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BRIGHT STAR de JANE CAMPION

Par Abarguillet

Pathé Distribution   VIDEO

Jane Campion, on le sait, est une cinéaste de talent qui a le don de varier ses thèmes et de nous surprendre par des narratifs aussi opposés que l'est son dernier opus Bright Star consacré aux amours du poète John Keats et de sa jeune voisine Fanny Brawne, par rapport à son précédent  ( 2003 ) In the cut, film d'horreur urbain. Projeté au tout début du dernier Festival de Cannes,  Bright Star,  peu en phase avec une compétition dominée par des oeuvres résolument contemporaines et souvent violentes, reçut un accueil mitigé, voire dédaigneux, d'autant qu'il était, au regard d'un public avide de modernité innovante, desservi par son apparent classicisme et son récit des amours platoniques de deux jeunes gens au coeur de l'Angleterre pré-victorienne des années 1920. Néanmoins, le public avait tort de ne lui accorder qu'une attention  distraite, car ses qualités en font une oeuvre attachante pour la beauté de ses images, sa communion avec la nature, la fluidité de sa mise en scène, l'excellence de son interprétation, et parce qu'elle donne à entendre des textes d'un  poète d'une profondeur saisissante, ce John Keats décédé de la tuberculose à l'âge de 25 ans dans la plus totale indifférence et qui compte, de nos jours, de par ses poèmes au souffle immense, parmi les meilleurs poètes du monde anglo-saxon. D'ailleurs le titre du film Bright Star ( Etoile brillante ) est le titre de l'un d'entre eux.


Ben Whishaw et Abbie Cornish. Laurie Sparham


La réalisatrice a su éviter de figer les images dans des décors surchargés par les exigences de la restitution d'époque et d'exalter au contraire la beauté naturelle des extérieurs, captés au fil des saisons par une caméra aussi voluptueuse et caressante qu'un pinceau. Entre les deux héros, admirablement campés par  Abbie Cornish ( Fanny ) et  Ben Whishaw  ( John Keats ) s'esquisse une relation qui va très vite devenir passionnelle, vécue en secret jusqu'à ce que la maladie ne vienne arracher les amants l'un à l'autre. Bien que Jane Campion se soit refusée à céder à des scènes torrides et contentée d'un chaste baiser, le film est empreint d'une ferveur et intensité si bien intériorisées, qu'elles sont plus crédibles que ne le seraient les débordements affectifs et sexuels qui affligent souvent l'ensemble de la production actuelle. Entre les deux protagonistes s'installent une grâce, une émotion qui vont crescendo et on devine, bien sûr, que cet amour, encore au stade de l'émerveillement et de la retenue, est condamné d'avance à rester suspendu dans le temps... incantatoire et immortel comme les poèmes qui l'inspirent. Ainsi, au fil des quelques saisons qu'ils partagent, Fanny et John déclinent-ils une romance contrariée par les différences de classes sociales et la maladie. Ne cédant à aucun académisme, Bright Star s'impose à la manière d'un poème raffiné, servi par des acteurs inspirés et porté par une intensité déchirante.


Ben Whishaw et Abbie Cornish. Laurie Sparham


On s'explique facilement que Jane Campion ait été séduite par la vie brève et ardente de ce jeune poète britannique ( 1795 - 1821 ) qui se réfugiait volontiers dans le monde idéal de la Beauté, beauté qu'il s'était plu à exprimer dans Hypérion et Les Odes. Son pessimisme était compensé par cette ardente foi dans toutes les formes de beautés, seules capables de survivre à l'homme lui-même - disait-il. Lui qui écrivait : " O qu'on me donne une vie de sensation plutôt qu'une vie de pensée "  semble avoir été exaucé et ce film, d'un charme captivant, qui la sollicite à chaque instant, lui rend en quelque sorte hommage.


Ben Whishaw. Laurie Sparham


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