En 113 ans le cinéma s'est fait.
1896. J'imagine les gens, ces autres moi-même, se tassant, d'instinct, dans leurs fauteuils, en voyant arriver le train en gare de la Ciotat.
2009. De la même manière, je me suis tassé sur mon fauteuil, pour éviter d'être touché par le geste brusque d'un Na'vi, j'ai failli tendre la main pour effleurer les graines luminescentes de l'arbre sacré. Elles flottaient dans la salle tout autour de nous.
Public émerveillé. J'ai vu les spectateurs, je les ai vus. Tout est fait, tout est dit. Il ne pourra pas y avoir mieux qu'Avatar. Que glose la critique. Qu'untel raille le simplissime manichéen de l'histoire, arguant même d'une pseudo westernité de l'aventure. Qu'un autre boute le scénar, le taxant limite nanar. Critiquez, critiquez, ce n'est pas "quelque chose" qu'il restera de ce film. C'est un tout qui restera.
Une construction. La construction du cinéma. Du véritable cinéma. Le cinéma est enfin proximité. Il rentre dans la peau. Physiquement. Il s'installe. Moi, au-delà d'une considération philosophique, d'une décortication, d'une analyse de ce nouveau-cinéma que je ne veux pas faire, je ne veux retenir que l'aventure. Je ne veux retenir que mon émotion animale immensément ressentie. Que cette incroyable aventure accomplie, concrétisée, en 113 ans de cinéma. Le ciné et moi c'est une vieille , une longue, histoire d'amour. J'ai vu des milliers de films. Je n'en avais en réalité vu aucun.
Je me doute de ce qu'avait pu être, à l'époque, cette entrée du train, je sais, pour l'avoir vécu dans ma chair, dans mon esprit, ce qu'est cette sortie du cinéma. Cet aboutissement du cinéma. Je ne me remettrais jamais de cette vision d'Avatar en 3D. Peut-être la première fois que je vivais au cinéma. Que je vivais en voyant un film. Peut-être, pour moi maintenant, la seule définition de la nostalgie. Avatar : Non pas acmé du cinéma. Avatar : Oméga du cinéma, comme "l'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat" en avait été l'Alpha.
J'ai enfin été au cinéma. Je peux dire que j'ai été au cinéma. Je pressentais le cinéma, je l'ai enfin rencontré. Une vraie cure de bonheur en Oméga 3...D.