Est-ce parce qu'elle a pris tout le monde par surprise? La mort de Philippe Seguin a suscité des réactions étranges, presque excessives, entre un Fillon au bord des larmes, une Martine Aubry, presque aussi émue (il est vrai qu'elle avait travaillé avec lui au Ministère des Affaires Sociales) et une planquée d'élus de tous bords qui n'en pouvaient plus de tresser les louanges d'un homme dont le regard lourdement souligné de cernes, le rire tonitruant, les gestes d'agacement et les colères à peine rentrées m'ont, personnellement, souvent mis mal à l'aise.
Oserais-je le dire? Son alliance avec Pasqua, son gaullisme d'avant-hier, sa saga familiale si souvent mise en avant (par lui ou par d'autres, je l'ignore) m'incitaient à ne pas trop me fier à un homme dont je savais pourtant qu'il avait, lors du débat sur Maastricht avec Mitterrand, fait preuve de retenue face à un adversaire au bout de ses forces quand d'autres en auraient profité.
Mais au delà de ces réserves personnelles, c'est la puissance de ces réactions qui m'a étonné ou, plutôt, la capacité des journalistes à les susciter, à les faire sortir de l'espace privé où elles se déploient d'ordinaire pour en faire une scène de théâtre à la Rousseau ou une peinture à la Greuze. La mort d'un homme politique honorable est un spectacle où chacun joue son rôle : le bouleversé (Fillon), le distant (Juppé), le raisonnable (Emanuelli), le tragique (Pasqua)… Parions que dans quelques années on trouvera tout cela un peu indécent. A moins que la théâtralisation de la vie politique s'accentuant, on ne trouve tout cela bien fade. Allez savoir.