C’est complètement par hasard que je suis tombé sur une tribune du Monde qui, pour une fois, ne se classe pas dans les pignouferies habituelles du quotidien placé depuis trop longtemps sous intraveineuse de subventions : pour une fois, donc, on ne nous ressort pas la vieille scie de la nécessaire manne étatique pour aider un secteur, mais on pointe, au contraire, les effets néfastes de celle-ci…
L’article part, tout d’abord, de la constatation que la loi de budget des finances votée dernièrement reconduit à l’identique les mesures d’incitations fiscales massives dans l’immobilier.
D’habitude, le socialisme ambiant consiste à pleurnicher sur le manque à gagner que ces mesures provoquent pour un budget dont on sent déjà qu’il sera lourdement déficitaire. L’article, bien sûr, ne manque pas de le faire (ce pays est toujours sous tutelle intellectuelle collectiviste, ne l’oublions pas) et détaille donc les différents types d’aides proposés et les coûts supportés par tous les contribuables pour aider une poignée d’entre eux à posséder un logement.
Mais au-delà du petit poncif sur le manque à gagner, l’article montre bien que, finalement, l’état mobilise des sommes notoires dans le but de soutenir un unique secteur d’activité, de façon de plus en plus artificielle au fur et à mesure que la reprise économique semble vouloir prendre son temps pour revenir.
On apprend ainsi qu’à l’introduction en 1984 de ces incitations fiscales, qui s’adressaient en priorité aux ménages, les promoteurs immobiliers représentaient 15% des investisseurs, contre plus de 50% maintenant. En clair : les contribuables donnent plus ou moins directement de l’argent aux promoteurs pour qu’ils construisent toujours plus des bâtiments dont la qualité, d’ailleurs, laisse parfois à désirer.
D’autre part, ces aides massives sont directement responsables de l’augmentation galopante des prix sur les dix dernières années : quand une partie des montants peut être empruntée sans intérêt, quand on rend solvable une population qui ne l’était pas par un artifice d’écriture ne traduisant pas réellement une augmentation de richesse réelle, on favorise artificiellement la demande, pendant que l’offre, elle, doit composer avec des règles de plus en plus strictes (normes environnementales, droit du travail, etc…)
Demande forte, offre en retard : les prix montent.
Si l’on ajoute les tracasseries administratives de plus en plus complexes pour la classification d’un terrain en zone constructible, qui augmente d’autant la viscosité du marché, et l’habituelle et large corruption du secteur, très bien décrite dans cet article d’Objectif Liberté, on comprend d’autant mieux que, l’un dans l’autre, les prix aient fait une joli culbute (70% d’augmentation en 8 ans à partir de 2000).
(Source : Friggit, décembre 2009 – cliquer sur le graphique pour l’avoir en taille maximale)
En outre, en perfusant le marché avec les subventions et les niches fiscales, on fait persister (ou on tente de faire persister) une bulle qui, de fait, nuit au plus grand nombre : si l’effondrement du prix du marché de l’immobilier semble beaucoup gêner les agences immobilières et les notaires, les principaux concernés par l’achat d’un bien immobilier – à savoir, les ménages – eux, n’attendent que ça.
Mais que nenni : les pauvres n’auront pas la joie de pouvoir, eux aussi, posséder un logement. Pour des raisons électoralistes, on va massivement continuer à aider tout ce beau monde…
Comme le souligne fort justement Isabelle Rey-Lefebvre dans son article,
Ce soutien artificiel au marché a, en outre, cassé le mouvement de baisse des prix des terrains, entamé en 2008, qui aurait permis d’abaisser le coût final des logements, pour les accédants comme pour les investisseurs, ce qui est, finalement, la meilleure aide au logement et la plus économe pour les ménages comme pour l’Etat.
Eh oui : soutenir le marché de l’immobilier par l’intervention étatique fiscale, c’est deux fois con :
- une première fois, parce que ça coûte de l’argent à tous les contribuables soit – explication socialiste – par le mankagagner en impôts, soit – explication traditionnelle – parce que les niches créées distordent le marché et incitent ses acteurs à ne pas faire les choix les plus judicieux sur le long terme mais bien les plus juteux sur le court terme.
- une seconde fois parce que ça gonfle les prix et/ou les maintient artificiellement élevés, ce qui provoque un besoin encore plus grand des aides qu’on a précédemment mises en place.
Mais peut-on être, encore une fois, étonné de constater que l’Etat, finalement, fait tout ce qu’il faut pour non pas résoudre le problème, mais que celui-ci perdure et que l’interventionnisme soit, ainsi, auto-justifié ?
C’est, finalement, le fond de commerce de la clique politicienne : créer un problème, y apporter une solution vigoureuse qui le résout en apparence et l’amplifie dans un second temps. Magnifique système en autocatalyse où chaque contorsion pour faire semblant d’aider provoque un nouveau problème qu’on va s’empresser de régler par de nouvelles gesticulations problémogènes.
Et comme, en plus, les électeurs contribuables réclament haut et fort ce genre de manipulations, … Ce Pays Est Foutu.