CRITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE
AVATAR (de James Cameron)
DU PRINCIPE D'UNE IDENTITÉ À REVOIR POUR TOUT LE MONDE... À CELUI DU TRANSFERT D’IDENTIFICATION COMME BESOIN NÉCESSAIRE À LA SURVIE DE L'ESPÈCE...
Avatar... Je ne sais pas vous ?!... mais je crois que je vais avoir du mal à m’en remettre... Vraiment ! D’abord la prouesse technologique, la « 3D relief » (malgré quelques réserves à propos d’une « révolution » annoncée !) Bon ! n’y revenons pas ! Mais une technologie spectaculaire dédiée au message par la forme d’exhibition la plus élaborée du moment. Une plongée virtuelle dans un espace tridimensionnel. Une sacrée claque tout de même ! Le message donc... Celui d’une jolie « Pocahontas » déjà vue chez Disney ou de cet irréprochable « Danse avec les loups » de Kevin Costner en 1991... Pour dire toute la vérité sur la simplicité du scénario (et j’avoue avoir eu envie d’en sourire juste un instant avant d’aller voir le film avec mes lunettes électroniques sur le nez) : Des gentils indiens dans leur forêt primaire contre les méchants blancs-becs d’un consortium d’extraction de minerai. On ne peut plus simple donc ! D’un côté, une race de géants bleus de type aborigène et vivant dans un équilibre parfait avec la jungle luxuriante qui les entoure du côté d’Alpha du Centaure. De l’autre, une bande d’humains plutôt antipathiques et leur besoin de tout détruire sur leur passage pour quelque inclinaison à continuer de s’en foutre encore plein les poches au mépris de toutes les beautés qui nous pètent aux yeux dans toute la profondeur de l’image...
Bref ! rien de bien nouveau dans le discours tendance écolo-marxiste, que vous exécrerez peut-être selon votre lieu, ou votre année de naissance ! Rien... Mais si, justement ! Que je vous explique qu’habituellement dans ces cas flagrants, c’est « l’homme » par qui la rédemption de ses congénères médiocres ou simplement altérés est toujours possible ; quitte à subir le martyr et à y laisser sa peau. La méthode christique ordinaire, en quelque sorte. Dans Avatar au contraire... c’est en réalité, la forme humaine, l’essence même de l’humanité qui finit par nous dégoûter complètement par sa connerie et sa cruauté sans limite. Au point que le messie potentiel incarné par l’excellent Sam Worthington, l’ex marine Jake Sully dans le film de Cameron... préfère finalement, son « avatar », justement, l’idyllique « Na’vi »... à sa mauvaise fortune de terrien. Et comme je le comprends... Comme j’étais entièrement d’accord avec lui, chevauchant mon dragon ailé, un Ikran, dans le ciel magnifique de Pandora avec ma belle Neytiri, ses grands yeux jaune et ses petits seins bleutés... malgré son arbre-maison calciné, et tout son peuple qui pleure son habitat traditionnel à l’agonie.
Voilà ce qui se révèle on ne peut plus troublant dans la fresque écologique de Monsieur Cameron, plus de dix ans après son immense Titanic. Le transfert d’identification définitive de la race humaine dominante en déconfiture de ce début de vingt et unième siècle, en l’image irrésistible d’un l’aborigène extra-terrestre qui sortira vainqueur d’un combat autrefois réputé sans issu. Cette fois, la chute du peuple Omaticaya n’aura pas lieu malgré la somme de violences arbitraires qui s’abat contre lui et son mode de vie, disons, oui, bon, d’accord... un peu new age, pour faire simple ! Non. Et aucune arme, aucune artillerie même disproportionnée n’y changera rien. La faute aux arbres sacrés et à leur réseau de communication plus puissant encore que ces millions de milliards de synapses d’un pauvre cerveau humain en pleine crise de lucidité sur son monde avarié et son avenir miteux. La faute aux âmes pures et à la magie d’Eywa. Pandora, la planète nature termine vainqueur de la connerie humaine et voilà. Et c’est déjà pas mal ! que voulez-vous que je vous dise encore ?!... Que Néon™ tournerait un peu écolo ?! Comment ?... ce Néon™-là ?! Ce Néon™ de la ville, et qui comme « chacun » sait déteste la campagne pour sa terre aménagée en pâtures et ses rejets intempestifs. Cette campagne-là et son folklore « d’antan »... Ses lopins balisés et son réseau de fils barbelés. Tout ce qui pue le repli sur soi et la crise d’identité à plein nez. Beurk ! Tout le contraire de la nature justement... Que l’on se comprenne bien : la campagne comme le strict opposé de la beauté considérable du monde sauvage. Un Néon™ urbain jusqu’au bout de la truffe et son bilan carbone plutôt élevé malgré ses déplacements quotidiens à vélo pour aller bosser et son petit faible pour la marche à pied au lieu des courses de bagnoles dans le désert... Un vaurien qui s’ignore dans son bain rempli d’eau précieuse et surchauffée pour se remettre de ses séances de télévision précipitées. Ce Néon™... que vous connaissez peut-être mal... et qui a quand même toujours préféré les indiens et leurs arbres sacrés a toute autre forme d’émancipation libérale insensible. Oui, une vraie faillite du corps humain et tout ce qu’il est capable de foutre en l’air autour de lui d’essentiel à sa propre survie et sans le moindre sentiment de culpabilité. Un aveugle, un fou... un dégénéré. Un voyou de la pire espèce. Avatar... ou l’idée d’un homme qui préfère finalement le refuge virtuel à sa propre vie qui le dégoûte un peu. Ou pour rester aussi dans cette actualité embarrassante d’un Camus réactualisé et plénipotentiaire, qui lui donnerait « La nausée » au moins autant qu’à Sartre... Cette intuition d’un homme pour qui « l’absurde » est la conscience toujours maintenue d’une « fracture entre le monde et son esprit ».
NÉON™