Mais l'article soulève une question étrange: tout admirable qu'il est, le cinéma d'Audiard ne serait-il pas trop divertissant? D'ailleurs, ne serait-ce pas pour cette raison qu'il n'a gagné "que" le grand prix du jury et pas la palme d'or l'année dernière, remise à un film dont personne ne pouvait douter du sérieux? Son cinéma ne serait-il pas trop émouvant, trop scénaristiquement maîtrisé, trop tourné vers le plaisir de son spectateur?
Mais qu'en voilà de drôles d'interrogations! Car admettons que ce cinéma le soit (et il l'est en bonne partie), qu'est-ce que ça lui enlèverait au juste? En quoi le vernis divertissant empêcherait de voir dans ces films les plus beaux portraits d'hommes qu'il ait été donné de voir au cinéma lors des 15 dernières années? En quoi la maîtrise du scénario en fonction des effets sur ses spectateurs empêcherait la profondeur du récit, sa complexité ou encore le sens donné par la pure mise en scène? Pourquoi ses films perdraient-ils en valeur parce qu'ils ne sont pas secs comme des vieux pruneaux?
Quand Melville réussissait l'incroyable amalgame film populaire - film noir d'auteur, personne n'aurait songé à lui reprocher son succès public ou à douter de la richesse artistique de ses films. Pourquoi faudrait-il qu'il en soit autrement aujourd'hui?