J'ai appris avec consternation et indignation l'odieux attentat dont a été victime le malheureux compagnon à quatre pattes de mon collègue Guy Bedos (oui, on est confrères puisque l'on fait tous deux des revues de presse). Les journaux se sont tout de suite emparés de cette épouvantable tragédie qui concerne la France entière et ils ont eu parfaitement raison de dénoncer l'ignominie des assassins de ce paisible quadrupède pourtant profondément intégré à la réalité locale.
Le Post a bien compris qu'il était extrêmement important après cet atroce drame de la ruralité et de l'insularité terroristes réunies d'évoquer d'autres affaires non moins graves.
Le chien électrocuté.
Le chien explosé.
Le chien noyé.
On a évité le chien pendu, le chien empoisonné, le chien égorgé, le chien lapidé, le chien enterré vivant, le chien défenestré, le chien cloué à une porte de grange, et j'en passe. Les rédacteurs du Post n'ont pas trouvé suffisamment de faits-divers sur le même sujet dans la même journée. Il faut remarquer un fait : lorsque Le Post tient un thème, il cherche à le décliner de toutes les manières possibles durant plusieurs heures ou jours. Là, le thème était le chien maltraité et on a fouillé toutes les poubelles de la presse pour trouver des sujets voisins, parce qu'un pauvre petit toutou cela suscite l'apitoiement de bon nombre de personnes amies de certains animaux. La semaine prochaine, si le chat d'une autre célébrité est sauvagement assassiné par un chauffard alors qu'il pourchassait paisiblement un pigeon en bon chat qui se doit, ce sont des foules de félins qui fourniront la matière des articles. Puis on pourra décliner aussi avec le rat ou le varang d'une chanteuse gothique, si l'on veut.
On nomme rubrique des chiens écrasés les faits-divers sans grande importance pour le public. Le Post sait comment faire monter la sauce à partir de choses banales. Lorsqu'il est arrivé un accident dû à un molosse qui avait un peu trop taquiné les membres d'enfants en bas âge, il a tout de suite réagi en alignant une masse de faits-divers en quelques jours, tous sortis du néant, puis plus rien après. Comme si cela n'existait plus. Mais, pendant quelques jours, il a obtenu son lot de réactions de colère ou au contraire de défense. On va voir défiler toutes les occasions de mauvais traitements à animaux familiers ou NAC. Puis cela disparaîtra pour revenir plus tard. Cela marche par vagues.