AUX ARTS SONORES,
ENTRE MUSIQUES ET ARTS PLASTIQUES
Vaste sujet, ou non, selon les points de vue, que celui de l'éducation en direction des arts sonores.
Les arts sonores peuvent-ils s'apprendre, s'enseigner? Peut-on éveiller ou sensibiliser les collégiens, lycéens, à ces sujets là, leur faire tendre l'oreille, leur faire triturer de la matière sonore ?
On connaît maintenant, plus ou moins, le serpent de mer que constitue l'épineux problème de l'apprentissage des arts, tout art confondu, au sein de l'Education Nationale. Selon les politiques, les époques, les lois, les projets... on se penche régulièrement sur la question, et l'on cherche bien évidemment à trouver des solutions qui devraient améliorer l'état actuel, sans résultats jusqu'à maintenant véritablement probants, voire en constatant une négligence et une paupérisation imortante de cette enseignement.
Comment être mieux sensibilisé, mieux informé, mieux formé, mieux éduqué, savoir faire, dans le domaine des (beaux) arts, notamment dans l'Education Nationale.
Bien sûr, on apprend, tant bien que mal, à dessiner, à jouer de la flûte à bec, à regarder un tableau, une image, à écouter une pièce symphonique au collège, ceci dans les meilleurs des cas...
Bien sûr, de la maternelle au lycée, on est sensé être sensibilisé aux matières artistiques, nonobstant parfois le manque de pratique et d'affinité de certains enseignants face à ces sujets, ou tout simplement le manque de ressources et d'outils mis à la disposition.
D'autre part, de plus en plus, d'écoles des Beaux-arts développent des actions ou formations sonores, qui progressivement s'exposent de festival en galerie.
On peut d'ailleurs se poser la question, qui du reste n'est pas neuve, de la façon d'apprendre, de transmettre les arts plastiques, ou sonores, ou les arts tout court. Faut-il comme jadis appliquer des techniques académiques, où l'apprenti artiste recopiait l'œuvre du maître, voire participait à sa fabrication, dans un esprit d'un artiste artisan apprenant des savoirs-faire transmis, avant de devenir lui même artiste dans son atelier propre ? Faut-il donner du grain à moudre en axant l'enseignement sur un accès à une vaste culture générale, à la Grande Histoire de l'Art ?
Faut-il, au travers la pratique de différentes techniques, explorer de multiples média, formes esthétiques, qui nourriront l'artiste en herbe pour lui forger un langage personnel, en abordant également les aspects théoriques, l'analyse et la critique, tout en se penchant sur l'héritage de ses pairs et augustes anciens, façon Beaux-art peut-être ?
Faut-il croire au génie, ou tout au moins au talent caché dans un artiste en devenir, qui éclatera sans qu'on est besoin d'enseigner l'art, à de purs et durs autodidactes ?
La transmission de l'Art passe t-elle par un savant mélange de tout cela, concocté par et pour des individus artistes et enseignants ? Je ne prétendrais pas répondre ici à ces vastes questions que certains ont du reste déjà largement abordées.
Néanmoins, puisque le sujet de cet article repose sur une expérience d'apprentissage artistique, entre musique et arts plastiques, ou dans ce que je nomme ici le champs des arts sonores, parlons de la création sonore, celle qui fait se rejoindre le plastique visuel, sculptural, et sonore. comment pourrait être abordée cette pratique qui a déjà tant de mal à être identifiée, bien que de plus en plus présente dans le paysage artistique, ?
Comment devrait-on, ou pourrait-on s'y prendre, et quels outils mettre en œuvre pour faire connaître les arts sonores, entre sculptures, installations, performances, création audio... ? Vaste programme en soi...
Et bien, malgré l'ampleur du défi, il me semble qu'il y ait au moins quelqu'un qui, à défaut de trouver des réponses à toutes les questions posées préalablement, ait pris le problème à bras le corps. Ce quelqu'un est Frédéric Mathevet, enseignant chercheur et Docteur et professeur d'arts plastiques, qui a initié le programme « Arts soniques » dans un collège de Seine-et-Marne. Frédéric Mathevet est donc à la fois un chercheur acteur sonore, qui réfléchit aux manières de faire, de transmettre, tout en étant plongé dans des problématiques de terrain, qui tendent à expérimenter des façons pramatiques de faire sonner, de construire, d'explorer, de regarder et et d'écouter.
Il ne se contente pas en effet d'écrire, de réfléchir et de théoriser autour de la pratique de la création sonore en collège, il enseigne, et transmet ses affinités entre visuel et sonore auprès de ses jeunes élèves collégiens.
La peau sonore - Photos L'atelier d'un cordonnier
Entre pratique et théorie, notre enseignant chercheur nous livre d'ailleurs, via internet, quelque textes et images concernant ses activités. Ses activités étant du reste assez clairement définies dans le titre de son "Atelier d'un cordonnier " Arts plastiques musique et/ou les deux" titre que j'étendrais cependant volontiers, aux vues du contenu, en " Arts plastiques, arts sonores et/ou le deux".
Le terme atelier du cordonnier nous rappelle Frédéric Mathevet, est tiré d'une critique que faisait Pierre Boulez à l'égard des compositeurs et des studios des musiques concrètes (Pierre Schaeffer), qu'il considérait comme trop enclin au bricolage, pas assez sérieux donc pour être de "vrais" musiciens. Pierre Boulez s'essaya pourtant, sans grand succès, à la musique électroacoustique, alors que l'avenir prouvera que ce qu'il jugeait comme trop bricolé à fait, et fait toujours et peut-être plus que jamais école, avec son répertoire, ses maîtres, ses multiples courants et esthétiques et.. ses apprentis.
En tout cas, c'est bien ce bricolage qui est ici moteur. C'est bien cette démarche concrète qui sert de terreau d'exploration, dans le principe - j'expérimente, je regarde, j'écoute, je retouche, je modifie, j'essaie d'autres pistes, je réecoute, je retouche, j'assemble, j'avance - je suis dans un atelier, de mécanique, de tissage, de couture, d'assemblage, et je travail bien dans ce cadre et cet esprit là. Certain pourront peut-être y voir des traces de formes d'éducation dites alternatives, à la Freynet ou Montessori, ou ce que l'on a appelé à une certaines époque, notamment dans l'enseignement musical des méthodes actives.
L'atelier, pour revenir à lui, est une notion chère à Frédéric Mathevet. Il la développe dans deux manuels, dont de larges extraits sont disponibles en Ligne. Le premier qui s'intitule "Sauvons les meubles", nous parle de façon simple, d'art plastique, d'images du quotidien, d'analyse et d'empirisme, de société et de regards sur celle-ci. Ici, pas de langage ésotérique façon critique d'art, une approche directe et engagée, qui prend à parti le commun des mortels comme non seulement un potentiel spectateur, mais également un potentiel acteur. Le second opuscule "Le cas particulier de la musique", explore les méandres de la création sonore et musicale d'aujourd'hui, s'appuyant sur les notions d'instruments, interfaces, corps, écritures, improvisation, espace, matières et matériaux, sculptures, coutures... Là aussi, simplement écrit, entre recettes et histoires, ce manuel ouvre des yeux, des oreilles, et des portes à qui voudrait bien oser expérimenter les sons.
Le blog justement intitulé L'atelier du créateur rend compte d'expérimentations sonores, visuelles et musicales originales, de mises en scène, en espace, en lumière, de créations plastiques visuelles et sonores qui se répondent, se télescopent... le tout agréablement illustrés de sons, dessins et photos, parfois un brin cruels, façon conte pour enfants pas si sage que ça.
Autre projet très intéressant, Arts Soniques. Il s'agit au départ de réaliser une exposition assortie d'un CD rendant compte du travail réalisé par, pour et avec des classes de collège. L'idée est déjà motivante au départ, à une époque où, plus on nous parle des vertus de l'éducation artistique, moins les moyens de la mener à bien nous sont donnés...
Mais le projet ne s'arrête pas là et utilise comme média relais, à la fois outil de communication et de création qu'est l'émission radiophonique.
Et c'est de nouveau la dynamique Radio Campus qui s'y colle, et met des créneaux horaires et ses tuyaux à disposition des collégiens, pour que ces derniers fassent entendre leurs projets au plus grand nombre d'oreilles.
La radio serait-elle donc un média tout indiqué pour parler création sonore ?
En tous cas, pour revenir sur le travail global de Frédéric Mathevet, on peut parler ici non seulement de recherches appliquées, mais aussi et peut-être plus encore de recherches impliquées, de celles qui nous rafraîchissent la tête en même temps que les oreilles.
Illustration Arts Soniques - Radio Campus
Autres liens
Conjonctions, Musiques et arts plastiques, et/ou les deux
artssoniques@radiocampusparis.org
mathevetf@wanadoo.fr