En application du droit communautaire, l’administration est tenue de communiquer, sans délai et sans condition, à toute personne qui en fait la demande, l’ensemble des données en sa possession relatives à la localisation de la dissémination d’Organismes génétiquement modifiés (OGM) et ce même si la communication de la référence cadastrale des parcelles sur lesquelles sont pratiquées les disséminations pourrait avoir pour conséquence de porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens - on pense en particulier aux « faucheurs d’OGM ».
En l’espèce, le requérant a demandé en 2004 au maire de Sausheim de lui communiquer l’avis au public, la fiche d’implantation, le courrier préfectoral d’accompagnement concernant chaque dissémination volontaire d’OGM ayant eu lieu sur le territoire de la commune. En l’absence de réponse, il a saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui a émis un avis défavorable à la communication d’une partie des documents demandés au motif que cette communication porterait atteinte au secret de la vie privée et à la sécurité des exploitants concernés, en application de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 - avis qu’a suivi le maire. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le 10 mars 2005 la décision implicite du maire refusant de communiquer ces documents et enjoignant le maire de les communiquer.
Par une décision du 21 novembre 2007 il avait écarté le moyen tiré de ce que le jugement attaqué méconnaissait l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 et sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée l’étendue de l’obligation de transparence imposée en la matière par le droit communautaire, notamment l’opposabilité de réserves tenant à la protection de l’ordre public ou d’autres secrets protégés par la loi (CE, 21 novembre 2007, Commune de Sausheim, n° 280969).
La Cour de justice avait répondu qu’en application des dispositions de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 d’une part que le lieu de la dissémination, au sens de son article 25, est déterminé par toute information relative à la localisation de la dissémination soumise par le notifiant aux autorités compétentes et, d’autre part, qu’aucune réserve tenant à la protection de l’ordre public ou à d’autres intérêts protégés par la loi ne saurait être opposée à la communication de ces informations (CJCE 17 février 2009, Commune de Sausheim c. Pierre Azelvandre, Lettre actualités droits-libertés, du 22 février 2009 et CPDH, 27 février 2009 ).
Le Conseil d’Etat en déduit logiquement que l’autorité administrative « est tenue de communiquer, sans délai et sans condition, à toute personne qui en fait la demande, l’ensemble des données en sa possession relatives à la localisation de la dissémination, telles qu’elles lui ont été transmises par le demandeur de l’autorisation de procéder à la dissémination afin de permettre l’examen des conséquences du projet pour l’environnement » et que « la circonstance que la communication de la référence cadastrale des parcelles sur lesquelles sont pratiquées les disséminations pourrait avoir pour conséquence de porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens est, en toutes circonstances, sans incidence sur cette obligation ».
Par suite, le Conseil d’Etat confirme le jugement du TA de Strasbourg donnant injonction de communiquer au requérant l’intégralité des documents demandés.
On peut se demander s’il ne faudrait pas modifier l’article 6 de la loi de 1978 pour le mettre en conformité à la directive communauntaire s’agissant de l’accès aux documents sur la localisation de la dissémination d’OGM.
CE, 9 décembre 2009, Commune de Sausheim, n° 280969, au Rec. CE
Actualités droits-libertés du 4 janvier 2010 par Serge SLAMA
- “Conseil d’Etat: la localisation des essais d’OGM doit être rendue publique (AFP)”, blog d’Arnaud Gossement, 11 décembre 2009.
(…) “Cet arrêt est une pièce angulaire dans le combat qu’on mène contre les OGM. C’est une très belle victoire”, a commenté Arnaud Gossement, porte-parole de la fédération France nature environnement (FNE - 3.000 associations).“Il y a des essais en plein champ menés par des organismes privés ou publics en France dont ne connait pas la localisation”, a-t-il expliqué.
La France a suspendu en février les cultures du maïs OGM Mon810 au nom du principe de précaution, mais ce moratoire ne concerne pas les autres essais de culture en plein champ.
Désormais, les associations vont pouvoir s’adresser aux communes pour savoir où il y a des parcelles OGM et elles publieront ces informations, a indiqué Arnaud Gossement.
Des agriculteurs “vont ainsi apprendre que leurs voisins font des OGM alors que eux-mêmes - s’ils sont en conventionnel ou en biologique - ne veulent pas que leurs cultures soient contaminées”, a-t-il ajouté.
“Grâce à cette décision, les premiers opposants aux OGM ne seront plus les assocations mais les agriculteurs eux-mêmes”, a-t-il conclu.
- Carl Enckel, “OGM et transparence : le Conseil d’Etat met fin aujourd’hui à un régime d’exception (important)“, Blog d’Arnaud Gossement, 9 décembre 2009.
- “Conseil d’État. Transparence imposée sur les champs OGM“, Dernières nouvelles d’Alsace, 10 décembre 2009
Ce biologiste habitant Ingersheim, récemment auteur du fauchage de pieds de vigne transgénique à Colmar, porte l’affaire en justice. En 2005, le tribunal administratif de Strasbourg lui donne raison, suivi en 2007 par le Conseil d’État. Une loi européenne de 2001 impose en effet la consultation du public pour les disséminations volontaires d’OGM et l’obligation de notifier celles-ci.(…)