Suite aux récentes déclarations de Marc Zuckerberg (fondateur de FaceBook) et au projet de loi français sur le 'Droit à l'oubli', reviennent en force sur le devant de la scène numérique les questions liées à notre présence en ligne.
Face aussi sans doute à la déferlante d'outils et de services dévoilés ou confirmés lors du tout récent CES (Consumer Electronic Show) de Las Vegas ou un monde ultra connecté, augmenté, interactif continue de se profiler sur l'horizon.
Là encore, et comme souvent, on peut mesurer la distance qui existe entre les utilisateurs avertis et, les autres.
Tous ceux dont le métier à trait à I'informatique et à Internet savent qu'il est quasi impossible de tout contrôler (voir par exemple l'article Droit à l'oubli, le casse tête impossible, en bas de page). D'ailleurs - ceci étant écrit au passage - combien lisent réellement les conditions d'utilisation des sites qu'ils utilisent?. Là, comme ailleurs, c'est touffu, confus, écrit en pattes de mouches, et il est plus facile de cocher 'j'accepte' quand on veut quelque chose, que le contraire.
Et, même, vous pouvez maintenant vous offrir les services de mercenaires effaceurs de mémoire numérique, c'est également possible par le biais d'agences qui se spécialisent. Et ce, dans les limites du genre.
Au croisement de tout cela se mêlent des problématiques bien différentes sur fond de mélange de peur, de paranoïa, de méconnaissance, aussi.
Chez les utilisateurs 'lambdas' adultes, ce qui est globalement su, ce sont les choses suivantes:
1.Il ne faut pas laisser traîner n'importe quelles photos sur FaceBook (car, ils connaissent tous FaceBook).
2.On n'est jamais très sûr quand on fait un achat en ligne, et si...
Au-delà, la majorité de ces problématiques d'identité leurs sont étrangères (Twitter? Qu'est-ce que c'est? Oui, avec un pseudo, on ne peut pas savoir qui je suis. Etc).
Les questions d'identité ne se posent pas tant pour eux en terme de 'réputation'- sauf pour les parents envers les plus jeunes, parfois -, qu'en terme de données d'identité au sens 'papiers d'identité' (n° de cartes, adresses, etc). Peut-on me voler mon sac à main/portefeuille numérique?
La majorité de ceux-là ne pensent souvent même pas au fait qu'en s'enregistrant sur un site marchand, ils laissent de nombreuses traces de leur 'papiers d'identité', archivés au petit bonheur la chance et protégé par des conditions d'utilisation non lues et des mots de passe qui sont le deuxième prénom de leur petit dernier.
S'ils savaient que du côté du marketing, on parle maintenant de 'profilage' numérique: à force de demander à chacun de recommander ceci ou cela à son voisin... Pour les autres - ceux qui 'savent' - ils seront certainement profilés, parce que là, il y a de quoi faire. Mais on peut penser qu'ils sont suffisamment armés pour savoir dire non aux sollicitations qui arriveront (quoique...).
Il me semble que l'on navigue au milieu d'une confusion qui n'a d'égal que les écarts qui existent. Et, pour reprendre Bruce Schneier, que se mélangent 'sécurité' et 'vie privée'.
Que tout ceci va encore alimenter des lieux communs sur la méfiance face à ce grand Web, repère de pirates et de hackers, de détourneurs d'usage, d'avaleurs de vidéos, de bousculeurs en tout genre qui ne pensent qu'à colporter les rumeurs et les 'breaking news', racontent leur vie aux quatre vents, font du bruit et critiquent l'establishement.
D'ailleurs, je vais me répéter, mais il faudrait peut-être se soucier aussi de l'identité du Web. Je me demande toujours pourquoi son 'image' n'est pas plus juste? Pourquoi, alors que les outils et services se multiplient qui tendent à rendre les usages plus faciles, plus utiles, pourquoi en Europe, comme aux États-Unis, les politiques répressives et/ou restrictives d'accès à Internet se précisent, passant allégrement à côté des réformes adaptatives.
Il y a des raisons économiques (pour dire vite), mais pas uniquement.
En ce qui me concerne, j'ai choisi depuis quelque temps de ne plus être sur FaceBook, parce que, justement, ces conditions d'utilisation me déplaisaient et que j'estime avoir encore le choix.
Mais, même là où les écrits restent - Internet - je ne crois que cela soit très différent du reste: j'ai souvent été surprise de constater comment certains arrivent à - par exemple - continuer d'exister professionnellement, alors qu'il est de notoriété publique <vous vous souvenez de cette expression - qu'ils sont incompétents, voir, pire. Certains renaissent de leurs cendres et ont des durées de vie confortables. Insubmersibles.
Et, sur le Web, à condition de pas ne écrire quelque chose qui irait directement à la catastrophe (mon patron ceci), il faudrait peut-être:
1.penser à la formation et à l'éducation.
2.presque 'dédramatiser' d'une certaine façon, pour les utilisateurs moins avertis et les entreprises - dont certaines restent prudemment à l'écart de ce qu'elles considèrent comme du bruit et de la fureur.
3. continuer à penser que ce qui doit rester 'privé' peut le demeurer, tout simplement parce que ce choix n'incombe pas à une organisation, une entreprise ou un état.
Il y a des professionnels qui sont là pour ça (pour éviter de mettre les pieds dans le plat numérique en s'éclaboussant au premier mouvement), et qui ne parlent pas forcément un jargon abscons.
La question de l'identité devrait aussi peut-être être posée dans les termes suivants: l'archivage de nous-même devient différent, et complexe, car les données s'accumulent et il faudra savoir les 'remonter' dans le futur et donc, les indexer aujourd'hui. Effectivement, le bon fonctionnement de la mémoire humaine est du - notamment - à sa capacité à oublier et à hiérarchiser les souvenirs en fonction des évènements qui marquent la vie de chacun (privé). Pouvons-nous faire en sorte qu'il en soit ainsi pour nos mémoires numériques (celles qui relèvent du privé)?
Il me semble que nous pouvons être - présents - et avoir - été - en ligne. A condition de ne jamais oublier qu'il s'agit de personnes - derrière les écrans et les claviers - et de choix (donc, de pouvoir en conserver la possibilité).
Ressources & opinions:
- Article Read Write Web (France) sur les déclarations de Marc Zuckerberg (11 janvier).
- FaceBook Founder on Privacy: public is the new 'social norm'.
- Droit à l'oubli, le casse-tête impossible - Antoine Dupin (11 janvier).
- Proposition de loi ''visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique'' (Sénat).
- Bruce Schneier (expert en sécurité informatique): My reaction to Eric Schmidt (ce dernier, CEO de Google, s'est illustré récemment par des prises de position sur la notion de vie privée. En substance: nous (Google) archivons, si vous êtes là - sur le Web - vous n'avez rien à cacher).
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