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La précaution et la différence

Publié le 11 janvier 2010 par Jlhuss

photo_lycee_europe2.1263163835.jpgUn lycéen est soupçonné d’avoir tué l’un de ses condisciples pour des motifs qui semblent d’une futilité à peine croyable : la victime aurait demandé « un effaceur » à la sœur du tueur présumé sur un ton que cette dernière n’aurait pas apprécié. Elle s’en plaint auprès du grand frère et le drame arrive. Le tueur présumé a été mis en examen et l’on aura des éléments plus précis. Mais “le genre” se banalise. OUI ! On croit rêver, interloqué par une telle immaturité.

Des histoires dramatiques de ce type on en connait d’autres; celle du type qui descend de sa voiture et flingue celui qui vient de lui « piquer sa place de parking » ou de lui faire une queue de poisson par exemple : honneur bafoué ! 

Non moins immature, à mon sens, le vaste débat qui ne manque pas de suivre sur la « sanctuarisation » des établissements scolaires etc. Resurgissent alors, les portiques, les fouilles, le scanner n’est pas loin comme dans les aéroports, la vidéo-surveillance et j’en passe.

La véritable question n’est absolument pas celle-là. C’est amuser les foules que de laisser croire à des moyens efficaces pour éviter la reproduction de tels évènements complètement irrationnels.
La véritable question c’est d’abord cette immaturité :  “Ils se sont pris la tête à cause d’elle (la sœur). L’agresseur a alors sorti un couteau, et l’a planté dans la victime”
Jean-Paul Huchon en qualité de président du Conseil Régional d’Ile de France, en charge des Lycées, montre bien l’impuissance des moyens de sécurité face à de telles attitudes, «Le lycée était bien protégé. On avait mis des portiques de sécurité et des caméras de vidéo-surveillance voilà un an et demi. Il n’y a pas de problèmes de sécurité.»

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Ce douloureux fait divers et d’autres semblables, ne peuvent à mon avis que relancer le débat sur les valeurs enseignées, et les distorsions abusives de l’honneur considéré ici au sens tribal. On entendra sans surprise « je l’ai percé, parce qu’il m’avait mal parlé, parce qu’il manquait de respect à ma mère, parce qu’il a regardé ma soeur, ma copine,la soeur de ma copine  etc. » Un retour à la barbarie sous le couvert de l’honneur bafoué. Un honneur curieux d’ailleurs, plus tourné vers le sexe dit faible, considéré comme une “propriété” que vers sa propre image.
Mais quand se décidera-t-on à éduquer au lieu de maintenir l’illusion qu’ils n’ont rien à apprendre, aucune leçon à recevoir, de personne, si ce n’est celle de la tribu? La démagogie commence à produire ses fruits amers. Il est curieux de constater que nombreux étaient ceux qui ne prévoyaient pas ce retour du bommrang et qui paraissent surpris. Quand des mômes n’ont pas plus de quatre vingt mots de vocabulaire pour s’expliquer, ils en viennent fatalement à la violence : c’est le seul véritable moyen d’expression restant. Pour être complet citons également Tahar Ben Jelloun “dans une société ou l’individu n’est pas reconnu, ce qui compte avant toute chose; c’est la tribu et le clan. La “reconnaissance” éloignerait du clan.

A défaut de désigner sans cesse, et parfois injustement la capitulation pédagogique, on peut quand même regretter d’entendre à nouveau les mêmes poncifs : il faut des médiateurs, un encadrement renforcé etc. Plus de personnels … Peut-être, sans doute même ! Mais pour faire passer quels messages ?
Ayons enfin le courage d’être clairs et précis, ce n’est pas de portiques, de fouilles, de médiateurs dont on a en urgence besoin. Mettons les en place pour nous faire plaisir et rassurer faussement les gogos. Nous avons besoin d’une reprise en main complète des enseignements. Nous avons besoin de maîtres qui sachent dire ceci est bien, cela est mal. Nous avons besoin d’adultes qui répètent sans cesse qu’être un homme ce n’est pas se croire “propriétaire” de sa sœur. Nous avons besoin que soient réaffirmés des principes très simples avant des grands concepts et des stratégies sécuritaires sans effets.
Au nom de la liberté, de l’épanouissement personnel, mais aussi de théories fumeuses, on a « balancé » la notation, elle pourrait froisser ces petits, la dictées (aïe l’orthographe…), les leçons de morale (ah surtout pas, c’est bourgeois ) plus d’instruction civique … La valeur essentielle est devenue l’épanouissement personnel en dehors de la contrainte. Qui dira que la vie en société, c’est la contrainte au contraire ? La contrainte du collectif par rapport à l’individuel. Qui dira que l’épanouissement personnel ne pourra commencer qu’après avoir correctement assimilé les devoirs collectifs.
Aujourd’hui dans certains établissements, c’est la jungle du tout le monde a raison, alors dans la jungle il y a forcément des risques et les portiques et médiateurs n’y changeront rien.
Il y a plus que le seul enseignement et ceux qui le servent; la lecture des nombreux commentaires parus sur cette affaire laisse aussi transparaître, souvent à mots couverts, les questions plus « identitaires »; c’est la mode à laquelle certains ne veulent pas sacrifier, préférant la position de l’autruche. Cette question ne peut pourtant pas être évacuée d’un revers et passée sous silence. Cet « honneur » mal placé du grand frère vis à vis des filles et femmes de la famille, du clan, allant jusqu’à s’arroger le droit de faire une “justice” expéditive, n’a pas de place dans le panthéon des valeurs républicaines. Il convient de le rappeler, aussi bien aux filles et femmes qu’aux fils et grands frères. Ailleurs peut-être, pourquoi pas ? (mon  ailleurs est très large, d’Est en Ouest et du Nord au Sud !) Ce n’est plus notre affaire, mais pas ici.
C’est simple, Non ?
Tellement que l’on semble vouloir faire l’impasse au nom du respect, maintenant sacré, de la différence. Il faudra pourtant choisir : on nous parle sans cesse du principe de précaution, ne passerait-il pas également par la maîtrise éclairée (par les lumières de la République) du droit à la différence ?

On terminera par une citation empruntée à la “France métissée“; “Il faut agir et je suis scandalisée quand j’entends que la sécurité est un discours de droite : l’ordre républicain est émancipateur” […] “le droit à la sécurité n’est pas réservé aux bourgeois” mais “existe d’abord pour les plus pauvres”.


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