L'émotion au sujet de la disparition a revêtu un contenu populaire qui impose une analyse détaillée de ce phénomène qui ne peut être réduit à une seule mobilisation politique.
L'oubli commence aujourd'hui pour Philippe Seguin.
La période actuelle est marquée par les excès émotionnels. Hier, le coeur de la France était supposé s'arrêter en raison de la disparition du "grand homme". Aujourd'hui, le coeur de la France est déjà reparti vers d'autres considérations ... Plus l'émotion grandit, plus l'oubli s'accélère car chassé par une nouvelle émotion.
Loin de tels effets ponctuels, il est intéressant de chercher à comprendre les raisons de cette "passion triste" née ces derniers jours pour Philippe Seguin.
Il faut probablement rapprocher cet évènement de la publication hier d'une enquête Sofres / Cevipof sur la confiance des Français.
Derrière ce "phénomène Seguin", il semble que l'opinion témoigne son attachement à quatre valeurs.
1) La place du contenu : Seguin était d'abord un contenu durable dans le temps alors même que l'actuelle période est sans contenu ou avec un contenu tellement éphémère voire interchangeable. Les élections se vivent désormais sans programme, sans débat.
2) Le recul du look : Seguin était un esprit, un caractère avant d'être un look. Là aussi, quel contraste avec la période actuelle où les responsables politiques engagent des "campagnes minceur" comme si apparaître mannequin devenait leur première priorité.
3) Le choix du tempérament : il était accroché à des valeurs au prix même de sa carrière personnelle ; à l'opposé de toute mentalité de cour. Il était intègre vis à vis de son tempérament au point que Seguin pouvait devenir le pire adversaire de ses propres intérêts politiques.
4) L'autorité rempart : toutes les qualités précédentes lui confèrent un rôle d'autorité rempart. Il ne fait pas rêver mais justement il déçoit d'autant moins. Il n'offre pas des visages multiples mais justement la constance impose le respect. Il n'est pas proche au point d'être aimé mais il est compétent au point d'être admiré. Il est ainsi une synthèse des contradictions des Français dans le choix de leurs représentants à un moment où un tournant se produit peut-être dans ce profil type.
Il y a ainsi une sorte d'amertume, voire de culpabilisation, à ce que le "meilleur perde". Pour combien de temps l'opinion manifestera-telle cette culpabilisation ?
Est-elle ponctuelle ou témoigne-t-elle d'une amorce de changement dans le profil des élus face à certains excès des dernières années ?
Ce sont ces deux dernières interrogations qui vont mériter une attention durable.