L'article, c'est le portrait d'une femme de 70 ans (lu dans Libération) à qui on demande brutalement de prouver qu'elle est française.
Médecin, née en Indochine, passée par l'Afrique, elle a oeuvré en France pendant 40 ans. S'est mariée (deux fois), a eu des enfants (trois fois), a renouvelé sa carte d'identité (quatre fois). Mais la cinquième est mal passée. Elle s'est retrouvée un jour au commissariat avec sa généalogie sous le bras. Elle raconte la lèvre qui tremble : Je me retrouve littéralement plongée dans la faille béante de l'histoire de France. Je découvre, depuis les nouvelles dispositions de 2009, n'étant pas née sur le sol français, qu'il me faut prouver ma nationalité.
Elle résume bien, au final, cette idée qu'elle a une terre mère, le sol de sa naissance, une terre d'adoption, celle où elle vécut enfant, et une mère patrie. Tout cela n'est pas incompatible. Procède même d'un certain bon sens.
Il y a pourtant visiblement des failles dans le potage. Des esprits chagrins réussissent à porter leur morgue dans ces vies-là. A inventer des tiroirs au nom de la loi dans lesquels des gens ne pourront entrer. Comme si il fallait au nom de l'intégration commencer par exclure. Poser des problèmes, pour communiquer ensuite. Qu'on prend ses responsabilités. Qu'on résout les problèmes. Foutaises.
Le film, c'est Un barrage contre le Pacifique. Tiré d'un livre de Marguerite Duras. Des français, en Indochine. La lutte d'une vie pour cultiver des terres inondables à l'autre bout du monde. Le monde "des blancs" et le monde des autres. Les uns ne traitent pas toujours très bien les seconds. On est dans les années 1930. Il est déjà question de bureaucratie. Des terres que quelques uns se sont appropriés.
Je pense souvent à l'Afrique, aux guerres, à ces hommes qui, au nom de pouvoir, on essayé d'étendre leur territoire. Je me demande quel est le sens de cela. Quand je vois le continent africain, tiraillé, bafoué, je ne me sens pas fier de cet occident donneur de leçons qui plus est. Copenhague ne pouvait déboucher que sur Copenhague.
Colonisation, liens du sang et du sol, ce qui fait qu'on ici plutôt que là, porteur d'une histoire et propriétaire de l'invention de celle à venir. Qui colonise qui et quoi ? L'arrogance, une fois encore, qui se fiche sous mon nez. Les hommes ne cessent d'être que des hommes et parfois, c'est bien ça le problème.