La semaine dernière ont eu lieu les entretiens individuels entre parents et professeurs pour les classes de premières.
Le dispositif est le suivant : chaque professeur est installé dans une salle de classe et agence table et chaises de façon à ce que le ou les parents soient assis, en face de lui. Les parents attendent dans le couloir et passent les uns après les autres. J'ai déjà dit, par ailleurs que nous appelions cela, entre nous, "le confessionnal".
Mais encore faut-il avoir des clients à confesser... L'épreuve est supposée durer de 17h à 20h. De 17h à 18h je n'ai eu aucun client. Tous étaient agglutinés devant les salles du professeur de français (il y a l'épreuve anticipée de français en juin... sinon ils n'en auraient rien à secouer de cette matière inutile, les parents... à peine un coefficient 2x2, alors...). Sinon l'autre matière à succès, le professeur qui sera obligé de s'enfiler les 30 clients jusqu'à 21h c'est le prof... c'est le prof... allez, je vous le donne en mille... c'est le prof de.... de... de maths !! Évidemment...
Lorsque je dis 30 clients c'est une erreur. Il s'agit de 30 clientes. Ce sont les mamans qui se déplacent pour leurs rejetons. Pas les papas. Les papas sont pas là.
A la vérité, sur les 18 personnes que j'ai reçues (c'est tout juste si je n'ai pas du faire du racolage pour avoir mes deux premiers clients...), 17 étaient du genre féminin et une seule du genre masculin. Un papa italien d'ailleurs. Comme quoi...
Le contenu des entretiens, lesquels durent environ 5 à 7 minutes, est composé pour un tiers de rappel des résultats du fiston ou de la fifille, ce que le parent connaît déjà en général. Cela n'empêche pas certains d'entre eux de prendre consciencieusement des notes. Le deuxième tiers consiste à répondre à l'injonction parentale consistant à demander "ce qu'il(elle) peut faire pour s'améliorer". Difficile d'éviter alors les "travailler plus" (Salut Sarko !)... Le "Approfondir le travail" (Creuse, creuse, petite saucisse !) ou bien, tout aussi vague et bateau, le "travailler de façon plus régulière" (rame, rame, petit poisson !). Reste le dernier tiers où l'on reçoit, à son tour, le jugement parental : "il aime bien vos cours, vous savez", "la matière l'intéresse vraiment", le genre de compliments qui fait même plaisir. Sauf que cette année, dans cette classe de première où les relations ont souvent été tondues tendues, j'ai eu droit au souffle froid de quelques bémols : "elle(il) trouve que ça va trop vite", "il(elle) me dit qu'il y a beaucoup de bavardages", ou "elle a trouvé injuste d'avoir reçu une volée de bois vert parce qu'elle utilisait son portable alors que d'autres l'utilisent souvent et elle c'était la première fois", ou bien encore : "certains élèves ont confié - je suis déléguée parent d'élèves FCPE/PEEP - qu'ils ne comprenaient pas toujours votre humour".
Je veux bien convenir que j'ai tendance à aller de plus en plus vite, gagné que je suis par une certaine routine, mais je me soigne : tous mes cours sont soutenus par une présentation powerpoint, je passe d'ailleurs des journées entières à les recomposer, démagogue pédagogue que je suis... Un peu comme la vieille pute qui met double maquillage et raccourcit sa jupe à ras le bonbon, j'ai travesti habillé (?) mes cours, je les ai adaptés aux consommateurs d'images que sont les élèves aujourd'hui devenus (plus qu'hier).
Plus amusant et plus angoissant à la fois, j'apprends au passage combien tel(le) ou tel(le) élève souffre de venir au lycée, je relève les comportements de fuite assez inquiétants, décrits par les mamans dépassées , d'au moins quatre élèves de cette classe.
Il y a ausi ces mères qui avouent venir vous voir car elles n'ont aucune nouvelle des résultats de leur enfant ni même de ce qu'il fait en cours, un enfant qui ne leur dit rien, qui s'enferme dans sa chambre et fait un barrage total, mieux qu'à Gaza.
- "Alors moi monsieur, je ne sais pas s'il travaille ou pas"...
- "Moi je sais madame... moi je sais..."