Le Conseil d’Etat censure une décision de la Commission de recours des réfugiés (désormais Cour nationale du droit d’asile) qui n’a pas pris en compte le “protocole Aznar” dans lequel il est considéré que tous les Etats membres constituent des “pays d’origine sûrs” pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d’asile - ce qui était donc le cas de la Roumanie à la date à laquelle la CRR s’est prononcée postérieurement à son adhésion à l’Union européenne le 1er janvier 2007.
Rappelons que s’agissant des pays d’origine sûr il existe deux niveaux de listes:
- la liste nationale: son principe a a été adopté, dans l’attente de la liste européenne, par la loi du 10 décembre 2003 qui a donné compétence au conseil d’administration de l’Ofpra pour établir cette liste de pays d’origine sûrs. Il y a, depuis la décision de novembre de l’OFPRA, 17 pays inscrits sur cette liste (v. “Six pays peu sûrs pressentis pour la liste des pays d’origine « sûrs » (par J-F. Dubost, Amnesty)”, CPDH, 13 novembre 2009).
- la liste européenne : la directive “Procédure” du 1er décembre 2005 a prévu l’adoption par le Conseil de l’Union de listes communes minimales de pays sûrs, respectivement de pays tiers d’origine sûrs et pays tiers européens sûrs ; le Conseil statue à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement ( Dir. 2005/85/CE du Conseil, 1er déc. 2005 : JOUE no L 304, 13 déc.). Toutefois, tandis que le Conseil ne parvenait pas à un accord, la Cour de justice a, sur requête du Parlement européen, soutenue par la Commission, annulé en Grande chambre les dispositions de la directive conférant compétence au Conseil pour les établir (CJCE, 6 mai 2008, aff. C-133/06, Parlement européen c/ Conseil de l’Union européenne).
Mais dès l’adoption du traité d’Amsterdam en 1997 il était prévu dans le protocole no 6 - « protocole Aznar » - que sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne « toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un État membre ne peut être prise en considération ou déclarée admissible par un autre État membre ».
Sont donc présumés sûrs l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne.
La CRR aurait donc du faire application de ce protocole pour examiner la demande de l’intéressé.
En l’espèce, M. Cosmin A, de nationalité roumaine et d’origine rom, s’était vu refuser la qualité de réfugié par une décision du directeur général de l’OFPRA du 10 mars 2006. Le 15 février 2007, la CRR avait annulé cette décision et reconnu la qualité de réfugié à l’intéressé en se fondant sur les persécutions subies à raison de son appartenance à la communauté rom et du militantisme de son père dans le parti social-démocrate rom de Roumanie, consistant en des brimades et discriminations à l’école.
En cassation de la décision de la juridiction administrative spécialisée, le Conseil d’Etat après avoir rappelé les principes régissant l’examen d’une demande d’asile (définition du réfugié à l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, compétence de pleine juridiction de la CRR - elle se prononce donc sur l’entier dossier, en droit et en fait et au regard du droit applicable au moment où elle rend sa décision et non pas au moment où l’OFPRA s’est prononcé si c’était un contentieux “objectif” d’annulation), il censure la décision de la Commission pour erreur de droit en relevant qu’à la date où la commission a statué, le 15 février 2007, la Roumanie était devenue membre de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2007.
Or, en vertu de l’article unique du protocole n° 29 annexé au traité instituant la Communauté européenne, applicable à la Roumanie en vertu du traité d’adhésion de ce pays à l’Union, “vu le niveau de protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales dans les Etats membres de l’Union européenne, ceux-ci sont considérés comme constituant des pays d’origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d’asile”
Il déduit de cet article “qu’une demande d’asile présentée par un ressortissant d’un Etat membre ne peut être prise en considération ou déclarée admissible pour instruction par un autre Etat membre que dans quatre cas limitativement énumérés”:
- non respect de la CEDH par l’Etat d’origine du demandeur,
- mise en oeuvre de la procédure de prévention OU de sanction d’une violation des droits fondamentaux garantis par le traité sur l’Union européenne [article 7 du TUE]
- ou au traitement de la demande sur la base de la présomption qu’elle est manifestement non fondée [= procédure prioritaire en droit français].
La décision de la Commission est donc entachée d’illégalité car elle s’est abstenue de rechercher si ces conditions étaient, le cas échéant, réunies.
CE, 30 décembre 2009, Cosmin A., n°305226, au tables du recueil CE