Pour changer de nos perpetuelles promenades a Oxford ou Bath, nous decidons de partir a la decouverte de la ville de Shakespeare, Stratford-upon-Avon.
Evidemment au programme: du Shakespeare, du Shakespeare, du Shakespeare…La maison ou il a vu le jour, celle de son epouse, l’emplacement ou il a fait construire sa demeure, celle d’un contemporain pour mieux comprendre la vie de son epoque… C’est cette semaine l’anniversaire de sa naissance/deces (le gars avait cumule les deux dans les memes dates), les theatres regorgent d’adaptation de ses pieces, affiches stylees et modernes qu’on arracherait bien de leur support pour mettre dans son salon. Meme les pubs s’y mettent.
C’est un peu l’aventure, nous avons juste eu le temps de parcourir le site web. Nous tentons donc l’option “Pur touriste” et grimpons a bord du double decker bus qui entame le tour des “Must be seen”. Le premier etage est a ciel ouvert, ideal pour admirer les knot gardens, les cours couvertes de glycine habituellement abrites des regards, les belles portes ouvragees…
Off we go, a travers les vieux quartiers de la ville puis vers la campagne toute proche. L’etroitesse de certaines route ne ralentit en rien le chauffeur: la brise devient vivifiante, et je me cramponne a mon siege, ma fille et son chapeau dans des passages proches du rodeo…
C’est la Countryside britannique dans toute sa splendeur, parsemee de maisons au toit de chaume. Le dessus est toujours sculpte de modifs ondulants le long de l’arrete. On croise parfois un couple d’oiseaux en paille, destines eloigner les vrais: ceux-ci pillent la toiture pour construire leur nid… Plus generalement, un grillage discret recouvre le tout.
Nous descendons profiter du vert tendre de la saison, du ruisseau qui serpente sous les arbres, de l’odeur d’herbe fraiche… Campagne oblige, quelques rencontres locales:
De l’autre cote de la route nous attend le cottage d’Anne Hathaway, l’epouse de William Shakespeare. Enfin cottage, c’est vite dit… Le terme designe generallement une maisonnette de campagne, mignonne en tout, grand comme un mouchoir de poche, jardin un peu fou debordant de coucleurs et d’herbes ppour la cuisine… Les parents d’Anne etaient fortunes, la demeure compte en fait 12 pieces meublees d’epoque. Si l’on fait rapidement le tour de ce musee, l’atmosphere est restee, l’odeur de cire embaume l’air, le four a pain est pret a servir… On resterait bien pour le tea time deguster des scones en profitant du jardin plantees des herbes et fleurs citees par l’auteur dans ses textes…
Plus loin, une hutte en saule etale ses feuilles, et propose, par un banc interactif, d’ecouter les sonnets de l’ecrivain. Les createurs se sont inspires de 12th night, ou Viola decrivait la force de son amour:
Le saule etait symbole de perte, de tristesse. Les amoureux eperdus, decus, trahis, abandonnes avaient l’habitude d’y epencher leur chagrin. Shakespeare egalement, dit la legende…
Somme toute, le mythe Shakespeare est un peu decevant: on suppose beaucoup. Peu de traces officielles ont survecu, plusieurs orthographes existent de son nom… On suppose la date de sa naissance (on ne connait que celle de son bapteme, la tradition voulant que ce soit 3 jours apres la naissance), on suppose qu’il est alle a la splendide ecole George VI, les debats font rage sur l’authenticite de son oeuvre (les contributiosn entre dramaturges etaient monnaie courante a l’epoque), on parle des annees 1580 “perdues” de Shakespeare entre pour lesquelles on ne dispose d’aucune trace (ou etait-il? Qu’a t-il fait?), il aurait quitte Stratford pour Londres apres avoir braconne un cerf dans une propriete de la region…
On oublie tout le long de la riviere Avon (le nom vient du Saxon “cours d’eau”). Quel bonheur d’y sejourner en peniche! Un narrowboat nous fait longer des maisons de reve, avec pont d’amarrage prive, immense pelouses, arbres centenaires, bancs ombrages par les saules, serre debordante de fleurs, modestes demeures (cottages?) d’une vingtaine de pieces… Au loin Holy Trinity Church, eglise au cimetierre tranquille plantee d’essences diverses, ou repose Shakespeare. Une fois a la retraite, il abandonne la vie londonienne pour revenir aux sources. Il achete un titre de warden (“societaire” de la paroisse) pour une petite fortune et s’investit dans la communaute. Celle-ci l’honorera en l’enterrant au sein meme de l’eglise. Un buste represente l’auteur en plein inspiration, en train de composer. A l’anniversaire de sa mort, ce week-end donc, on place une nouvelle plume d’oie dans sa main…
Romantiques, des couples ont loue une barque. La parite semble reigner ici, car c’est bien souvent la demoiselle qui rame, et le gentilhomme qui converse…
Quelques pont passent, les cygnes s’affairent autour des touristes… Stratford vient en effet du vieil Anglais strat (pensez street), la rue et ford, le croisement/pont.
Le guide designe quelques plaques sur l’une des berges. C’etait ici, au XiXeme siecle, l’emplacement de la piscine de Stratford. Oui, directement dans l’eau. Des cabines de plage retro longeait le terrain. On venait ici soigner ses rhumatismes, la region etait connue, un spa est meme cree dans une ville proche. Inconvenient, rajoute notre hote hilare: il fallait surtout eviter de boire la tasse, au risque d’attrapper un virus “The Avon tummy bug”, qui vous cloue au lit une bonne semaine…
La ville est irresistible avec ses demeures anciennes, blanches et noires. Le bois des poutres a travaille avec le temps, certaines sont penchees, comme un peu ivres. Il se degage de ces vieilles rues une nostalgie romantique, melange de XXIeme siecle, d’autres temps avec des portes sans age, le claquement de sabots de chevaux tirant une caleche…
Nous rentrons en imaginant deja d’autres promenades le long des canaux, un pique-nique, le ciel bleu a travers les branches de saule, le parfum de l’herbe fraichement ecrasee et de l’eau toute proche, les briques rouges des maisons regorgeant de soleil…