Jeudi dernier, présentant ses vœux au « monde de la culture », Nicolas Sarkozy a annoncé à ses interlocuteurs qu’il avait bien l’intention de mettre en œuvre sans tarder, dès cet été, l’une des propositions du « rapport Zelnick », à lui remis la veille, qui préconise la création d’une « carte musique », pour les « jeunes », permettant de télécharger sur Internet de la musique, en la payant, la carte d’une valeur de 200€ étant vendue 100, et subventionnée à 50% par les contribuables. L’idée étant de favoriser le téléchargement payant au détriment du téléchargement illégal. Pour permettre aux artistes et à leurs producteurs de se refaire une meilleure santé. À noter : M. Patrick Zelnick – qui avait à ses cotés M.Jacques Toubon – est par ailleurs le producteur de Carla Bruni Sarkozy…
On connaissait les subventions aux produits de première nécessité, d’ailleurs toujours en vigueur dans certains pays sous-développés. On savait que certaines subventions, en particulier dans le domaine culturel, ne profitaient pas toujours aux plus pauvres, telles les aides (massives) à la musique et aux spectacles d’opéra. Mais on n’était encore jamais allé si loin dans le subventionnement à une catégorie professionnelle.
Bien sûr, il faut tenir compte qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle catégorie professionnelle. Il ne s’agit pas de marins pêcheurs ou d’éleveurs laitiers. Nous sommes au cœur de la culture, citadelle du pouvoir des idées, coffre-fort du pouvoir politique de demain. Car, comme ses prédécesseurs, Sarkozy fait siennes les idées de Gramsci selon lesquelles le pouvoir politique se conquière par l’investissement culturel. D’où le fil d’Ariane de la politique culturelle française, depuis André Malraux à nos jours, en passant par Jack Lang (auquel le chef de l’Etat ne manque jamais de rendre un hommage appuyé).
Mêmes les tickets restaurant ou les chèques-vacances ne sont pas subventionnés à 50% par les contribuables !
Heureusement, cette « carte musique » ne fonctionnera pas davantage que la loi HADOPI. Pour ceux qui payent pour télécharger, ce sera une aubaine. Pour les autres, même après subvention, la carte sera encore trop chère.
Bien sûr qu’Internet pose un grave problème aux auteurs en général et aux musiciens en particulier. Mais ils n’ont pas d’autre solution que d’inventer pour vivre de nouveaux modèles économiques, qui d’ailleurs commencent à émerger. Prendre les contribuables en otage n’est pas la solution. Même avec la bénédiction du chef de l’Etat !
Celui-ci, tel un ayatollah, se fait le défenseur d’un droit d’auteur absolu. Il est probable que, par les temps qui courent, l’administration, la justice et la police ont mieux à faire…