Des enfants de parents déportés durant la Seconde Guerre Mondiale dans des trains de la SNCF puis morts en camps de concentration ont contesté l’indemnisation obtenue en application d’un décret du 13 juillet 2000. Ils estiment que la réparation ne couvre que le préjudice matériel et non le préjudice moral consécutif à la perte de leurs parents. Le Conseil d’État français, saisi pour avis contentieux par un tribunal administratif, avait estimé que l’engagement de responsabilité solidaire de l’État français et de la SNCF pour ces faits ne pouvait déboucher sur une indemnisation, celle-ci ayant déjà eu lieu car l’ensemble des préjudices ont été couverts par le décret (v. “Responsabilité de l’Etat français du fait de la déportation (CE, Ass., avis, 16 février 2009, Mme Hoffman-Glemane)“, CPDH, 17 février 2009). Les tribunaux saisis rejetèrent donc ces demandes.
La Cour européenne des droits de l’homme examine ici les griefs de ces enfants de déportés (tournés vers la seule responsabilité de l’État et non de la SNCF), ceux-ci alléguant principalement d’une violation de l’article 1er du protocole n° 1 (droit à la protection de la propriété) du fait de l’absence d’indemnisation intégrale de leurs préjudices.
Les juges européens doutent tout d’abord de la recevabilité des requêtes au sujet de l’épuisement des voies de recours internes (Art. 35.1), après un avis sur une question de droit, car les requérants n’ont pas fait appel des jugements rendus par les tribunaux administratifs.
Mais ils préfèrent prononcer l’irrecevabilité sur un autre terrain. Il est ainsi rappelé que « la Convention n’impose pas aux États l’obligation générale de réparer les préjudices causés par le passé dans le cadre global de l’exercice du pouvoir d’État ». L’article 1er du protocole n° 1 peut néanmoins jouer lorsqu’un « régime d’indemnisation » a été mis en place. Ici, les juges européens refusent de « se substituer aux juridictions internes » qui ont constamment affirmé que l’indemnisation étatique avait vocation à couvrir les préjudices de toute nature créés par la déportation. Par ailleurs, en parallèle à la « seule indemnisation financière », la Cour constate que « l’État français a pris d’autres mesures solennelles, tant normatives que politiques, visant à reconnaître son rôle dans la déportation et les préjudices subis par les requérants ».
En conséquence, tout en rappelant bien sûr qu’elle « est consciente de l’immensité du préjudice subi par les requérants du fait de la déportation et des atrocités commises à l’encontre de leurs parents », elle rejette comme manifestement mal fondées les requêtes.
J. H. et 23 autres c. la France (Cour EDH, 5e Sect. Dec. 24 novembre 2009, Req. n° 49637/09 et autres)