Des panégyriques non commandés

Publié le 10 janvier 2010 par Desiderio

Tanathos est un étrange personnage dans l'univers de la cour des blogues. On ne sait ce qu'il lit, écoute ou voit, mais on le retrouve inévitablement dans chaque hommage au dernier défunt célèbre. Peu lui importent la vie et l'oeuvre du personnage, ni en quoi il comptait pour lui, il se doit de lui dresser des louanges et de lui tresser des couronnes de laurier. Ainsi se présente-t-il au chevet d'un grand commis de l'Etat à peine refroidi pour déclarer que même s'il ne partageait pas ses choix, c'était un grand homme qu'il estimait et qu'il s'agit d'une immense perte. Même s'il n'était pas de mon bord, j'estimais sa rigueur et sa vertu, déclare-t-il en récitant ce que toutes les gazettes ont pu écrire. Le lendemain, on le retrouvera près du lit d'un chanteur ou d'un acteur ayant reçu les derniers sacrements, et il entonnera de nouveau un éloge funèbre qu'il croit digne de Bossuet. Il se juge avisé lorsqu'il se précipite sur le premier mort venu, à condition que ce mort fasse les gorges chaudes de toute la cour des blogues. Il est d'autres morts dont il n'estime pas bon de parler, puisque leur nom ne dirait rien à quiconque et que maintenant on peut dignement les négliger. L'important, c'est qu'il s'agite de tout ce dont tout un chacun s'agite. Il va ainsi de cadavres en cadavres, comme pour se promener, répétant les mots convenus qu'il a lus dans les gazettes ou entendus dans les étranges lucarnes, et chacun de croire qu'il était un familier de celui qui est déjà en train de se décomposer sous les yeux de tous. Il rapporte parfois une anecdote pour rendre sa louange plus sincère et plus authentique, personne ne la comprend mais elle lui permet de manifester son lien personnel avec le disparu célèbre et ainsi de montrer combien il mérite d'être lu puisqu'il parle des sujets dont tout le monde est censé discuter. Puis, de fil en fil, on le retrouve à parcourir toutes les rubriques nécrologiques afin de trouver un mort célèbre sur lequel il pourrait écrire un dithyrambe afin de ne pas sombrer dans l'indifférence la plus complète.

[Je ne sais pas si je vais reprendre longtemps les Nouveaux Caractères, mais je les tente d'une autre manière, de façon plus générale. Je me suis abstenu pendant une période assez longue qui m'a permis de réfléchir.]