Pourquoi la contribution carbone est une mauvaise idée alors qu’une vraie taxe carbone est souhaitable

Publié le 11 janvier 2010 par Penserdurable

Le conseil constitutionnel a rejeté la contribution carbone car il la trouve injuste et inefficace écologiquement. Cela signifie que cette loi n’est pas bonne en l’état, mais pas que la taxe carbone est mauvaise en général ! Pour quelles raisons la contribution carbone a-t-elle été invalidée ? Pourquoi la taxe carbone est-elle un excellent moyen pour lutter contre l’effet de serre ?

Une contribution carbone aux multiples défauts

Le conseil constitutionnel a rejeté la contribution carbone car il considère qu’elle est « contraire à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et qu’elle crée une rupture d’égalité devant les charges publiques. » Pour dire les choses clairement :
c’est une taxe inefficace écologiquement. Les entreprises les plus polluantes, à l’origine de 93% des émissions industrielles de CO2 hors carburant, auraient été dispensées de contribution carbone. Ces entreprises étaient exonérées par la loi au motif qu’elles se préparent pour le marché européen des quotas d’émission de carbone qui démarre en 2013. On compte parmi elles les transports, les centrales thermiques, les raffineries, les cimenteries… La redevance aurait ainsi seulement ciblé les carburants et les produits de chauffage.
elle crée une inégalité face à l’impôt contraire au principe républicain, puisque beaucoup de monde est exempté

J’ajoute que la contribution carbone comporte d’autres imperfections :
on ne change pas les comportements en taxant à 17 € la tonne de CO2 : cela représente 4 centimes le litre d’essence… La commission d’experts préconisait de commencer à 32 € la tonne, ce qui était déjà assez bas. Aujourd’hui, l’économie suédoise se porte bien avec 108 € la tonne de CO2 !
• les campagnards et les ménages modestes devaient recevoir des compensations importantes. C’est vrai que la taxe carbone favorise les citadins peu gourmands en énergie ; c’est aussi vrai que les ménages aisés émettent plus de CO2 (achats, voyages en avion) et ont plus de moyens pour rénover leur habitat. Il faut pourtant que chacun soit imposé, même un peu, sans quoi la taxe ne modifiera pas les habitudes.

La taxe carbone : le meilleur moyen pour changer nos comportements

Si la loi contribution carbone était mal calibrée, une bonne taxe carbone est nécessaire pour nous faire évoluer : les préoccupations écologiques gagnent l’opinion publique, mais dans les faits peu de gens sont prêts à modifier rapidement leurs préférences individuelles. Changer son alimentation, ne pas utiliser de voiture, baisser la climatisation ou le chauffage, restreindre ses achats… comme tout cela porte atteinte à notre confort quotidien, nous ne sommes pas poussés à remettre en cause notre mode de vie. Tandis qu’une taxe sur les énergies carbonées et les produits polluants -accompagnée d’un coup de pouce sur leurs alternatives écologiques- pèsera lourdement sur nos décisions, même si l’écologie n’est pas l’affaire de tous. Par exemple, l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité montre qu’une hausse du prix de l’essence se traduit par une diminution du nombre de kilomètres parcourus.

Sur un principe similaire au bonus/malus écologique des automobiles, on changera plus vite les comportements si on adjoint une carotte substantielle au bâton de la taxe carbone. Deux idées me viennent à l’esprit :
développer et baisser le prix des transports en commun par des subventions supplémentaires, pour aider un maximum de personnes à abandonner leur voiture
augmenter les crédits d’impôts en faveur de l’isolation des habitats. L’énergie la moins chère demeure celle qu’on ne dépense pas et une pièce bien isolée nécessite peu de chauffage. Pour les ménages modestes, un « chèque vert isolation » compenserait intelligemment les effets de la taxe carbone sur leur pouvoir d’achat.

En outre, la taxe carbone doit être nationale et pas locale. La taxe professionnelle, que la France était la seule à appliquer en Europe, avait pour effet pervers d’inciter les entreprises à réduire leurs investissements sur le territoire français. Mais c’était un impôt local précieux pour les collectivités, qui en retour rendaient des services aux entreprises : entretien des voiries, réseau électrique, formation… La taxe carbone ne peut se substituer à la taxe professionnelle comme impôt local : elle incite les entreprises à réduire leur empreinte écologique. Dès lors, plus une entreprise sera vertueuse, moins elle donnera d’argent à l’État. Si cet impôt est local, l’intérêt des collectivités ira donc à l’encontre de l’intérêt écologique. Alain Lipietz explique bien le problème sur son site.

Cependant, nous risquons d’évacuer le problème en faisant fuir nos entreprises à l’étranger et en exportant notre production de CO2 : la taxe carbone ne répondra au réchauffement climatique que si tous les États s’entendent sur un système commun touchant tous les produits. Nous avons laissé passé notre chance au sommet de Copenhague ; espérons que le marché européen des quotas d’émission de carbone réponde en partie à cette difficulté…

Pour finir et afin de convaincre les derniers sceptiques, voici une vidéo de l’expert environnemental Jean-Marc Jancovici, à propos du projet de la taxe carbone française.


La taxe carbone, par Jean-Marc Jancovici
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