Je dédie ce billet à Eric Rohmer.
Quoi dire d'autre, pour commencer ? Tetro est un chef d'œuvre, un de ces films qui justifient que le cinéma reste, malgré les assauts de la finance et de la crétinerie télévisuée, considéré comme un art, 7ème du nom.
Tetro de Francis Ford Coppola (2009)
avec Vincent Gallo, Alden Ehrenreich, Kaus Maria Brandauer et Maribel Verdu
a couté environ 10 millions d'euros...
A partir d'un secret de famille, ou de secrets cumulatifs peut-être, Coppola construit, dans un style narratif qui me rappelle Tennessee Williams, avec des acteurs qui évoquent la manière de Marlon Brando (Vincent Gallo, en constante lévitation), un film "aussi près de l'asphalte que des étoiles" comme l'écrit joliment Olivier Séguret dans Libération). Un truc de dingue, comme dirait mon petit Antoine (6 ans), quelque chose qui unit classicisme absolu et recherche formelle fiévreuse, dont l'intérêt est à rechercher autant dans les finesses du scénario que dans la perfection plastique des images.
C'est les Cahiers du cinéma qui en parle le mieux, quand, dans son article intitulé Diamant noir, Stéphane Delorme tente une synthèse qui fait mouche : "Commencé comme du théâtre de chambre, Tetro se conclut en Opéra". Ce film est l'histoire d'un parcours vers la grandeur.
Je n'ai appris que Tetro (entretien avec FF Coppola dans les Cahiers) avait été tourné en numérique, comme d'ailleurs, auparavant, L'homme sans âge, qu'après l'avoir vu et j'avoue avoir été bluffé, tant la matière du film s'impose comme cinématographique, cinéphilique. Le réalisateur s'explique : "J'ai toujours envie d'apprendre. Il est à peu près certain que d'ici quatre ans, tous les films seront en numérique. Puisque c'est l'avenir, j'essaie de voir si je peux comprendre quelque chose à cette technologie en m'en servant, et de cette manière, pourquoi pas, influer sur son développement". Ce point de vue entriste dans le monde du numérique me semble passionnant. J'ai vu le cinéaste Tsaï Ming Liang déplorer l'évolution du cinéma coréen, pays "moderne" où toutes les salles sont en train de s'équiper en numérique. il décelait en cela une forme de mort du cinéma. L'attitude offensive de Coppola me semble plus fructueuse. Il déclare, pour résumer : la question n'est pas technique, mais artistique, emparons-nous des façons de faire en devenir pour les asservir, en faire des auxiliaires de la création. Tetro est l'illustration spectaculaire de l'intuition d'un possible numérique ("Ce que j'ai appris, ajoute FFC, c'est qu'il importe peu de tourner en numérique ou avec de la pellicule -- c'est la qualité des objectifs qui compte"). Et il est vrai que Tetro nous en met plein les mirettes.
Ce film étant une fête pour les yeux, même une fête crépusculaire, à l'image de la cérémonie mise en scène vers la fin du film, je préfère lui rendre hommage visuellement, en montrant quelques photos parmi lesquelles je suis bien en peine de choisir, malgré la reproduction médiocre en .jpg, mais parce que chacune évoque un moment fort de ce film sidérant, à l'image de son acteur. Un dernier mot pour ajouter qu'il s'agit aussi d'un film d'acteurs et que je rêve d'un oscar pour Vincent Gallo, lui aussi sidérant en écrivain cassé, abimé, naufragé. Mais tous les acteurs du film sont magnifiques.
Quelques images, donc.
Tetro m'a forcé à réviser mon "palmarès" 2009" : je passe donc de 13 (pouquoi 13 ?) à 14 films (13 + 1).