Scott Berkurn, l’auteur du livre "Les mythes de l’innovation", joue sur un style de provocation bien calibrée. Son récent billet "Why do big companies suck" ("Pourquoi les grandes entreprises sont-elles foireuses ?") ne m’a pas étonné.
Mais sont-elles désormais si foireuses que cela les grandes entreprises ?
Les grandes entreprises (encore) utiles à l’économie
Les grandes entreprises produisent encore des produits fantastiques.
Qui pour nous transporter si Boeing ou Airbus n’étaient pas là ? Sur quoi regarderions-nous la télévision sans Samsung, Sony ou Philips ? Qui pour nous assurer sans des structures (a priori) solides sur la durée comme Axa ou Allianz ?
Les grandes entreprises génèrent une portion encore substantielle de la croissance économique.
Elles sont les premiers agents, pour le meilleur et pour le pire, de la mondialisation des usages et des standards.
Bref, les grandes entreprises jouent un rôle important. Scott Berkurn le reconnaît, d’ailleurs.
Mais la façon qu’ont les grandes entreprises de s’organiser, de se manager ou de définir leur stratégie pose aujourd’hui problème.
Ce qui ne marche plus dans les grandes entreprises
L’auteur de « The myths of innovation » recense cinq défauts principaux que l’on rencontre dans les grandes entreprises de ce début de millénaire. Les voici :
- Les grandes entreprises ont perdu leur âme. Une fois que la startup du début a atteint 500, 1.000 ou 20.000 personnes, l’entreprise n’innove plus radicalement. Elle capitalise sur l’héritage et les quelques idées de départ de l’équipe première. L’âme d’origine s’en va, souvent, avec les fondateurs.
- Les grandes ne sont obsédées que par l’optimisation. « Les responsables de grandes organisations obtiennent, en général, plus d’incitants pour minimiser les coûts que pour développer de nouvelles idées et créer de nouveaux business », pointe l’auteur. A force de rogner sur tous les surcoûts, l’entreprise élimine parfois dans la foulée les ingrédients à l’origine de ses succès d’hier. Une culture centrée sur l’optimisation rend les améliorations sur le long terme difficiles à réaliser.
- Accro à la bureaucratie. « Je suis fasciné de voir dans certaines organisations des équipes de 20 personnes pour effectuer le travail que d’autres de leurs concurrents réalisent avec 3 ou 4 personnes, souvent avec des meilleurs résultats à la clé, note Scott Berkurn. Il est étonnant de voir aujourd’hui des cadres senior, intelligents, incapables d’imaginer que l’on peut réaliser des choses sans devoir parler à un comité, sans remplir de formulaire ni réalisation de laborieuses études de marché ».
- Ils finissent par croire aveuglément leur propre discours « Quand il vous est interdit d’utiliser le produit d’un concurrent même si celui-ci est meilleur, observe Scott Berkurn. Ou quand vous ne pouvez critiquer une décision, même si vous savez que cette dernière est irrationnelle et/ou mauvaise, les bonnes idées émergent de plus en plus difficilement, car le bon sens et l’interprétation objective est interdit.
- Les grandes entreprises affectionnent le statu quo et une mentalité de suiveur. Plus une entreprise grandit, plus la sécurité de l’emploi est ce qui attire ses salariés. Pas, ou trop peu souvent, la croissance attendue, les opportunités d’apprendre ou de prendre des risques. Pour toute personne portée sur la mise en oeuvre de nouvelles idées, la prise de risque, le changement ou la quête de croissance, une grande entreprise offre un environnement très frustrant. La psychologie dominante favorise la sécurité absolue et le politiquement correct.
Scott Berkurn rappelle cette blague qui circulait chez Microsoft jadis :
"Le meilleur moyen de mettre en oeuvre une idée de produit chez Microsoft, c’est qu’un concurrent la mette sur le marché avant vous"
Beaucoup de grandes entreprises, sans doute, se reconnaîtront dans cette métaphore.
Ci-dessous, la vidéo de Scott Berkurn présentant « The Myths of innovation » chez Google