Il est désormais de bon aloi de rendre des hommages posthumes, sincères ou non. Comme dirait Brassens : l'idée est excellente mais peut-être serait-il plus judicieux de saluer les êtres rares de leur vivant. Je voudrais donc mettre à profit ce petit billet pour glorifier un homme d'une valeur exceptionnelle : monsieur Bernard Pivot. Un peu sous l'éteignoir depuis qu'il n'est plus sous les feux des projecteurs télévisuels, cet amoureux des lettres a su se rappeler à notre bon souvenir lors du procès d'intention fait à Marie Ndiaye, récente lauréate du dernier prix Goncourt. Je ne reviendrai pas sur la polémique, si ridicule que le mépris est la plus noble manière de la traiter, mais sur le vigoureux rappel à l'ordre de Bernard Pivot quant au respect des auteurs et de leurs textes. Il fut un des rares à s'élever contre la fatwa intellectuelle lancée à l'encontre de Marie Ndiaye par les censeurs d'une république oublieuse du sens que revêt le mot liberté.
Rien cependant d'étonnant à cela lorsque l'on sait l'amour que cet homme a porté aux auteurs et à leurs oeuvres des années durant. Beaucoup de livres ont été popularisés grâce à la qualité des présentations qu'il savait en faire. Nombre d'écrivains désacralisés dans l'excellent sens du terme par le biais de cette "Apostrophes" d'émission qui révélait combien les gens amoureux d'écriture méritent que l'on s'intéresse à leur travail car derrière chaque texte se cache un petit morceau d'une inestimable mémoire collective. Bernard Pivot arbitrait parfois des débats houleux mais toujours avec une élégance remarquable et le plus grand respect de ses invités. Le monde des lettres lui doit beaucoup et il serait de bon ton de lui rendre l'hommage qu'il mérite alors qu'il est encore parmi nous. Il serait idiot de dire plus tard : C'est bête, il n'est plus, nous allions presque lui dire combien nous l'aimions.
Merci monsieur Pivot pour ces très riches heures de télévision et vos interviews pleines d'à-propos. Quant à vos dictées... le diable en rit encore !