gomorrhe

Publié le 10 janvier 2010 par Hoplite

« Soudain, une explosion d'une telle violence qu'elle dépassait tout ce que nous venions d'entendre, ébranla la terre sous nos pieds. Une autre suivit immédiatement. Nous bondîmes vers ce qui pouvait être un abri, collant au sol autant que pouvait le faire une épaisseur humaine. Ce n'était plus des bombes à retardement mais une nouvelle attaque qui commençait.

Les bombes incendiaires faisaient jaillir des fontaines de feu à quinze mètres en l'air ; le phosphore ruisselait sur les murs comme la pluie. Cela sifflait et tourbillonnait dans un ouragan de flammes et d'explosions. Une torpille aérienne de gros calibre volatilisa à la lettre la maison et tout son contenu. (...)

La ville était devenue un four incandescent où des torches vivantes courraient en hurlant parmi les ruines, qui s'enflammaient en de bleuissantes fulgurations d'incendie. Ces gens vacillaient, pivotaient et s'abattaient, se relevaient et tournoyaient plus loin, comme des toupies fouettées par des enfants affolés. Ils se débattaient, criaient, hurlaient, comme seuls des hommes et des chevaux peuvent hurler à la mort. En un instant, un profond cratère de torpille fut rempli jusqu'au bord de ces êtres en flammes : femmes, hommes, vieillards dansaient la même dans macabre dans une aurore éblouissante.

Il y a des gens qui brûlent en devenant tout blancs, d'autres rouges, quelques-uns roses, tandis que d'autres se consument en flammes bleu et or. Parfois ils se plient en deux et se carbonisent, d'autres courent en rond puis en arrière, pour finir en culbutes ou se tortiller comme des serpents cloués au sol, avant de se ratatiner en petites momies noires.

Alte, qui voyait ça pour la première fois, devenait fou furieux : lui, toujours si tranquille se mit à vociférer :

-Tirez donc, mais tirez donc, nom de Dieu !

Puis il cacha sa tête dans ses bras repliés. Le lieutenant Halter se mit à sangloter : il arracha son revolver et le jeta à Alte.

-Tue-les toi-même, moi, je ne peux pas !

Porta et Pluto, muets, sortirent leurs Mausers : les coups de feu claquèrent contre les pauvres torches vivantes, objets d'horreurs et de tortures.

Nous vîmes des enfants, touchés par les balles précises, agiter un peu les jambes, gratter la terre avec leurs doigts, puis s'immobiliser et se consumer sur place. C a vous paraît horrible ? C'était horrible, en effet. Mais plutôt la balle rapide d'un gros révolver de l'armée, qu'un lent martyre par le feu. Il n'y en avait pas un seul qui pût être sauvé, même si tous les pompiers du monde eussent été présents. (...)

Des tuiles tourbillonnaient comme des braises, des poutres enflammées volaient comme feuilles à l'automne, à travers les rues ravagées. A plat ventre ou moitié courant, nous nous faufilions dans cette mer de flammes. Fichée dans le sol, une énorme bombe non explosée nous barra la route, mais nous la dépassâmes à croupetons, sans y prêter nulle attention. Il avait existé un temps où on eut tout barré sur un rayon d'un kilomètre autour de l'engin meurtrier !Une tempête de vent, naissant des immenses incendies, nous balayait dans les rues. Elle agissait comme un gigantesque aspirateur ; nous tenions tête en pataugeant parmi les corps déchiquetés, glissant dans des chairs qui ressemblaient à une gelée sanguinolente.

Un homme, en uniforme brun, arriva sur nous en courant. Le brassard rouge et noir à croix gammée, éclatait comme une dérision dans la lueur des flammes. Porta leva le bras.

-Ah non, pas ça, cria le lieutenant Halter !

Sa main tremblante se jeta vers Porta. Avec un juron, le géant lança sa hache dans la poitrine du nazi, tandis qu'au même moment, la pelle de Bauer atteignait celui-ci à la tête, de sorte que son visage tomba sur ses épaules en deux moitiés, bien partagées.

-Ca fait du bien, ricana méchamment Porta. »

Sven Hassel, ancien soldat Danois, enrôlé de force dans le 27ème régiment de Panzers. Hambourg fin juillet 1943, opération Gomorrhe. Les panzers de la mort.

« On avait tué en nous tout sentiment humain. Nous ne savions que nous servir des armes meurtrières qu'on avait mises entre nos mains. Ils sont nombreux ceux que nous avons vus tomber dans les plaines de Russie ou s'enliser dans les marais de Smolensk. C'est peut-être pour cela que nous avons violé toutes les femmes que nous avons trouvé sur notre passage. »