Seraphine

Par Grocher

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 Wilhelm Uhde est un riche collectionneur allemand d'oeuvres d'art. Fatigué de la vie grouillante de Paris, il s évade non loin de la capitale, à Senlis où il prend un appartement dans une grande demeure afin de savourer des moments de tranquillité. Nous sommes alors en 1912 et Wilhelm, découvreur de nouveaux talents, ne cache pas sa passion pour des peintres tels que Picasso et le douanier Rousseau. Il demande à Séraphine, une femme de quarante huit ans servante des lieux et autrefois bergère, de palier aux tâches ménagères. Cette femme un peu simple et au comportement bizarre, souffre-douleur d'un bon nombre de personnes, passe ses nuits à peindre secrètement dans son modeste logis sur des matériaux divers qu'elle récupère un peu partout. Au hasard de ses fréquentations  Wilhelm découvre dans une riche demeure  une peinture qui l'intrigue au plus haut point et il apprend que celle-ci est l'oeuvre de Séraphine qu'il va convaincre de son talent et n'avoir pour activité que la peinture. Des moyens financiers et matériels sont mis à la disposition de l'artiste qui va alors produire des oeuvres plus originales et belles les unes que les autres. Malheureusement pour elle, un évènement  imprévu vient interrompre ce bel ordonnancement, la première guerre mondiale éclate et Wilhelm doit quitter la France. Une dizaine d'année plus tard, Wilhelm a regagné la région et habite tout près de Chantilly. C'est alors qu'il apprend qu'un salon de peintres régionaux doit se tenir non loin de chez lui et lorsqu'il s'y rend, il reste ébahi devant une toile présentée et peinte par Séraphine...

A n'en pas douter, Séraphine est un personnage très particulier, celui d' une artiste de génie qui est à cent lieus de s'en rendre compte. Cependant cela peut se comprendre dans la mesure ou cette femme ne semblait pas prédestinée à l'art de la peinture et à la célébrité au regard de ses origines. Née en 1864 dans une famille de modestes artisans, elle se retrouve très vite orpheline. Elle exerce les activités de bergère puis de domestique chez les soeurs de la Providence à Clermont dans l'Oise. Plus tard, c'est chez les particuliers qu'elle continuera son activité de servante non loin de là, à Senlis. C'est à partir de cette période que Séraphine va commencer à attirer l'attention de diverses manières. Son physique ingrat assorti d'un esprit assez simple et d'un comportement singulier font d'elle la risée des bonnes gens et ses patrons profitent amplement de sa naïveté apparente. Et pourtant, Séraphine est-elle vraiment malheureuse? Peut-être pas car ses malheurs, ses mauvaises pensées s'évanouissent à la vue des fleurs, des herbes et au toucher des arbres pour lesquels elle entretient des rapports fusionnels. Puis il y a le grand secret de cette femme, c'est la peinture qu'elle exécute sur n'importe quel support à base de Ripolin, en cachette la nuit, dans sa modeste chambre à la lueur d'une bougie. Les feuilles, les herbes, les fruits et les fleurs sont représentés sur toutes ses oeuvres secrètes que découvre par hasard Wilhelm Uhde, le collectionneur et découvreur de talents allemand. Sûr de détenir le génie de sa vie il va mettre à disposition de Séraphine les moyens matériels et financiers afin que cette artiste puisse persévérer dans son registre et perfectionner encore sa technique. Séraphine qui a toujours vécu dans la misère va alors changer de vie et l'inconscience va bien sûr l'emporter sur la raison. Elle va acheter sans compter, tenter de se se mettre à la hauteur de ceux qui auparavant l'ignoraient ou la bafouaient. La guerre et surtout  la crise de 1929 vont  tout briser et l'argent de Wihlhelm ne peut suffire aux dépenses inconsidérées de celle qui découvre la belle vie à quarante neuf ans. Le dénuement revient au galop et la folie l'envahit et pourtant la peinture se poursuit. Son rêve d'habit de mariée qui s'était  concrétisé par la confection d'une magnifique robe blanche aura été de courte duré. Vêtue de cette tenue de gala, elle va déambuler dans les rues de Senlis afin de déposer devant la porte des demeures des objets qu'elle avait eu le plaisir d'accumuler durant sa trop courte période de bonheur. C'est à l'asile de Compiègne qu'elle terminera sa vie en 1942. Néanmoins, dans sa folie, cette artiste d'exception continuera à peindre ses fleurs, ses feuilles et ses herbes tout en conservant sa passion fusionnelle pour l'arbre qu'elle aperçoit de sa fenêtre de chambre. C'est dans une fosse commune que Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis, sera inhumée.

C'est très méritoire de tourner un film sur un personnage méconnu de beaucoup d'entre nous afin de nous en faire découvrir tout son talent et d'en faire en quelque sorte une promotion. Martin Provost s'est attelé à cette tâche avec un certain bonheur. Toutefois même si l'on ne peut qu'être conquis par le sujet, l'interprétation, les  images et la musique, il n'en demeure pas moins que ce film se cherche durant sa première partie. On sent que le réalisateur éprouve quelques difficultés à situer son personnage principal dans son contexte en nous faisant découvrir une succession de scènes assez brèves n'ayant aucun fil conducteur entre elles et cela finit par laser. On se perd un peu dans ce dédale de détails puis enfin, nous commençons au bout d'une vingtaine de minutes à entrer dans le sujet et là  le film devient magnifique, poignant, surprenant et passionnant. Tout cela est en partie dû à l'interprétation absolument exceptionnelle de Yolande Moreau qui se met magistralement dans la peau de ce pauvre personnage inconscient de son talent. Elle est tout dans ce film, au milieu de ses peintures, de ses encaustiques, de ses casseroles et de sa nature chérie. L'actrice est une véritable ambassadrice de Séraphine, cette artiste que l'on découvre avec tant de curiosité. Auprès d'elle Ulrich Tukur se montre sobre, émouvant et également ébahi par ce personnage et ébloui par le talent fou d'une créature aussi humble. Les images sont absolument superbes et chacune d'entre elles semble être un tableau nous délivrant un hymne à la nature. La très jolie musique agrémentée par moments par le son des cloches de la cathédrale de Senlis apporte une touche supplémentaire de romantisme à ces tableaux.

Il faut toujours féliciter un réalisateur lorsqu'il nous convie à une découverte. C'est le cas de Martin Provost qui nous fait vivre des moments intimes et souvent douloureux d'un peintre de génie qui grâce à lui sort de l'oubli. Yolande Moreau magnifique mériterait bien un joli "César" en  récompense de ce portrait de femme éprouvée par la vie qu'elle défend avec tant de conviction !

Ce film a obtenu le Valois de la meilleure actrice pour Yolande Moreau au Festival du Film Francophone 2008 à Angoulême

César 2009  du Meilleur film.

César 2009 de la Meilleure actrice pour Yolande Moreau.