"Personne, c'est à la fois une présence et un néant, un être et un masque, une résonance aussi, quelque chose qui sonne et résonne, donne à entendre le mystère de cette présence et de cette absence entremêlées."
C'est par ces mots que Frédéric Mitterand, Ministre de la Culture et de la Communication, signe son éditorial pour célébrer l'exposition de Christian Boltanski qui investit le Grand Palais jusqu'au 21 février 2010.
MONUMENTA 2010
(Manifestation internationale proposant à un artiste
de prendre possession d'un espace architectural)
CHRISTIAN BOLTANSKI
PERSONNES
Le premier mot qui m'est venu à la bouche, c'est "PUTAIN". Oui, je sais c'est moche, c'est réducteur, mais c'est vraiment la première interjection qui m'est venue, une fois le mur de boîtes en ferraille rouillée franchit. J'insiste sur ce "PUTAIN" qui m'a servi pour exprimer l'émotion spontanée de surprise et d'admiration que j'ai ressentit. Je vous plante le décors. Il fait froid, mes doigts sont blanc fluo par la Maladie de Raynaud, il est 11h en ce mardi 12 janvier, on entend battre un cœur, le Grand Palais est vidé de sa pâle fête foraine, peu de monde encore dans cet endroit de 13 500m2. Et là Vlan, "PUTAIN" en pleine face cette installation. Je n'avais jamais vu cela, je suis restée plusieurs minutes immobile, subjuguée.
"La question du destin et de l'inéluctabilité de la mort".
En suis-je à ce questionnement? mon jugement, ma sensibilité sont bien plus primaires. Je n'ai pas les mots. Eux, les autres, les érudits, les littéraires, les penseurs, les ont… Oui, bien sûr, j'ai survolé le ArtPress hors-série et le Figaro distribués à l'entrée ou encore le dossier de presse. Oui, je crois avoir compris ce que l'on essayait de me dire (je n'en suis pas si sûr!). Mais juste là maintenant, au delà du message de l'artiste, c'est juste que cela m'a pris aux tripes.
Je ne m'y attendais pas, je ne savais pas.
Oui, l'image de la mort, de la guerre m'est venue en mémoire. Mais c'est ce tas de fripes, haut de 10 mètres, plus de 200 000 pièces, qui m'a hébété. Puis plus tard, cette bouche métallique qui prend les vêtements, les emportent vers la verrière de la nef et les lâchent sans plus de cérémonial. Ils retombent, corps suicidés, corps démantibulés. Et le cercle infernal reprend et le cœur continu de battre…
Quand je prend conscience d'un attroupement prêt d'un rectangle de vêtements posés au sol. Je m'empresse d'attraper mon Nikon, tente de déclencher, mais toutes mes extrémités sont insensibles, c'est Boltanski, encerclé par une vingtaine de photographes tous plus pro les uns que les autres. J'ai tendance très vite à être FAN. Fan des personnalités qui se dégagent de la foule, de la masse, de la médiocrité. Boltanski en est. De suite on sait de qui l'on parle. L'homme, né en 1944, semble familier à prendre la pose. Il est petit, mais il en impose. Est-ce son manteau noir au col relevé qui crée ce personnage, cette impression? On le suit, on se donne des coups de coudes, j'adore! je m'échappe, tente tant bien que mal de réchauffer ces doigts, quand je tombe nez à nez avec Frederic Mitterand. je lui demande de prendre la pose devant le mur de ferraille, avant que les autres n'arrivent! Ouf! j'ai une image qu'ils n'auront pas, PUTAIN, ça fait du bien!!!!
Frederic Mitterand écoutant le battement du cœur dans l'un des pilier de l'exposition
et ma photo que personne au monde n'aura!!!!
Un grand photographe et son Leica.
Jean-Paul Cluzel, Président de l’Etablissement public du Grand Palais.
Frederic Mitterand et Christian Boltanski
Je regarderai à présent d'un œil différent l'étale de mon fripier préféré sur le marché du mercredi matin, et me questionnerai sur la personne qui portait les vêtements que je viens d'acheter.
On en ressort nu, PUTAIN il fait froid aujourd'hui…
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