Par cette prorogation des activités de la Chambre des communes qui déplace les travaux parlementaires en mars prochain, le gouvernement Harper cherche évidemment à gagner du temps et à dicter une forme de « bâillon » aux partis d’opposition en ce début d’année afin d’imposer le tempo de sa future réforme de l’État.
Car la véritable raison de cette prorogation n’est pas l’affaire du transfert des détenus afghans ou la piètre image du Canada en matière de lutte au réchauffement climatique dont une majorité de canadiens hors-Québec ne semble pas réellement se soucier, mais bien la préparation de l’offensive du dégraissage de l’État si chère aux réformistes-conservateurs de monsieur Harper.
En effet, avec le début d’une nouvelle session parlementaire, le Parti Conservateur prendra le contrôle du Sénat avec ses récentes nominations partisanes et pourra alors compter sur un allié de plus dans le processus d’adoption de ses lois.
L’institution de la Chambre Haute est dépassée selon plusieurs, mais ce « power shift » en son sein peut faire la différence entre l’adoption, l’amendement ou le rejet d’un projet de loi controversé et contraire à l’intérêt public. On n’a pu le voir dans le passé : en 1990, le projet de loi C-43 initié par les progressistes-conservateurs de Brian Mulroney visant à limiter l’avortement a été bloqué par les sénateurs.
Avec l’éclosion de la crise financière, l’administration conservatrice a dû à contrecœur suivre les politiques interventionnistes des autres nations industrialisées et investir à coup de milliards dans le soutien aux banques et à l’économie en général, même si cela allait en contradiction avec ses préceptes de désengagement de l’État et de laisser-faire économique.
Mais, en mars, avec la reprise éventuelle, tous les astres seront alignés pour procéder à l’assainissement des finances publiques sous prétexte que le plan de relance a été onéreux. C’est ce qu’annonçait, le 22 décembre 2009, le premier ministre conservateur lui-même au réseau CTV en confirmant que le gouvernement ira de l’avant avec la deuxième année de son plan de relance et qu’il réduira ses dépenses (ce qui est un peu paradoxal). « Les canadiens devront se serrer la ceinture pendant cinq années» a-t-il dit.
Ces dogmatiques de droite n’ont que peu de considération envers l’opinion des citoyens ou le simple gros bon sens qui dicte qu’il ne faut pas sabrer dans les divers pans de l’apport financier de l’État en économie en pleine période de reprise chancelante et incertaine.
Malgré les sondages qui démontrent la désapprobation de l’électorat envers cette suspension des travaux parlementaires, les nouveaux conservateurs vont irrémédiablement dans la direction de faire avancer leur agenda politique et économique soutenu par leurs amis du monde des affaires sans se soucier du préjudice que cela peut amener à leurs commettants.