ceux qui l’encensent aujourd’hui l’avaient mis hors jeu depuis longtemps. Carton jaune permanent pour ce fondu de football qui avait une trop grande gueule pour devenir capitaine de l’équipe. Il disait toujours ce qu’il pensait. Et en plus il pensait. Deux tares rédhibitoires en politique.
Peut être pas à la fin des années 80 quand les quadras de la droites semblaient avoir de l’avenir mais maintenant surement. Maintenant faut être formaté. Faut penser comme un seul homme, ne pas dire non, n’être jamais en colère et toujours dire du bien et plus encore d’un homme politique qui vient de mourir.
C’est un truc que SEGUIN n’avait jamais pratiqué. Ca s’appelle la langue de bois. Option sapin pour les obsèques.”
* Patrice Bertin : ancien présentateur du journal de 19 h sur France Inter, puis directeur de la rédaction, aujourd’hui conseiller spécial du président de Radio France.