L’INSEE a publié, à la fin de l’année dernière, les résultats détaillés des comptes nationaux du 3ème trimestre 2009. Ils confirment que la récession est terminée (la croissance est redevenue positive) et que la sortie de crise est laborieuse (la progression trimestrielle du PIB n’est que de +0.3%). Les données détaillées fournies par ce document sont aussi très instructives sur la réalité du plan de relance mis en place par le gouvernement …
A la fin de l’été 2009, l’INSEE ne voit, en effet, toujours pas trace de ce plan de relance initié par le gouvernement en décembre 2008 et orchestré par le fameux « Ministre de la Relance». Selon les objectifs officiels, un gigantesque effort d’investissements publics devait venir soutenir la croissance française et enclencher un effet multiplicateur vertueux, selon un schéma keynésien de la plus belle eau. Or, d’après l’INSEE, l’investissement public a encore baissé au 3ème trimestre et son recul devrait approcher 3,8% sur l’ensemble de l’année 2009. Est-ce encore une manifestation de cette incapacité des statisticiens à mesurer le « vrai » monde ? Non, car ce constat est corroboré par les enquêtes auprès des chefs d’entreprises du secteur des travaux publics : même si les perspectives pour les prochains mois se redressent, la réalité est que le secteur vient de traverser sa pire crise depuis deux décennies. Il est loin d’avoir été le fer de lance de la reprise !
Si la relance publique n’est pas passée par la construction de ronds points à tous les carrefours, où sont donc passés les milliards des déficits publics qui font exploser la dette publique?
Pour les trouver, il faut aller explorer les comptes des ménages et, là, nouvelle surprise : non seulement la consommation continue de « tenir», mais, en plus, les ménages épargnent à tour de bras. Leur taux d’épargne serait ainsi passé de 15,8% de leurs revenus à la fin 2008 à 17% durant l’été 2009. Comment alors expliquer que les ménages aient eu le beurre (la consommation) et l’argent du beurre (l’épargne) ? N’ébruitez surtout pas l’info, mais l’INSEE estime que le pouvoir d’achat des ménages aurait cru de près de 2,5% en 2009, un chiffre élevé, et en tout cas une réalité en parfaite contradiction avec le discours ambiant sur la chute des revenus liée à la crise. Comment comprendre ce constat ?
On peut bien sûr faire confiance aux radiotrottoirs et estimer que Mme Michu, commerçante du coin de la rue et qui soutient que ça va mal parce que les « gens » n’ont plus d’argent, a une bien meilleure perception de la réalité que ces technocrates de l’INSEE. On peut aussi faire l’hypothèse que les chiffres sont (presque) vrais et qu’ils révèlent une double réalité :
1. si l’épargne des ménages gonflent, c’est qu’ils se désendettent à vitesse grand V (le désendettement équivaut, en comptabilité nationale, à une hausse de l’épargne), ce que confirme la chute des crédits bancaires ;
2. si les ménages épargnent, c’est parce que l’origine de leur pouvoir d’achat les rend méfiants : ils se doutent, en effet, que le boom des prestations sociales (+4,6%) ne saurait durablement compenser la stagnation de leurs revenus d’activité (+0,1% pour la masse salariale). Conformément à la théorie de revenu permanent, ils préfèrent donc épargner cette manne transitoire en prévision du moment où elle se tarira ou, pire encore, lorsqu’il faudra payer la facture.
Au total, la réalité décrite par les comptes trimestriels de 2009 paraît assez éloignée des orientations de politique économique officiellement annoncées : loin d’une relance par l’investissement, l’économie française connaitrait, en fait, une banale politique de soutien à la consommation, via les prestations sociales ou des mesures ciblées, type prime à la casse automobile. Rien de bien surprenant alors à ce que la consommation “tienne” !