Le Parti socialiste a un nouveau candidat à l’élection présidentielle. Analyse des forces et faiblesses d’une candidature de François Hollande.
L’ancien premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande (qui a battu le record de longévité à ce poste depuis Guy Mollet, de 1997 à
2008), vient de clarifier son ambition présidentielle qu’il entretenait secrètement depuis le 21 avril 2002 et l’échec catastrophique de la candidature de Lionel Jospin.
En effet, réfutant les rumeurs le hissant à la succession de Philippe Séguin à la première présidence de la Cour des comptes (à l’instar d’un autre leader socialiste, Pierre Joxe), François Hollande (qui a intégré la Cour des comptes après ses
études à l’ENA) a déclaré clairement sur Europe 1 le 10 janvier 2010 qu’il se préparait à l’élection
présidentielle de 2012.
Candidat
Il l’a d’ailleurs confirmé dès le lendemain dans l’émission "Mots
croisés" animés par Yves Calvi où il était opportunément confronté en direct avec un présidentiable de l’UMP, Jean-François Copé, ancien ministre et puissant président du groupe UMP à
l’Assemblée Nationale, qui n’a pas caché, depuis de nombreuses années, son ambition d’être candidat à l’élection présidentielle de… 2017.
L’éventualité de la candidature de François Hollande peut prêter à sourire, surtout lorsqu’on prend conscience de sa très faible notoriété. De
tempérament assez simple (et donc assez proche de la vie quotidienne de ses compatriotes), il lui arrive de faire ses courses lui-même, seul, tranquillement, et dans le magasin, seul un petit
tiers se retourne et le reconnaît (en exprimant surtout de la sympathie). Certes, Jean-Pierre Raffarin l’avait déjà affirmé en février 2002 : le problème de notoriété sera résolu dès que
l’homme est en situation.
François Hollande est un peu l’anti-Jospin en terme de personnalité. D’un très grand humour, il est connu pour ses plaisanteries et sa capacité
d’observation souvent percutante. Son problème est même le contraire de Lionel Jospin. Comment montrer son sérieux et ne plus faire sourire ? Il semble même vouloir adopter un nouveau look,
plus grave, pourquoi pas ?
Après l’échec de Lionel Jospin, François Hollande avait repris le leadership des socialistes pour les élections législatives de juin 2002 et s’était
même vu futur Premier Ministre, imaginant que l’union nationale qui avait fait élire Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen allait installer une majorité de gauche pour équilibrer (c’était
oublier la logique implacable de la VeRépublique).
Coincé entre le "je" et le "nous"
Pendant le dernier mandat de Jacques Chirac, François Hollande a cultivé deux attitudes pourtant diamétralement opposées.
D’une part, il a tout fait pour maintenir l’unité du Parti socialiste, au prix de "synthèses molles" dignes de son lointain prédécesseur Guy Mollet, ce qui n’était pas une mince affaire, surtout lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen du 29
mai 2005 où ses troupes étaient complètement divisées.
D’autre part, il se considérait comme le meilleur présidentiable de son parti pour 2007 et a attendu (vainement) qu’on vînt le chercher pour devenir
un candidat de consensus. Mais il n’avait pas pris en compte le développement quasi-spontané de la popularité de sa compagne d’alors (et mère de ses quatre enfants), Ségolène Royal, contre qui il
ne pouvait pas vraiment intriguer. Aujourd’hui, il a estimé qu’une confrontation directe au cours d’une primaire ne lui poserait pas de problème.
L’échec de Ségolène Royal l’a ravi au même titre que l’ensemble des éléphants socialistes. Sa loyauté irréprochable vis-à-vis de Ségolène Royal
durant la campagne présidentielle de 2007 peut lui laisser espérer un renvoi d’ascenseur pour 2012.
Quelles sont les forces et les faiblesses d’une possible candidature de François Hollande ?
Les handicaps d’une candidature Hollande
Aucune expérience ministérielle
Parlons d’abord de sa faiblesse principale : François Hollande n’a jamais gouverné. Il n’a jamais été ministre et ne sait donc pas ce qu’est
servir l’État au plus haut niveau. Ségolène Royal avait déjà eu un déficit de crédibilité à ce sujet en n’ayant occupé que des postes subalternes au gouvernement. François Hollande, lui, n’a pas
d’expérience gouvernementale du tout, ce qui peut lui être autant préjudiciable que le fait que Dominique de
Villepin, par exemple, n’ait eu aucune expérience électorale.
Certes, il peut maintenant s’enorgueillir d’avoir été élu en mars 2008 président du Conseil général de Corrèze, un département anciennement
chiraquien, et quelques années avant (en mars 2001), avoir conquis la mairie de Tulle, chef-lieu de ce département. Mais ses responsabilités budgétaires n’ont pas l’importance des grosses
collectivités locales comme celle que préside Ségolène Royal.
La réponse sur sa crédibilité gouvernementale pourrait être apportée sur deux plateaux. Le plateau politique : François Hollande ayant été onze
ans patron de l’un des deux plus grands partis de France, dont cinq au pouvoir, il a largement la capacité à aborder tous les sujets politiques de manière globale. Le plateau institutionnel qui
pourrait être une vraie différence avec Nicolas Sarkozy : François Hollande pourrait envisager une Présidence modeste, et pas une "omniprésidence". Ce qui signifierait que ce serait son
Premier Ministre qui gouvernerait effectivement. Mais alors, pourquoi élire le Président et pas le Premier Ministre ?
Au jeu de l’uchronie, François Hollande pourrait même rappeler la nocivité du quinquennat qui a mis les députés en ordre de bataille derrière le
Président de la République et s’amuser à rêver que si le second mandat de Jacques Chirac avait duré sept ans et pas cinq, en 2007, il n’y aurait eu que des législatives que le PS aurait sans
doute gagnées, ce qui aurait amené François Hollande à …Matignon (selon Bruno Roger-Petit).
Look atypique
L’autre faiblesse est sans doute un problème d’apparence, de look, de personnalité. Il ne semble pas avoir le profil. C’est un peu désolant d’y
mettre de l’importance, mais la réalité est que dans une élection présidentielle au suffrage universelle direct, le look est un élément majeur de réussite… ou d’échec.
Face à Jean-François Copé incisif, sûr de lui jusqu’à une certaine condescendance même, François Hollande fait figure d’honnête homme, de personnage
modeste, de brave proche des gens, mais qu’on imagine encore mal à la tête de l’État, chef des armées, prêt le cas échéant à commander le feu nucléaire.
C’est vrai que les questions de look sont vite réglées pendant une campagne électorale. Car cela sert surtout à cela, une campagne, à se donner une
posture. Gagnante ou perdante, c’est selon les critères, très fluctuants, des électeurs.
Transcourant
Autre handicap qui peut être insurmontable au pays des
éléphants en primaire, c’est l’absence de courant estampillé "hollandiste".
Dès le début de sa carrière parlementaire (en 1988), il avait refusé d’appartenir à un réseau en faisant du "transcourant" pour rassembler le plus de
monde derrière Jacques Delors. Chef du PS, il a toujours refusé de prendre partie personnellement dans la
bataille des ego et des idées dans un parti au bord de l’éclatement. Jusqu’au congrès de Reims de novembre
2008.
Beaucoup de militants socialistes soupçonnent François Hollande de vouloir récupérer les réseaux de Ségolène Royal par l’intermédiaire de Vincent Peillon. La polémique de novembre 2009 entre Ségolène Royal et Vincent Peillon qui se disait son premier lieutenant est l’un des signes d’une probable manipulation de militants. À
l’origine, le député-maire de Dijon, François Rebsamen, ami de François Hollande (qui en fit son numéro deux au PS) et soutien de Ségolène Royal en 2007, pourrait jouer un rôle essentiel dans
cette "récupération" de courant (au grand dam de Ségolène Royal).
Les atouts d’une candidature Hollande
Crédibilité gouvernementale, look à améliorer, absence de réseaux efficaces. Quand on regarde de très près, François Hollande n’a pas énormément de
handicaps par rapport aux points forts qu’il peut proposer aux socialistes et aux Français.
Très bon analyste politique
Premier point fort, c’est son analyse de la logique de l’élection présidentielle. Encore ce 11 janvier 2010 sur France 2, François Hollande a rappelé
l’importance qu’il attache à l’organisation d’une primaire socialiste au moins un an avant l’élection
présidentielle (ce qui signifie barrer la route à Dominique Strauss-Kahn). Il n’a pas tort lorsqu’il
compare la majorité, en ordre de bataille depuis plus de cinq ans derrière un leader incontestable (Nicolas
Sarkozy) et un parti efficace et uni (l’UMP) alors que le PS ne sait toujours pas qui sera son champion à deux ans de l’échéance. J’avais évoqué la course de lenteur après 2002 pour éviter de
départager trop vite les multiples compétiteurs potentiels.
François Hollande a donc compris la logique institutionnelle que détermine l’élection présidentielle. C’est aussi pour cela qu’il a renoncé à la
direction du PS. Trop lié aux "synthèses molles", il lui était impossible de se distinguer des autres
éléphants puis, de se distinguer des autres partis.
Un thème dominant : la politique fiscale
Son indépendance retrouvée depuis un peu plus d’un an lui permet de s’exprimer enfin à titre personnel, et de commencer sa propre campagne
présidentielle en abordant ses thèmes de prédilection. Et le principal concerne la politique fiscale. C’est sûr d’ailleurs qu’il risque de ne pas faire rêver beaucoup les gens en envisageant une
refonte totale de l’imposition sur les revenus, en supprimant les mille et une niches fiscales. Quand on touche aux impôts, on ne fait que des mécontents : ceux pour qui ça profite trouvent
cela normal ("encore heureux !") et ceux pour qui ça empire ne peuvent que râler.
Le thème fiscal n’est donc pas vraiment porteur, mais il est responsable puisque François Hollande se base avant tout sur la catastrophique dette
publique et les déficits publics qui ne cessent de s’accroître. Responsable donc car soucieux de l’intérêt général (en particulier des jeunes générations qui vont devoir payer les pots cassés
depuis trente ans), mais aussi très habile politiquement.
Court-circuiter le MoDem et rassembler la gauche
Car cette posture plaçant la dette comme point fondamental, c’est exactement le discours que tient François Bayrou depuis presque 2002 et l’un des thèmes majeurs de sa campagne présidentielle de 2007. Prendre à
François Bayrou ce thème est donc un élément tactique fort astucieux qui ôte la spécificité du candidat centriste et qui redonne à la gauche sa crédibilité économique (rassurant notamment les
principaux acteurs économiques et financiers).
Ce type d’habileté politique n’est pas nouveau avec François Hollande. Il a joué sur ce registre pendant tout le temps où il dirigeait le PS. C’est
d’ailleurs sur ses synthèses qui refusèrent de départager entre le social-libéralisme et l’altermondialisme
que François Hollande peut aussi prétendre qu’il serait le plus apte, au PS, à rassembler toute la gauche au second tour, de Dominique Strauss-Kahn (voire François Bayrou) aux écologistes et aux communistes (voire
aux gauchistes du NPA).
Une intelligence politique percutante mais méconnue
Bizarrement, François Hollande subit le même type de réputation qu’un Jacques Toubon par exemple, un peu falot alors qu’il jouit d’une très grande
intelligence d’analyse. L’avantage, c’est qu’il ne risque pas d’être pris pour un homme méprisant ou condescendant, ni pour un homme dangereux ; il peut donc surprendre plus facilement ses
adversaires.
Le succès qu’il a obtenu personnellement aux élections régionales de mars 2004 et européennes de juin 2004, ainsi qu’aux élections municipales de
mars 2008 (les seules élections qu’il était en capacité de mener pleinement, au contraire des élections présidentielles de 2002 et 2007, et des législatives consécutives, qui dépendaient avant
tout des candidats) montrent qu’à l’évidence, François Hollande a beaucoup de potentiel dans la conduite de campagnes électorales. Il l’a aussi prouvé en Corrèze sur un terreau pas
évident.
Intelligence également illustrée par un très beau sens de la répartie, comme sur France 2 lorsque Yves Calvi lui a demandé si Jean-François Copé
avait la stature d’un candidat à l’élection présidentielle, il a simplement répondu : « Oui, en
2017 ! »
Le rasoir de François Hollande
Le lieutenant de Laurent Fabius, Guillaume Bachelay s’était fait connaître au prix de l’humour politique avec cette petite phrase assassine : « La présidentielle, Hollande y pense en
nous rasant. »
Aujourd’hui, il est possible que François Hollande, poursuivant son bonhomme de chemin, commence à raser de plus en plus, et pas seulement les
murs…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (12 janvier 2010)
Pour aller plus loin :
François Hollande prêt.
Dominique Strauss-Kahn sera-t-il Président de la République
française ?
Émission "Mots croisés" sur France 2 le 11 janvier 2010 : débat
François Hollande vs Jean-François Copé.
Un peu plus sur le PS.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-ambition-presidentielle-de-68039
http://fr.news.yahoo.com/13/20100112/tot-l-ambition-presidentielle-de-francoi-89f340e.html
http://www.lepost.fr/article/2010/01/12/1882409_l-ambition-presidentielle-de-francois-hollande-lui-aussi-se-rase.html
http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-111
http://www.centpapiers.com/l’ambition-presidentielle-de-francois-hollande-lui-aussi-se-rase/11203/