J'espère que mes lecteurs qui exerceraient dans l'enseignement vont apprécier à leur juste mesure ces saillies de Gabriel Cohn-Bendit en juillet 2006, à propos des vacances :
Les enseignants sont des gros fainéants, et d'ailleurs, leur métier ne génère aucune fatigue. Allez, au boulot, ce tas de bons à rien incapables :
Les professeurs qui se plaignent de la fatigue, c’est scandaleux ! On n’entend pas un routier ou un type du bâtiment se plaindre avec seulement quatre semaines de vacances. Mais alors pour nous autres les professeurs ce serait l’épuisement total ? Les gosses sont fatigués ? C’est scandaleux ! Qui fatigue les gosses ? Qui leur donne du travail au point qu’au bout de 7 semaines ils ont besoin de souffler ? Il suffirait de leur donner moins de devoirs. L’école devrait comprendre qu’un enfant de 6 ans n’a pas le même rythme qu’un ado, qu’un pré-ado, etc. L’école ne réfléchit pas aux demandes des enfants. Ils doivent se soumettre au monde des adultes qui définit à quel rythme on doit apprendre. On leur impose un rythme fou contre nature.
Les enseignants, fatigués ? Mais ils ont trop de vacances, voyons !
Si les enseignants ont des vacances en été, c’est parce qu’à la fin du XIXe siècle, la France était à plus de 60% une société paysanne. Or jamais les paysans n’auraient accepté de laisser leurs enfants à l’école pendant les travaux des champs. Il fallait qu’ils les aident. Les enseignants étaient donc, durant cette période, au chômage technique. En 2006, 5% de la population est paysanne, 95% vit dans les villes. Il n' y a plus de travaux des champs mais les enseignants partent toujours en vacances ! Et l’été, les gosses restent dans les quartiers. Il y a un divorce complet entre les congés des enseignants et ce qui se passe pour les enfants. Les professeurs devraient se préoccuper un peu plus de ce que deviennent les enfants pendant ces deux mois.
Je suis en verve, en ce moment, mais il est difficile de ne pas faire de relations avec les déclarations de Dominique Strauss-Khan, au mois de septembre de la même année, estimant que le métier d'enseignant n'était pas un métier difficile ni fatigant, ou encore de Ségolène Royal, toujours la même année, proposant de flanquer les enseignants 35 heures dans les établissements et conspuant ce tas d'incapables se contentant de faire leurs dix-sept heures (sic!) !
Le problème, c'est que la gauche et les verts n'ont nullement renoncé à leur antienne. La preuve, lors du colloque organisé par Vincent Peillon, il était mis en avant de revoir les rythmes scolaires et le temps de travail des enseignants (temps d'ouverture des écoles).
Plusieurs partis politiques sont désormais prêts à monter sans scrupules la population française contre ses enseignants, comme au temps de Claude Allègre. A côté, l'UMP, qui n'a jamais évoqué ces sujets, va passer pour modérée (à raison ?).
Il est, une nouvelle fois, très regrettable de voir le MoDem joindre sa voix à ces balivernes. Je veux bien que le MoDem participe aux rencontres sur l'éducation organisées par l'Espoir à Gauche, mais si c'est pour se fondre dans la doxa ambiante sans faire entendre une voix originale, ce n'est pas la peine d'y aller.
Je ne conçois pas que l'on puisse donner la moindre légitimité, dans de tels débats, à un individu comme Gabriel Cohn-Bendit, qui passe son temps à insulter les enseignants, quand, dans le même temps, Vincent Peillon renonce à offrir un ticket d'entrée à Brighelli. Gaby Cohn-Bendit ne semble pas gêner les huiles pédagogos invitées à ces colloques, et les protestations du MoDem, au colloque précédent, ont été bien molles, là où il eût fallu déclarer le casus belli.
A la décharge de la gauche, il demeure toutefois quelques voix originales pour penser autrement : il n'est pas de mon camp, mais je rends ce satisfecit à Mélenchon pour s'être toujours abstenu de casser du prof, tout en prônant une éducation d'excellence. Espérons qu'il soit suivi sur ce point par le Front de Gauche.
J'appelle une nouvelle fois le MoDem à clarifier ses positions.