"Après une année 2009 mouvementée avec la crise, le succès de Twitter et
Facebook, la remise en cause de nombreux modèles économiques,… il était
temps de se poser quelques minutes et de réfléchir aux grandes
tendances 2010.
1. Le web et les media sociaux vont devenir plus importants que jamais
50% des Américains passent déjà plus de temps sur Internet que sur tout autre media. Les gens vont de moins en moins sur les sites de marques et de plus en plus sur les réseaux sociaux contenus viraux. Facebook va continuer à se tailler la part du lion et devrait passer de 350 M de membres en décembre 2009 à plus de 600 ou 700 millions fin 2010, faisant de plus en plus concurrence aux sites media et aux messageries gratuites comme Hotmail ou Gmail et rendant Google de moins en moins pertinent à mesure qu’une partie croissante du web échappe à son indexation. En Asie (Malaysie, Indonésie et Singapour) Facebook a détrôné Friendster et si Facebook augmente la qualité/taille des photos, il détrônera définitivement Flickr. Il ne manque plus qu’un outil de Facebook Management Solutions (comme un CMS) et d’analytics pour que les agences et annonceurs puissent créer et faire évoluer de manière simple et rentable des pages avancées. On peut déjà garder un œil sur Sprout, Involver, Wildfire ou en France TigerLily.
Avec plus de 22M de visiteurs uniques par mois Twitter va continuer à se développer afin de se différencier des newsfeed de Facebook tout en cherchant à se monétiser (abonnement, service premium payant ou publicité)… une vente à Microsoft ou Google ou une entrée en bourse ? Tant que MySpace et Skyblog ne repenseront pas à fond leur ergonomie désastreuse, ces plateformes continueront de perdre des parts de marché… Au final, seuls les sites à l’écoute de leurs utilisateurs et ultra réactifs pour faire évoluer leurs services, leurs conditions d’utilisation, à bien protéger les données de leurs utilisateurs ou à bien lutter contre le spam éviteront de voir leur audience s’échapper vers un nouveau service.
Avec déjà plus de 100M de membres rien qu’aux Etats-Unis, YouTube va s’imposer comme une vraie alternative à la TV et entrer en conflit contre Hulu ou la Playstation3, Xbox ou iTunes qui veulent tous être LA plateforme monétisable de la vidéo. Une part de leur succès vient du côté « on demand » (illustré aussi par le succès des offres M6replay, …) contrairement au contenu « live » de la TV, contrainte amenée à disparaître et qui fera bien rire nos petits enfants quand on leur expliquera que chaque émission ne passait qu’à un horaire fixe.
La majorité des media sociaux va proposer et ouvrir des APIs pour permettre à d’autres sites ou applications de s’interconnecter et devenir ainsi de plus en plus intégrés. Malgré ces efforts de transparence, ces services affronteront par contre la colère de certains annonceurs et agences quand comme en cette fin d’année leurs API ne tiennent pas la charge ou changent soudainement créant des bugs ou rendant indisponible les applications et les campagnes marketing connectées. Une vraie roadmap des futures évolutions pour les développeurs sera indispensable pour ces services.
Tout étant à terme connecté et donc social, l’expression « media sociaux » aura de moins en moins d’intérêt en soi.
Le social gaming comme FarmVille de la société Zynga, Habbo, Les Sims ou Rolando et FieldRunners (sur mobile) va exploser et proposer des pistes intéressantes de monétisation que les annonceurs devraient examiner de près. L’inventaire disponible pour acheter de l’espace continuant de croître de manière exponentielle, les prix de la publicité de base (cpm & display) ne remontra pas… à moins que la mesure de l’impact des actions online en magasins s’améliore.
Il va devenir de plus en plus dur pour les internautes de tenir à jour tous leurs réseaux et de s’y retrouver dans toute l’information disponible. Des outils de syndication et d’agrégation (comme Posterous) vont faciliter la mise à jour de tous ces sites en une action, chaque site devenant juste un canal de consultation différent de la même information. Face à « l’infobésité », les internautes vont aussi utiliser leur réseau social pour filtrer les informations qui seront de plus en plus personnalisées en fonction de son profil (Facebook Connect déjà utilisé par plus de 80.000 sites : voir The Prototype Experience), de ses actions passées (ciblage comportemental), de ses centres d’intérêt (liens sponsorisés).
Dans ce monde où règne la tyrannie de l’ultra-transparence et des recommandations (positives ou négatives) quasi instantanées, le web deviendra définitivement le facteur le plus déterminant en matière de décision d’achat online ET offline. Le rôle d’expert et d’influent sera plus important que jamais, et donc la réputation de chacun aussi.
On va par contre voir une professionnalisation d’une partie de la blogosphère qui devra prouver aux annonceurs et aux agences son influence en faisant par exemple certifier son audience (influence = réputation ET audience). Il ne suffit pas de s’interlinker entre blogueurs parisiens pour être influent (Wikio devra revoir son classement pour garder un tant soit peu de crédibilité). Avoir beaucoup de followers ou de trafic n’est pas non plus une condition suffisante (il suffit de créer un site avec des photos de femmes dénudées ou un « splog » = une pompe à trafic qui republie les flux RSS de façon automatisée juste pour afficher de la publicité). Les marques voudront mesurer l’audience de leur campagne sur les blogs et non plus estimer l’audience de ces blogs en général. Elles passeront donc par des régies ou agences spécialisées comme BuzzParadise ou Vanksen réalisant au passage que cela évite les maladresses parfois catastrophiques (comme Honda, Domino’s Pizza et Belkin) et l’intérêt d’outsourcer le temps important nécessaire à entretenir une vraie relation avec les « blogs influents ». Le législateur Européen, la « Federal Trade Commission » aux Etats-Unis, devrait rapidement s’intéresser aux recommandations de marques sur les blogs et les réseaux sociaux pour éviter certains abus. Une mention (post sponsorisé par...) sera à terme obligatoire (et c’est tant mieux)… on en attend juste autant sur les media traditionnels (ce n’est pas gagné quand on connait les cadeaux hallucinants offerts aux journalistes de magazines féminins par exemple).
On va aussi voir de plus en plus de passerelles entre les « micro people » de la blogosphère et du web et les media traditionnels. On retrouvera certainement des bloggers comme Mr Dream et son Rewind, DarkPlanneur, Mry, Gonzague.tv, Deedee ou Garance Doré, à la TV (au moins la TNT) ou dans la presse et pas seulement comme invité mais comme animateur ou chroniqueur. D’ailleurs certains leaders d’opinions en ligne ont déjà une telle audience qu’ils n’ont peut-être plus besoin des media car ils en sont devenu un. Enfin, les media sociaux vont voir l’avènement des minorités… qui n’en sont plus vraiment.
Les femmes représentent 75% des prises de décisions d’achat et désormais plus de 50% des utilisateurs sur les media sociaux, leur talent pour la communication et le relationnel ou la gestion de taches multiples tâches étant définitivement des atouts dans un monde 2.0… On a ainsi vu la blogosphère féminine et mode exploser ces dernières années et même s’imposer au 1er rang des défilés haute couture en 2009… Hors il est intéressant de noter que cette population souvent ignorée par la majorité des marketeurs nécessite une approche marketing différente. On voit aussi l’arrivée de sites sociaux spécialisés sur des populations de niches difficiles à toucher avec le marketing traditionnel comme BlackClub, AZN Community, …
La barrière entre virtuel et réel va de s’estomper. On surfe en même temps qu’on regarde la tv, on navigue depuis son mobile, les objets deviennent connectés (Nabaztag, puces RDFID, ou les APIs)… En 2010, le digital est partout. « Un seul media, une seule machine : de multiples outils de consultation » comme le formule Kevin Kelly. On le retrouvera aussi de plus en plus sur les points de vente avec des écrans interactifs, des interfaces innovantes, des hologrammes ou de la réalité augmentée.
2. Les approches offline ou 1.0 ne fonctionneront pas dans un monde 2.0
La majorité des agences et annonceurs sont loin d’avoir encore bien effectué leur passage au digital… Certaines se sont contentées d’appréhender les techniques 1.0 (référencement, emailing, bannering). 2010 va les forcer à une remise à jour fondamentale et profonde sous peine d’être de plus en plus déphasées avec les consommateurs. S’il est impossible ou presque d’ignorer le potentiel du web, les approches de base comme les plans banners au kilo de CPM vont montrer leurs limites.
Au lieu d’empiler les techniques, les marques vont devoir repenser leur stratégie marketing de fond en comble car le bombardement publicitaire fonctionne de moins en moins. Il ne s’agit plus d’envoyer un message vers la bonne cible mais d’influencer l’écosystème lié à votre e-réputation. Internet et les media sociaux permettent désormais au consommateur de filtrer l’information, la remixer, la créer (User Generated Content), la commenter, la relayer (viral) ou d’y répondre.
Bien des marques font l’erreur de croire qu’elles sont populaires alors qu’elles n’ont fait qu’acheter et s’imposer à l’attention du consommateur (en mode interruptif comme une nuisance). Le web est une économie de l’attention où l’audience se mérite plus qu’elle ne s’achète (earned media VS paid media). Il faut désormais offrir un service ou un contenu de valeur à l’internaute pour qu’il nous autorise à entrer en relation avec lui. A bas les banners clignotantes et vive le contenu atomisé (virtual goods, widgets, ...). L’expérience et « l’engagement » priment sur le reach et la diffusion de masse. Il faut passer d’une logique de campagne et de buzz (un temps fort limité dans le temps) à une stratégie relationnelle dans le temps. Seth Godin explique que les media sociaux sont difficiles à appréhender pour les marques parce qu’ils sont « un processus et non un évènement ». Les marques qui offriront la meilleure expérience, le meilleur service (parfois même gratuit = freemium), le meilleur contenu,… attireront non seulement l’attention mais transformeront leurs consommateurs en fans prêts à viraliser leur message gratuitement. En partageant sa passion, offrant certains morceaux en téléchargement gratuit,… une artiste locale comme Zoe Keating a désormais plus de 1,3 millions de fans sur Twitter. Comme le Karma il faudra accumuler des points en faisant de bonnes actions pour la communauté avant de solliciter son aide. Pourquoi faire de la publicité interruptive dans les media, quand on peut faire passer son message bien plus efficacement avec de l’advertainment (advertising + entertainment) comme les advergames, les jeux vidéos ou le branded content ?
La marque devra faciliter son appropriation et sa distribution en abandonnant une part de contrôle aux consommateurs qu’elle compensera par un relationnel réactif au sein des media sociaux. De toute façon les consommateurs partagent déjà leurs vraies opinions sur le web. Ne pas participer, c’est laisser les autres vous définir. Cette étape sera particulièrement difficile dans le secteur du Luxe même si certains essais comme artofthetrench.com (3,7M de photos vues !) de Burberry (qui investit 40% de son budget marketing online) ou LVMH avec son défilé live sur Facebook ou son magazine NowNess montrent que c’est possible…surtout avec des marques comme Uniqlo qui elles ont déjà tout compris. Il va falloir passer d’une logique de campagne avec un grand temps fort et une « big idea » à un travail de relation et de continuité autour de multiples idées et expérimentations. Pourquoi mettre tous ses œufs dans un seul panier ? La bonne nouvelle est qu’un budget TV équivaut souvent à 3 à 4 campagnes digitales…
La création et animation de communauté en ligne ou de pages Facebook évoluées, de blog de marque, le branded content, les campagnes de banners au Coût par Click ou par vues, l’affiliation, le retargeting à la Critéo, le seeding de vidéo viral, les applications (qui nécessiteront un effort de promotion vu leur nombre), les mécaniques virales évoluées (call back, personnalisation,..),les widgets, les virtuals goods, les advergames ou le référencement (avec l’indexation progressive de Twitter et des media sociaux du « real time » web et la hausse du coûts des liens sponsorisés, le SEO naturel va progresser fortement) auront la côte avec une approche à la performance facilitant la mesure du Retour Sur Investissement… les mini sites plaquettes en flash, les campagnes de banners display, les imitations de sites sociaux sans animation réelle seront « out ».
Le principal obstacle à cette évolution restera la résistance au changement des collaborateurs dû en partie à un manque de compétence sur ces nouveaux usages. Les marques et les agences vont être obligées d’investir massivement en formation et en programmes d’expérimentation si elles veulent réussir à accompagner leurs collaborateurs et préparer leur futur… Comment comptent-elles échanger avec leurs clients quand la plupart des sites 2.0 sont tout simplement bloqués dans la majorité des grandes entreprises ! On en arrive à une situation paradoxale où les marques sont plus lentes et moins bien équipées qu’un simple internaute ! Dès 1993, Peter Druker nous expliquait dans son livre Post Capitalist Society « qu’un des défis les plus importants pour chaque organisation dans la société de la connaissance sera de bâtir des pratiques systématiques pour gérer l’auto-transformation ». Dix-sept ans après, on en est encore loin…
On sous-estime aussi fortement la résistance d’une bonne partie des seniors « offline » dans la publicité. Il va être difficile de leur expliquer que leur métier n’est plus de réaliser des films ou de faire des shootings avec de grands photographes mais de penser interactivité, expérience multimédia, ergonomie, technologie, … et qu’ils risquent de se faire botter le derrière par de petits jeunots alors qu’ils sont enfin experts dans leur domaine avec x années d’expérience et Lions sur leur étagère. Quasiment aucune grande agence de publicité n’est devenue leader en 10 ans sur le digital ! Au mieux, comme Publicis encore cette année, elles rachètent des agences « pure player » qu’elles empilent à côté de leur activité traditionnelle… pour qu’au final, quelques années après, il ne reste plus grande chose de l’esprit ou de la vitalité de ces joyaux racheté à prix d’or. La raison ? Les agences traditionnelles ne peuvent pas faire du digital comme l’explique l’institut Forrester dans sa dernière étude. 23% des annonceurs interrogés ne pensent pas leur agence traditionnelle à même d’être à la hauteur en matière de digital ! 46% pensent même qu’ils sont incapables sur le sujet… L’organisation et les coûts de structure de ces acteurs traditionnels sont en effet difficilement compatibles avec le rythme et les revenus du digital…
Une alternative restera le recrutement de seniors en digital mais vu leur nombre très limité il sera difficile de les attirer. Et saupoudrer une poignée d’experts sur une organisation qui ne veut pas évoluer ne suffira pas. Il y a en plus fort à parier qu’ils vont se fatiguer rapidement à évangéliser dans le désert. Au niveau recrutement, certains annonceurs et agences iront d’ailleurs au-devant de certaines désillusions vu le nombre de prétendus « experts 2.0 » autoproclamés… le blogger, même « influent » ne fait pas forcément le professionnel du marketing apte à travailler avec de grands comptes…
A l’inverse le offline restera un élément indispensable et certaines agences digitales vont devoir sortir de leur approche intégriste 100% web. Je suis persuadé qu’on va voir certains agences digitales apprendre plus vite le offline que les agences traditionnels le online (cela fait quand même 10 ans qu’elles essaient !)… Je vous invite à suivre de près des agences comme Buzzman, La Chose ou Vanksen en France et RGA aux Etats-Unis qui suivent la voie tracée par Crispin Porter + Bogusky. Cette agence manie en effet avec dextérité offline, digital, buzz et media sociaux avec une vraie approche transmedia. Le digital et les media sociaux ne sont pas des activités à part à gérer via un département spécifique… il n’y a pas de consommateurs online et d’autres offline… il faut avoir une approche globale et agnostique en terme d’outils (contrairement aux agences traditionnels ou le marketing mix final résulte souvent plus des guerres politiques internes où chacun défend son P&L, que de la recherche du dispositif optimal pour le client).
Un travail important est aussi nécessaire du côté des metrics et de la mesure du Retour Sur Investissement… on empile souvent de nombreux outils sans s’investir dans leur utilisation, leur paramétrage et l’analyse des résultats… Après une course aux fans, aux followers, aux lecteurs de flux RSS, les marques vont se poser la vraie question du Retour Sur Investissement réel et de sa mesure. On peut imaginer à terme des outils mettant en parallèle audience d’un site et mesure de la popularité/propagation dans les media sociaux comme Postrank. Bit.ly vient d’ailleurs d’annoncer sa version pro et même Google propose un outil pour raccourcir les urls (bientôt intégré avec Feedburner (pour tracker les flux rss) et Google Analytics ?). A quand l’intégration des Key Performance Indicators de Facebook dans un même outil ?
Combien de marques ne tirent rien des statistiques de leur site (quand elles en ont). Si elles le faisaient, elles éviteraient pourtant de se faire autant manipuler par une bonne partie des agences media, qui sont d’après mon expérience parmi les acteurs les moins professionnels du web (recommandations expédiées, capacité de négociation toute relative, staff très junior en rotation constante, expertise souvent dépassée, niveau de conseil affligeant en général,… ce qui donne des plans media rarement optimaux pour les marques qui bien souvent ne s’en rendent même pas compte ou sont verrouillées par contrat cadre). En 2008, la presse concentrait 20% des investissements media alors qu’elle ne représente plus que 8% du temps media. Le web représente 8% des dépenses alors qu’il représente 29% du temps media. Les annonceurs continuent de payer pour des banners affichées mais non visibles (si elles s’affichent en dehors de la zone affichée par le navigateur sur une page de plusieurs écran de haut) et le processus de lancement d’une campagne de banners est totalement sous optimal (il faut décliner les banners pour chaque site support, gérer des relations par email avec chacun d’entre eux,… et le reporting statistique différent pour chaque site est pour le moins folklorique si on adopte pas son propre outil de trafficking).
On peut prévoir une sérieuse mise à jour des anciennes (mauvaises) habitudes en matière de mix media avec de nouvelles offres prometteuses comme « l’Alternative TV » de Fullsix qui fait déjà ruer dans les brancards les grands acteurs de la publicité TV… ou avec les outils de Google (comme Google Adplanner qui va tuer Nielsen NetRatings) qui cherche à désintermédier complètement vente publicitaire. Il va y avoir du sang… surtout quand les annonceurs découvriront comment ils se sont fait berner ces dernières années (il ne tenait certes qu’à eux de se former un peu plus). Enfin le gros sujet reste la mesure des effets offline et en magasins des actions online…
3. Le transfert des budgets offline vers le digital et les media sociaux va s’amplifier…. 2010 prépare l’avènement d’une stratégie marketing transmedia.
Les publicités vidéo vont se développer (40% de hausse d’après Emarketer. Les podcasts videos (The Wine Library de Gary Vaynerchuk par exemple attirent plus de 240.000 visiteurs/mois) et le live (avec uStream) vont aussi progresser. Le format vidéo sera boosté avec le développement de la 3G sur mobile et d’équipement simple pour capter et monter de la vidéo (Flip Cam, iPhone 3GS). Certains studios cinéma vont enfin prendre la vidéo online au sérieux. Showtime commercialise ainsi les épisodes de la série « Weeds » sur le web avant même la sortie DVD. Les investissements en marketing du bouche à oreille vont continuer d’exploser (buzz, viral, media sociaux, communauté en ligne, …) pour atteindre 3,7 milliards de $ en 2011.
Ce transfert des budgets publicitaires vers le digital va être particulièrement violent pour les media et l’industrie du divertissement. En effet le revenu pour 1000 lecteurs ou spectateurs (le CPM) est 10 à 20 fois moins élevé online. Dans le cinéma et la TV, selon Michael Nathanson de Bernstein « la Fox génère seulement 18 cents/spectateur d’un épisode des Simpsons sur le site Hulu.com contre 54 cents à la TV ». Les ventes de vidéo online ne représentent que 237,7 M de $ de ventes par an pour les studios contre 10 milliards de $ pour le marché des DVDs et du BlueRay… et c’est sans compter avec la nouvelle concurrences des consoles de jeux vidéos connectées au web comme la PlayStation3 de Sony et la Xbox 360 de Xbox qui totalisent déjà pas moins de 1,27 milliard de $ de ventes de vidéos à la demande cette année ! Même si le consommateur passe plus de 309 minutes/jour à regarder des vidéos à la TV contre seulement 2 minutes online en moyenne, il va être difficile pour les media et les chaines TV de préserver leur revenus dans les années à venir. YouTube travaille d’ailleurs à augmenter le temps passé sur ces vidéos et avec plus de 43% des heures de prime-time TV occupés par de la publicité aux Etats-Unis cela ne devrait pas être difficile de convaincre le consommateur de passer à la vidéo à la demande sur le web (contenu web qui pourra être projeté sur son téléviseur devenu simple écran avec des solutions comme AppleTv ou Roku). L’industrie de la musique va-t-elle elle continuer sa mutation forcée avec une majorité de maisons de disque aussi dépassées que leur nom (qui achète encore des disques ?). Les pure players comme Deezer, Spotify, LastFm, Blip.fm, iTunes, Jamendo, MyMajorCompany ou Songkick.com (qui ajoute une dimension sociale en permettant d’être alerté d’un concert proche d’un artiste présent dans son répertoire) seront ceux par qui arrivera l’innovation. Les nouvelles générations passent déjà plus de temps sur le web, leur mobile ou leur console que devant la TV.
Dans l’édition, la révolution est là aussi avec l’impression à la demande (Lulu.com) ou avec le Kindle, le livre électronique lancé par Amazon (et qui grâce à une carte SIM permet de commander un livre à tout moment, de n’importe où) qui représente déjà plus de la moitié des ventes des livres d’Amazon ! Apple n’est pas en reste avec le lancement de sa tablette prévu le 26 janvier prochain… et le prototype Mag+ de Bonnier donne un aperçu de ce que pourrait être le futur du magazine. Il y a fort à parier que certains pure player qui n’ont pas les coûts de fonctionnement des acteurs historiques en profiteront pour lancer de nouveaux business models…
Un des sujets chauds de l’année sera le buzz monitoring ET la gestion de l’e-réputation des marques sur le web et les media sociaux. Le nombre des solutions de monitoring (Radian6, Sysomos, Linkfluence,… et VanksenWatch) et d’analytics dédiées aux media sociaux va exploser pour atteindre plusieurs centaines d’outils. Puis le marché va exploser et se consolider car peu d’acteurs pourront faire les investissements nécessaires en matière d’indexation, de stockage mais aussi et surtout d’analyse sémantique (partiellement ou totalement automatisée à terme) et le multilinguisme. La majorité des marques devra investir dans une solution pour mesurer le buzz et le retour sur investissement de ses actions mais beaucoup seront déçues par rapport à leur niveau d’attente. Les agences de RP qui n’auront pas sauté le bas du online et des media sociaux verront leurs jours comptés… surtout avec la vitesse « temps réel » des media sociaux. Du côté « bloggers influents » on verra des outils pour certifier l’audience et l’influence comme nous le proposons déjà chez BuzzParadise. A long terme, on peut s’attendre à ce que Google mette tout le monde d’accord (et tue le marché de l’entrée de gamme) avec une solution (gratuite ?) dont on peut voir les bases avec Google Trends, Google Adplanner et Google Analytics.
Mais plus que le monitoring, c’est la gestion de la marque qui va être clef. L’art de savoir intervenir proactivement ou réactivement sur les media sociaux pour promouvoir et défendre la réputation d’une marque comme le fait très bien Best Buy avec sa Twelp Force surTwitter. Nous accompagnons déjà de nombreuses marques chez Vanksen : SFR, Passoã, Danone… en ce qui concerne leur présence et leur « social media strategy ». Après s’être mordu les doigts d’avoir confié un peu vite ses actions délicates et stratégiques à un stagiaire, certaines marques vont recruter de vrais « community managers », un « Head of Social Media » et à terme adopter de véritables outils de « social CRM » comme Chatter lancé par Salesforce. Après avoir expérimenté et bricolé, 2010 verra certains annonceurs intégrer de manière stratégique et durable le web et les media sociaux dans leurs activités avec de vrais budgets. Si les technologies 2.0 sont en général bon marché, les coûts induits en temps humain ne seront pas à prendre à la légère si on veut être sérieux dans le domaine.
Le web et les media sociaux vont être de plus en plus souvent rattachés directement au directeur marketing (et pas seulement au département web) ou voir la naissance de cellule multi département et vont nécessiter une remise à plat de l’organisation interne car le mode silo ne fonctionne pas avec Internet. La majorité des marques va devoir rédiger et diffuser une « social media policy » auprès de leurs collaborateurs pour expliquer ce qu’ils peuvent ou non faire sur les media sociaux et éviter des « bad buzz » par manque d’éthique ou maladresse d’un(e) employé(e) mal informé(e). En effet, les internautes se contrefichent de savoir si ce qu’ils font ou disent concerne le département communication, le marketing, la recherche & développement, le support client, … Au final chaque avis, commentaire et critique impacte toute la marque au global.
4. 6 millions de concurrents ! Le pouvoir du consommateur et du crowdsourcing va se développer et challenger les marques.
A mesure que les technologies se démocratisent, le consomm’acteur va de plus en plus challenger voir concurrencer les marques et les entreprises.
C’est simple, si un produit ou une marque ne répond pas à la demande des consommateurs, ceux-ci s’associent via Internet pour faire évoluer leurs produits, les débloquer (protection anticopie et zone régionale des DVDs, DRM dans la musique, déblocage des iPhones) voir les distribuer gratuitement (téléchargement en P2P, BitTorrent, …). Dans certain cas ils passent eux-mêmes à la production de produits via des sites comme Etsy (vente de produits artisanaux), Ponoko, Spoonflower (impressions à la demande) ou CafePress (produits dérivés).
Au niveau Recherche & Développement, les marques qui ont non seulement ouvert leur écosystème (les API de Google, Twitter, …) mais aussi trouvé un moyen de motiver les gens à contribuer (le revenu sharing avec les développeurs sur les apps de iTunes) bénéficient de la créativité et de l’inventivité d’une armée de bénévoles à qui elles outsourcent finalement une partie de leur expérimentation. Dell avec Ideastorm, Starbucks, … créént aussi de véritables panels en ligne pour concentrer les suggestions, critiques et idées de leurs clients et ainsi améliorer leur offre ou inventer de nouveaux services. L’effet réseau créé une énorme barrière à l’entrée face à la concurrence : les développeurs ont peu d’intérêt à développer sur une plateforme avec moins d’utilisateurs, les utilisateurs peu d’intérêt d’aller sur une plateforme avec moins de choix d’applications.
Au niveau marketing : le bouche à oreille et les avis de consommateur deviennent clef dans le succès d’un produit. Certaines marques l’ont déjà compris et activent leurs clients pour co-concevoir leur message en mode « crowdsourcing » (P&G avec VocalPoint, Eyeka ou Mofilms pour la création de publicité) ou même le diffuser et le viraliser (BuzzParadise avec les bloggers influents, Bzzagent avec les consommateurs de base). On peut aussi citer BestBuy qui à l’occasion du lancement du film « New Moon » a sondé ses fans Facebook pour connaître leurs films et livres préférés sur les vampires. Le top 50 des réponses a été mis en vente sur le site BestBuy.com. Les fans ravis ont appréciés de voir la marque les écouter et ont pu acheter de nouveaux produits adaptés à leur centre d’intérêt du moment.
5. 2010 : Enfin l’année du mobile… mais social ! (geolocalisation + applications + réseau social + recommandations)
Après plus de 10 années où on nous annonce que c’est sûr c’est « l’année du mobile », on peut prédire que 2010 verra le marketing mobile commencer à sortir de l’enfance avec des dépenses dépassant 391 millions de $ d’après Forrester et 593 millions de $ pour emarketer. Ces dépenses devraient progresser de 27%/an en moyenne les 5 prochaines années ce qui est énorme et en même temps les dépenses en marketing mobile resteront 24 fois plus petites que les dépenses… en référencement… en 2014 :
Le nombre de consommateurs avec un mobile est désormais largement supérieur à ceux avec une télévision ou un PC (plus d’1 milliard au niveau mondial en 2010 d’après IDC). Selon certaines études, le mobile est devenu plus important que son portefeuille ! L’arrivée croissante de la Chine (500M d’internautes) et de l’Inde où les habitants surfent plus souvent depuis un GSM qu’un PC va encore booster le développement du mobile.
C’est non seulement l’ergonomie et les fonctionnalités de l’iPhone qui auront créé un séisme dans le monde mobile mais surtout l’écosystème autour des applications (on prévoit 20 milliards d’applications téléchargées par an en 2014 contre 2,3 en 2009) où la créativité des développeurs est enfin dopée par une part conséquente des revenus. (Message aux opérateurs : à force de vouloir accaparer la majorité des revenus d’applications vous avez limité la créativité et le nombre des applications sur vos mobiles et tué dans l’œuf un énorme marché). A eux seuls les utilisateurs de l’iPhone représentent 33% du trafic web sur mobile alors qu’ils ne représentent que 10% du marché des Smartphones ! Certes Nokia produit 10 fois plus de GSM mais…. au 3ème trimestre 2009 Apple a fait des profits supérieurs (1,6 milliards de $ vs 1.1 milliards de $ pour Nokia ) ! Le modèle économique d’Apple est donc beaucoup plus rentable… et challenge Nokia sur le terrain des Smartphones ou la marge est la plus grande. De plus, avec l’effet réseau, je souhaite bonne chance à Nokia (avec Ovi) ou Blackberry pour rivaliser en nombre d’applications. Seul Google avec Android devrait s’en sortir si le nombre de versions de leur OS (souvent incompatibles) ne plombe pas son développement. Même les réseaux sociaux comme Facebook (avec Facebook Lite) ou Twitter proposent des versions ou applications mobile qui ont de plus en plus de succès. 65 millions de membres (18%) Facebook mettent régulièrement à jour leur profil depuis un mobile !
L’acquisition de la régie publicitaire AbMob pour 750 millions de $ et la solution de voix sur IP Gizmo5 (un Skype like) par Google (qui peut désormais proposer des liens sponsorisés, de la publicité display ou dans les applications sur les mobiles… il ne lui manque plus que les SMS), montre bien que le marketing mobile aiguise les appétits des acteurs majeurs. Aux Etats-Unis, Volkswagen a ainsi uniquement communiqué via une application iPhone sophistiquée pour le lancement de son nouveau modèle GTI. La création d’applications iPhone se démocratise et sera bientôt aussi peu coûteuse que de développer un site (avec MobileRoadie) ou une application Flash avec l’arrivée d’Adobe Flash CS5. Le challenge pour iTunes sera de fournir un moyen efficace pour aider l’utilisateur à identifier la bonne application dont le nombre croît de manière exponentielle.
La véritable innovation vient surtout de la dimension sociale et geolocalisée du mobile, permettant au final certaines applications prometteuses en matière de réalité augmentée. Je vous invite à suivre de près les applications et sites tels que Yelp, Gowalla, Loopt, Foursquare, Brightkite, Yowza (coupons mobile), Twitter 360 et Google Latitude, car avec la géolocalisation ceux-ci créént « une nouvelle couche au web » comme l’indique Pete Cashmore, le PDG de Mashable.
En gros imaginez les bonnes adresses de Yelp avec les avis non pas d’internautes en général mais de votre réseau d’amis, disponibles sur votre mobile et localisées en fonction d’où vous vous trouvez. Votre réseau social devient mobile, et le mobile connecte le virtuel au réel. Le marché des GPS comme TomTom (qui vient de lancer sa propre application iPhone) devrait d’ailleurs souffrir de la nouvelle concurrence des mobiles sur leur marché.
La réalité augmentée dépassera l’aspect gadget en permettant de transformer l’écran de votre GSM qui va ajouter une couche virtuelle à ce que vous regardez en temps réel (voir la solution de Layar). Un peu comme Terminator, en temps réel, si vous « filmez une façade d’un immeuble » avec votre GSM, l’écran vous montre la réalité et en direct par-dessus une couche d’informations virtuelles comme par exemple : les appartements à louer, … La suppression des obstacles techniques (avoir une webcam, supprimer l’impression d’un symbole grâce à la détection automatique de visage, ...) devrait en développer l’usage surtout sur le lieu de vente comme dans cet exemple pour la promotion du film Coraline. Et dans le futur on peut imaginer des applications encore plus folles comme l’a présenté Pranav Mistry à la conférence TED avec sa technologie « SixthSense » où le mobile se mue en projecteur interactif personnel. Imaginez une sorte d’écran portable à la « Minority Report » interactif et évolutif en fonction du contexte où l’on se trouve…
On attend plus que le paiement par mobile devienne définitivement courant avec iTunes, Paypal, ou Square la nouvelle startup de Jack Dorsey (créateur de Twitter) pour boucler la boucle. ABI Research évalue le m-commerce (la vente de produit non virtuel via un mobile) à 750 millions de $ en 2009 et emarketer parie qu’il dépassera le milliard de $ en 2010. Amazon vient déjà de racheter Snaptell et les opérateurs/constucteurs seraient enfin d’accord sur un standard pour les QR codes qui cartonnent au Japon (Skuyou.com a déjà généré 120 millions de QR codes là-bas).
En conclusion
2010 introduit une véritable convergence entre virtuel et réel qui va forcer les annonceurs et les agences à réorganiser leur marketing pour supprimer les silos, et coordonner leurs actions marketing offline et online tout en intégrant la dimension sociale et temps réel. Il y a urgence à évoluer pour ne pas courir derrière les consom’acteurs surtout à une époque où l’évolution ultra rapide des technologies (garder un œil aussi sur l’arrivé des nanotechnologies) et des usages modifie drastiquement la demande et les « business model » (demandez à l’industrie du film, de la musique, du téléphone, du livre, …). On passe de la communication (on envoie un message vers une cible via un media) à une économie de l’attention et de la réputation (les consommateurs décident s’ils veulent vous écouter et ils peuvent relayer, répondre ou modifier votre message). Ce sont les marques les plus aptes à changer, évoluer et se réinventer qui s’en sortiront le mieux… celles habituées au confort de leurs habitudes foncent dans le mur comme le Titanic en se croyant souvent à tort insubmersible… Dans cette révolution la créativité et l’innovation mais aussi la capacité à mesurer et à donner du sens au volume phénoménal de données disponibles seront clefs."
agence Vanksen