Après le rejet par le Conseil constitutionnel de la loi instituant une taxe carbone, certains membres de la majorité ont déploré cette décision au motif qu’elle allait priver l’Etat de recettes fiscales attendues. Ils n’ont visiblement pas compris le mécanisme de cette taxe, qui a pour objectif de diminuer les émissions de gaz carbonique.
On s’y emploie en utilisant deux voies différentes. La première consiste à inciter ménages et entreprises à limiter ces émissions en réduisant leurs consommations énergétiques. En appliquant à celles-ci une taxe, on en augmente le prix, ce qui devrait conduire les utilisateurs à diminuer ces consommations. Mais il est aussi une deuxième voie par laquelle l’Etat finance des projets visant à substituer aux sources d’énergie actuelles d’autres sources générant moins de gaz carbonique. Cette taxe n’est donc pas un impôt supplémentaire destiné à accroître les ressources financières du pays mais plutôt un outil de financement de programmes destinés à réduire les consommations d’énergie fossile.
Si le dispositif fonctionne correctement, en l’absence d’une augmentation du prix de la taxe par unité dissipée, les ressources générées doivent mécaniquement diminuer. Elles ne peuvent de ce fait contribuer à équilibrer un budget. Tout au plus devraient-elles permettre, en cas d’excédent, à réduire le poids de notre dette, puisque la variation de celle-ci ne semble pas résulter d’un objectif mais être plutôt une simple variable d’ajustement.
L’expérience d’autres dispositifs montre l’aisance avec laquelle notre gouvernement, apôtre inconditionnel du gagnant-gagnant, s’engage dans des expériences sur le schéma du perdant-perdant. C’est ainsi que, pour stimuler la peur du gendarme, on a installé des radars automatiques capables de générer à satiété des contraventions. Si cette politique était efficace, on devrait constater une diminution progressive des sommes ainsi récoltées. Certes, l’implantation constante de nouveaux radars permet de maintenir, voire d’augmenter le nombre de contraventions distribuées, mais il serait intéressant de savoir si le rendement par radar diminue ou non. Dans la négative, les deux parties sont alors perdantes : les automobilistes parce qu’ils continuent à payer des amendes, l’Etat parce qu’il n’obtient pas un meilleur respect des vitesses limites, et les uns et l’autre parce que les citoyens en viennent à considérer que l’Etat s’est borné à instituer un nouveau type de racket.
On peut d’ailleurs se convaincre de cet état d’esprit en observant en fin d’année le zèle avec lequel policiers et contractuels s’appliquent à verbaliser le moindre stationnement interdit pour apporter un surplus de liquide au Trésor public.