Partons d'un constat sur ce que l'on appelle improprement le marché du travail :
selon le ministère de la recherche d'emploi de l'emploi, si on se
base uniquement sur les demandeurs d'emploi (et non sur la définition au sens du BIT), on recensait à la fin du mois de novembre 2 630 400 inscrits en métropole. Si on y ajoute les
personnes ayant exercé une activité réduite ils sont 3 815 000 en métropole et plus de 4 millions en intégrant les DOM. C'est donc le seizième mois consécutif de hausse pour la
catégorie A. Par rapport à juin 2008, il y a 31 % d'inscrits supplémentaires (+ 25 % en catégories A,B,C). Sur le front de l'emploi intérimaire, aucune embellie en vue non
plus pour le moment : selon la fédération patronale des agences d'intérim (Prisme), sur 630 000 emplois intérimaires (équivalent temps plein) qui existaient fin 2007, 230 000 ont disparu !
Vous trouverez ci-dessous l'évolution du nombre de demandeurs
d'emploi depuis 2005 :
[ Source : DARES ]
Au niveau des indemnisations (dont la corrélation avec l'inscription à Pôle emploi est loin d'être évidente...), toutes allocations confondues, y compris chômage, formation et préretraite, le
nombre de personnes indemnisées par Pôle emploi a crû de 14,8 % en un an pour atteindre 2,66 millions, contre 2,31 millions en novembre 2008. Rappelons au passage que les chiffres officiels font
également état, en octobre 2009, de 67 800 bénéficiaires de la convention de reclassement personnalisée (CRP) et de 12 800 bénéficiaires du contrat de transition professionnelle (CTP).
Après avoir dressé ce tableau fort sombre, je le concède, je souhaiterais mettre en exergue un autre phénomène : le stress au travail. Selon l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), on parle de
stress au travail quand une personne ressent un déséquilibre entre ce qu’on lui demande de faire dans le cadre professionnel et les ressources dont elle dispose pour y répondre. La
Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de travail chiffre, à
environ 20 %, les salariés européens qui estiment que leur santé est affectée par des problèmes de stress au travail. Elle va même plus loin, puisque dans son dernier rapport, elle précise que le stress est
devenu l’un des principaux problèmes de santé au travail déclaré, derrière les maux de dos, les troubles musculosquelettiques et la fatigue.
L'institut américain du stress (dont la création prouve déjà la réalité du phénomène), en considérant les différents coûts pour l'entreprise - absentéisme, perte de productivité, turn-over
-, chiffre le coût du stress au travail à 300 milliards de dollars pour l'année 2006, soit autant que les recettes du budget de l'État français ! De son côté l'INRS, en ne considérant comme
facteur de stress que le "job strain" - combinaison d'une forte pression (cadences, délais essentiellement) et d'une faible latitude décisionnelle - chiffre le coût de ce stress en
France, en 2007, entre 1,9 et 3 milliards d'euros ! Soit 14,5 % à 27,3 % du budget de la branche accident du travail/maladies professionnelles de l'Assurance-maladie... C'est ce qui explique
certainement pourquoi même le ministère du travail retrouvé finit par s'intéresser à la question des conditions de travail !
Le plus terrible dans tout cela, c'est que les conditions de travail que l'on déplore et dénonce aujourd'hui ont été encensées à peine quelques décennies avant (parfois par les mêmes hommes
politiques, mais à des fonctions différentes...) au nom de l'efficacité économique. Le film "les temps modernes" de Chaplin, que je revois avec toujours autant de plaisir, est une parfaite
illustration de cette logique productiviste dont il se dit qu'elle appartient désormais au passé. Vraiment ? Les nombreux toilettages du code du travail qui doivent déboucher sur une plus grande
flexibilité (=précarité) ne sont-ils pas autant de preuves que les mêmes logiques (doctrines ?) président toujours encore à la destinée des entreprises et de l'économie ? De plus, ce n'est
pas dans ce contexte de chômage endémique que les salariés pourront faire entendre réellement leur voix. Au contraire, le contexte socio-économique est largement favorable à l'aggravation des
conditions de travail, puisque l'on qualifie aujourd'hui d'emploi toute fonction qui rapporte une contrepartie monétaire...
Il serait dès lors bon que les décideurs politiques se souviennent que leur mandat n'est pas seulement économique, mais bien politique et donc social aussi !
N.B 1 : le dessin de ce billet provient précisément du dossier stress de l'INRS
N.B 2 : j'animerai ce mardi une conférence sur la croissance dans le cadre de l'UTL à Metz, une autre sur la blanchiment à Saint-Avold jeudi, et mercredi j'organise une nouvelle rencontre du café
économique sur le thème de la mondialisation. Beau programme en perspective !
N.B 3 : j'ai appris, il ya deux jours, qu'en valeur absolue, le nombre des emplois détruits pendant l'année aux États-Unis (4,6 millions !) est le plus élevé dans les annales du département
du travail, qui remontent à 1939...