Ainsi, la raison d'une position aussi radicale est simple : « On ne sait pas ce que l'on signe. D'ailleurs, on n'y est pas obligé. Et si un éditeur vous explique que dans ce cas, le livre ne se fera pas, alors acceptez sa demande de céder les droits numériques de votre oeuvre. Mais exigez qu'ils soient détaillés dans leur intégralité. Et tout spécialement les contrôles que l'éditeur compte mettre en place pour leur gestion... Vous allez bien rire. »
« La consigne est simple : ne rien signer ! »
Petite parenthèse pratique à ouvrir : au moment du tirage d'un exemplaire papier, plusieurs moyens permettent de garder un oeil sur les livres vendus. D'abord, le tirage, ensuite le nombre d'exemplaires en stock et celui mis en diffusion. Enfin, les retours déjà rentrés. Or, sur un livre acheté depuis une plateforme, on peut se faire une idée, mais quid du téléchargement illégal dans ce cas ?
« Les auteurs ont déjà perdu un outil de contrôle, lorsque, grâce au gouvernement, il a été décidé que pour une réimpression il n'était plus nécessaire de faire la demande de dépôt légal auprès de la bibliothèque nationale. Inutile pour l'heure donc, d'en donner plus et de mettre en place un système qui échappe complètement à toute forme de mesure. » En libérant en effet les éditeurs de cette nécessaire demande de dépôt pour les réimpressions, ce sont bien les auteurs qui ont été lésés, précise le membre du CPE.
Fraude fiscale avec le pilonnage ?
« C'est un peu comme le certificat de pilonnage : je suis curieux de savoir combien d'auteurs ont reçu le leur. Mais imaginez que l'éditeur annonce 4000 exemplaires pilonnés, il doit normalement montrer un certificat du pilonneur attestant de ce pilonnage, avec le chiffre. S'il annonce 4000, mais qu'en fait on se retrouvait loin du compte, l'auteur serait clairement spolié. Et finalement, on pourrait tout à fait parler de fraude fiscale. »
Si l'on parle de droits numériques sur une oeuvre, alors il faut se demander de quels droits l'on parle, « et ils doivent tous êtres entièrement listés (comme pour les droits annexes et dérivés), chaque utilisation numérique différente avec rémunération et moyen de contrôle afférent à chaque droit ». Que ce soit ceux pour la copie, la représentation publique, le passage radio et donc les droits numériques ! Mais surtout, si l'auteur accepte cette cession, il doit exiger de toucher la même somme sur un livre numérique que sur un livre papier.
Pourquoi ne pas vendre numérique
et papier au même prix ?
L'idée est effrayante : « Il me semble normal que l'auteur gagne autant avec un livre numérique qu'avec un livre papier. Et je ne parle pas du tout de toucher le même pourcentage, mais bien la même somme. Quelle idée idiote de dire que l'on vend le papier à 20 € et le numérique à 10 € ! Pourquoi ne pas faire 15 € et 15 € dans ce cas, sinon, cela tuera tout simplement l'édition papier, non ? »
Et puisque l'on parle de droits, il faut qu'il y ait une véritable négociation, droit par droit. « Est-il surréaliste de dire qu'un auteur devrait percevoir 90 % du prix d'un livre numérique ? Ou du moins qu'il ne devrait pas toucher moins de 80 % ? Non. D'une part parce que l'éditeur a des frais ridicules par rapport à l'édition papier. Mais surtout, ils ne supportent pas l'idée que leur auteur empoche plus qu'eux. Dans certains cas, c'est admis, par exemple si l'auteur apporte une affaire, comme une adaptation en film qu'un copain à lui veut réaliser. Alors là, oui, il gagnera plus. »
Ne confier ses droits qu'à une personne
en mesure de les exploiter !
Hypothèse de travail : se dirige-t-on alors vers une édition schizophrénique, où l'auteur signera avec une maison pour le papier et une autre pour le numérique ? « C'est incontournable, mais toujours en restant vigilant sur les contrats que l'on accepte. » L'avenir, il le voit même plus vaste que cela : « On finira par signer avec des acteurs en fonction des droits, parce qu'ils seront spécialisés, qui dans les adaptations en film, qui pour les droits étrangers, qui pour le numérique, et ainsi de suite. Les auteurs devraient prendre conscience qu'ils n'ont plus à céder leurs droits à des acteurs qui sont incapables de les exercer. Pourquoi donner ses droits numériques à un éditeur qui ne réalise pas ce type de livres ? »
Euh... certes, ça paraît évident. Mais cela pose également la question de la relation actuelle des auteurs à leur éditeur. « En France, nous manquons cruellement d'agents, qui seraient chargés de ces questions. Le MOTif prépare une enquête à ce sujet, qui ne manquera pas de faire du buzz. . Historiquement, le SNE freine des quatre fers sur ce sujet, ce qui arrange les maisons : un auteur cher serait encore plus si l'on passait par un agent. Pourtant, si une personne se présentait pour me proposer de faire ce travail à ma place, j'accepterais ! »