Mais la nature humaine est ainsi faite que nul ne pourra jamais empêcher un individu, déséquilibré d’origine ou de circonstances, de passer à l’acte agressif, voire criminel. Et notre société aura beau jérémiader, invectiver, organiser des marches blanches ou de couleur, condamner, pleurer de douleur ou d’impuissance, elle devra toujours faire face à des comportements incontrôlables d’humains en marche vers le crime.
Le physicien Gauss a bien mis en évidence cette loi universelle, symbolisée par sa courbe de probabilités en forme de chapeau de gendarme : un neuvième de nos contemporains est d’une nature violente capable sûrement d’aller jusqu’au meurtre. Deux neuvièmes de celles et ceux que nous croisons tous les jours vivent un équilibre tellement fragile qu’ils peuvent, peut-être, aller jusque là, eux aussi. Soit au total un tiers de la population ! Quant aux autres, s’ils sont assez solides, intellectuellement et moralement référencés pour ne pas présenter ce risque, ils ne sont pas à l’abri d’un coup de folie. Nul n’en est à l’abri !
Toutes les harangues politiques n’y changeront rien ! Tous les systèmes de prétendue protection -fouilles systématiques, portiques de sécurité, renforcement des forces de police, fichiers- n’y pourront rien ! Celle ou celui qui voudra agresser, qui porte cette pulsion en lui, pourra toujours le faire, parfois même à son insu, à l’école, au bal, à l’église, à la tête d’une entreprise en ignorant les règles de sécurité, ou sur l’autoroute en fonçant à deux cents à l’heure entre des automobilistes paisibles.
Mais est aussi inacceptable le crime qui s’appuie sur le crime, notamment la pratique du pouvoir par la manipulation, par la menace et par la terreur.
Saisir l’occasion d’un meurtre pour développer une stratégie politique relève d’une perversion aussi grave que celle qui a conduit au meurtre lui-même ! C’est, brandissant une arme présentée au peuple comme infaillible et destructrice, accepter la logique du criminel. C’est, voulant pendre l’adversaire au «croc de boucher » ou « nettoyer la violence -ou la banlieue- au karcher ! », ajouter la violence à une violence déjà si tragiquement présente. Ne vaudrait-il pas mieux s’attaquer réellement à la précarité si traumatisante, à la misère si révoltante, aux injustices si criantes, à l’inculture si galopante, à l’exploitation du citoyen de base, consommateur et travailleur aux mains nues, si insupportable ? Ne vaudrait-il pas mieux donner des repères, donc des éléments d’équilibre, des points d’appui à celles et ceux qui les ont perdus, ou n’ont jamais eu le bonheur d’en recevoir en cadeaux de vie ?
Trouverons-nous un jour celles et ceux capables d’agir plutôt que de parler de « casquette à l’envers » ou de… « karcher » ?
Trouverons-nous ?Et si, pour éradiquer la violence, nous passions… la politique au karcher ?
Images Création du Monde Michel Ange chapelle Sixtine - affiche film E.T.