« L’armée du crime » de Robert Guédiguian ( Studio Canal )
Date de sortie cinéma : 16 septembre 2009
Film disponible en DVD et Blu-ray le : 19 janvier 2010
Arménien par son père, allemand par sa mère, Robert Guédiguian savait qu’un jour il aborderait l’histoire sensible de sa famille , liée à la grande Histoire . Mais c’était tellement personnel , dit-il , qu’il lui fallait toutes ces années d’autres films , avant d’évoquer ce thème si peu familier à son environnement cinématographique .
L’auteur de « Marius et Jeannette» et Le Promeneur du champ de Mars est avant tout un observateur attentif de ses contemporains . Un portraitiste . Il est passé maître à bord de l’Estaque, ce quartier marseillais aujourd’hui connu dans le monde entier par la grâce de sa caméra.
Guédiguian est ainsi porteur d’un cinéma populaire dont la verve se retrouve ici au cœur d’une population ballottée par de tragiques événements : la traque des résistants dans Paris .
Mais à trop s’attacher à ses personnages , Robert Guédiguian peine à aborder le grand sujet de ce film qui relate le combat clandestin de la bande à Manouchian , pendant la seconde guerre mondiale. Ouvrier et poète , l’homme fédère de jeunes juifs résistants ,des Hongrois, Polonais, Roumains, Espagnols, Italiens, et Arméniens, qui sans relâche harcèlent les nazis et les collaborateurs . Les dénonciations, les chantages, les tortures, auront raison de leur courage.
Avant d’être fusillés, ces résistants émigrés sont présentés comme les soldats de l’Armée du crime , devant des journalistes français complaisants à l’égard de l’occupant.
Le film trouve dans cette scène très marquante, son véritable visage , celui qui se détache de la relation des faits pour en donner une interprétation personnelle , et faire passer le souffle de l’Histoire qui jusque là faisait défaut . Il n’est pas question de renier cette page importante de la seconde guerre mondiale et en parler, en parler encore et encore demeure une nécessité.
Mais j’aurais imaginé un Guédiguian plus inspiré par le récit , plus créatif dans la mise en scène , peut-être à la façon de Ken Loach qui sorti de son pré carré ( la situation sociale de l’Angleterre ) a réussi un film magnifique sur la guerre en Irlande en 1920 « Le vent se lève » ( dans ce blog ) . En restant à distance , avec un respect qui confine à de la frilosité,Robert Guédiguian est ici plus pédagogue que cinéaste.
L’un et l’autre se retrouvant dans une interprétation appliquée de jeunes comédiens ( Robinson Stévenin, ou Grégoire Leprince-Ringuet ) , la liberté de ton seyant plus aux vieux lascars de la bande à Guédiguian , façon Ariane Ascaride , et surtout Jean-Pierre Darroussin , que l’on découvre dans le rôle d’un gentil salopard , contre emploi parfaitement assumé. Enfin excellentissimes, Simon Abkarian, et Virginie Ledoyen , le couple Manouchian , donne ici toute la mesure de ces hommes et de ces femmes qui luttèrent sans compter leur peine pour que nous puissions aujourd’hui exister .
Le cinéaste a fait confiance à la jeune garde du cinéma français : Léopold Szabatura ,Lola Naymark , Robinson Stévenin,Adrien Jolivet ( dans le rôle de Krasucki)
LES BONUS
Le plus émouvant est peut-être alors , au moment de la préparation du film la rencontre de tous ces comédiens, jeunes ou moins jeunes, avec Henri Karayan , l’un des membres de la bande à Manouchian qui échappera à la traque . On voit Robinson Stévenin et Virginie Ledoyen très attentifs, Leprince-Ringuet avide de renseignements . « Ils ont aussi gagné la bataille contre la torture » résume-t-il en expliquant ce que fut leur combat « car par un d’entre eux n’a parlé. Ceux qui ont parlé étaient des traîtres » .
Et de s’inquiéter de qui fera quoi dans le film. Au fil des réponses , Henri Karayan reprend alors le rôle de ses anciens compagnons de clandestinité . Comme s’il venait à peine de les quitter .
La version Blu-ray propose également un long entretien avec le réalisateur où il évoque notamment son rapport personnel avec la vie de Manouchian , et le choix de son casting . Robert Guédiguian revient aussi sur la notion de naturalisme dont on qualifie le plus souvent ses films, « L’armée du crime » échappant à la règle .
Interview de Virginie Ledoyen et Simon Abkarian