Winston Churchill - François Kersaudy - Editions Tallandier
J’aime l’histoire, la petite et la grande, j’aime les biographies, et j’admire certains personnages, Winston Churchill en fait partie, j’ai entamé ce pavé avec l’idée de le lire à mon rythme, en fait je l’ai lu au rythme de Churchill c’est à dire au pas de charge.
Voilà un livre à la mesure du personnage, long comme le fut sa vie, plein d’humour, et Churchill n’en manquait pas, passionnant toujours car Winnie (surnom affectueux donné par les anglais) aimait la vie et elle le lui rendait bien.
Une mère qui collectionne les amants, un père qui méprise son fils et qui passe à deux doigts du "10 Downing street" mais meurt très tôt de syphilis, des études difficiles "sa scolarité sera un long combat", un père qui voit son fils comme un "crétin" et des professeurs comme un "cancre brillant" : Voilà le portrait de Winston Churchill jeune.
Lecteur vorace, il lit jusqu’à plus soif, doté d’une mémoire prodigieuse (il peut réciter sans erreur 1300 vers de Macaulay) et d’une imagination fertile, cette mémoire et les lectures engrangées lui seront précieuses lorsqu’il sera l’heure d’écrire des discours pour convaincre ses pairs ou ses électeurs.
Il fait le choix d’une carrière militaire et entre à Sandhurst, il y sera un cavalier émérite et un escrimeur redouté. Il sera sur toutes les scènes de guerre de l’époque : Cuba, l’Inde, le Soudan, l’Afrique du Sud.
La solde est maigre pour un jeune officier. Lorsqu’un journal lui propose d’écrire des articles, il le fera avec talent et parfois au grand dam de sa hiérarchie. Il acquiert une certaine notoriété et carrément la gloire lors de son évasion rocambolesque en pleine guerre des Boers. Sa plume lui permettra de vivre au dessus de ses moyens pendant toute sa vie, de perdre son argent sur les tapis verts d’Europe, et de s’approvisionner en alcool et en cigares.
Jeune homme pressé, car il craint de mourir jeune, il est atteint comme son père du démon de la politique, élu député à 26 ans il entre au gouvernement à 32. Il sera redouté par ses adversaires, il n’hésite pas à changer de parti quand cela lui apparait nécessaire. "Certains changent d’idées pour l’amour de leur parti, moi je change de parti pour l’amour de mes idées."
Il sera 11 fois ministre, du commerce aux colonies, en passant par les finances et la marine où il est éblouissant.
Lors de la 1ère guerre mondiale il est Premier Lord de l’Amirauté, lorsqu’il est remercié il s’engage et fait preuve dans les tranchées d’un courage physique extraordinaire. C’est un meneur d’hommes qui dit à ses officiers "Riez un peu, et apprenez à rire à vos hommes-la guerre est un jeu qu’il faut jouer avec le sourire. Si vous êtes incapables de sourire, grimacez ; si vous êtes incapables de grimacer, tenez-vous à l’écart jusqu’à ce que vous en soyez capables." Les soldats apprécient ce chef courageux et infatigable qui sait les galvaniser.
Dans l’entre-deux guerre sa carrière connaîtra des hauts et des bas, très tôt méfiant envers le nazisme et Hitler il sera des années durant le seul à tirer la sonnette d’alarme sans être jamais écouté.
La montée de la puissance militaire de l’Allemagne lui semble très dangereuse mais ses efforts pour réarmer l’Angleterre seront vains et sa lucidité ne sera reconnue que trop tardivement.
La déclaration de guerre impose de le rappeler au gouvernement car comme le dit avec humour François Kersaudy, "Lorsqu’on saute à pieds joints dans l’inconnu, mieux vaut le faire avec un homme qui connaît le maniement du parachute."
Apparaît alors le grand Churchill, l’homme de guerre pugnace, à l’énergie sans faille, à la puissance de travail proprement incroyable. Il a 65 ans et il va commander des hommes qui sont les fils de ses compagnons d’armes de la guerre de 14.
« Winston is back », tel est le signal envoyé par l’Amirauté à tous les navires et à toutes les bases navales britanniques au soir du 3 septembre 1939.
C’est un pacifiste qui aime la guerre et la fait pour la gagner et jamais ne s’avoue battu. Cet homme qui n’est pas un grand orateur mais qui sait écrire des discours inoubliables, n’est jamais aussi bon et talentueux que le dos au mur.
Dans les heures les plus sombres de la guerre, ses discours seront des phares et un soutien très fort à la population britannique qui vit sous les bombes.
"Je n’ai rien à offrir que du sang, de la peine, de la sueur et des larmes !" Ces paroles sont restées dans la mémoire de tous ainsi que la fin de son discours du 13 mai 1940 "Vous me demandez ce qu’est notre but ? Je vous répondrai d’un mot : la victoire ! La victoire à tout prix, la victoire en dépit de toutes les terreurs. La victoire, si long et difficile que puisse être le chemin."
Il a une confiance inébranlable. "Hitler ne peut pas gagner. Attendons son effondrement."
Rien ne l’abat, il échappe à 5 accidents d’avion, au torpillage de son bateau, au bombardement de Londres.
Il avait inventé les tanks, la « folie de Winston » pour ses collègues du gouvernement, il y aura le radar, les ports artificiels, les péniches de débarquement. Il a une idée à la minute ou comme le dira Roosevelt "il a deux cent idées par jour dont quatre seulement sont bonnes mais il ne sait jamais lesquelles."
Il fait preuve d’intuitions fulgurantes, dès le début de la guerre il est certain qu’elle ne sera gagnée que si les Américains y participent et il n’aura de cesse de convaincre Roosevelt d’aider l’Europe et de s’engager à ses côtés.
Parfois sa confiance sera dupée et il lui faudra un certain temps pour prendre la mesure de la duplicité de Staline. C’est un francophile et il pressent très vite la stature de De Gaulle, "L’Homme du destin."
Après la victoire, après quatre années de guerre " Staline et Roosevelt rendent un vibrant hommage à l’âge et au courage, le reconnaissent volontiers comme l’inspirateur suprême de la croisade contre le nazisme, "pourtant Winston Churchill regrette les frontières nouvelles, le morcellement de l’Allemagne, l’extension de l’influence soviétique." L’ensemble des Balkans, à l’exception de la Grèce, va être bolchevisé, et je ne peux rien faire pour l’empêcher." Dans un discours à la BBC, il exprime son inquiétude: "A quoi bon punir les hitlériens pour leurs crimes si le règne de la loi et de la justice ne s’établissait pas, si des gouvernements totalitaires ou policiers devaient prendre la place des envahisseurs allemands ? "
Il a gagné la guerre mais perdu les élections, le vieux lion est à terre mais c’est mal le connaître si l’on imagine qu’il est anéanti, en mars 1946 il prononce un discours prémonitoire "Une ombre s’est répandue sur la scène si récemment illuminée par les victoires alliées (...) de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique un rideau de fer est descendu sur le continent."
Mais alors qu’on le croit fini il sera encore une fois premier ministre !!
"Je veux mourir en Angleterre." Son voeu sera exaucé le 24 janvier 1965 soixante dix ans après (jour pour jour) son père.
A ses obsèques célébrées dans la cathédrale Saint Paul sont présents "Six souverains, quinze chefs d’Etat, trente Premiers Ministres venus des quatre coins du monde."
Que dire devant un tel destin, la biographie de F Kersaudy est magistrale, en dehors de quelques pages un peu trop longues à mon goût de stratégie militaire, c’est un régal. Le style de F Kersaudy sert parfaitement son sujet et l’on a une seule envie en fermant ce livre, lire les Mémoires de Winston Churchill car ce diable d’homme, non content d’être la personnalité la plus marquante de son siècle était un excellent écrivain et a obtenu un Prix Nobel de Littérature !
Ce livre va rejoindre dans ma bibliothèque celui avec lequel j’ai découvert, adolescente, l’histoire de la seconde guerre mondiale, Le IIIème Reich de William Shirer.
L’auteur
François Kersaudy, qui a enseigné l’histoire à l’université d’Oxford, il est professeur à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Il est spécialiste d’histoire diplomatique et militaire contemporaine. Il a reçu le Grand prix de la Société des Gens de Lettres et le Grand Prix du Livre politique. Il est l’auteur de multiples ouvrages sur l’Angleterre contemporaine, il a assuré la publication chez Tallandier des Mémoires de Guerre de Churchill.