René Girard, Les origines de la culture
Deux idées justes ici, sans me prononcer sur les idées de Girard, qui me séduisent moins qu'il y a une quinzaine d'années, quand j'avais lu à la suite Mensonge romantique, Des choses cachées et La violence et le sacré. Pour faire vite, il me semble aujourd'hui qu'en s'en tenant à des exemples littéraires ou ethnologiques, Girard facilite ses démonstrations.
Dans cette citation pourtant, il applique sa théorie à l'actualité et le fait avec justesse : il faut être aveugle, ou avoir des comptes à régler, pour ne pas voir que le haro sur la burqa relève du phénomène de bouc émissaire.
Deuxième idée forte de Girard : la modernité c'est l'ère des masses gouvernées par des phénomènes de contagion mimétique. De ce point de vue, le bloc Union européenne-Etats-Unis qui se constitue m'effraie : plus les deux se rapprochent, plus leur discours à l'égard de l'extérieur relève du simplisme le plus bête : la méchante Chine, les affreux russes... Les Etats-unis d'Europe et d'Amérique en gestation sont un retour à la grande tribu blanche, quelque chose comme l'Occident reparti pour une croisade, avec la différence que les épées ont été remplacées par des drones et des bombes atomiques.
Ce grégarisme à l'échelle planétaire m'effraie. Quelle différence quand la France soulève le problème de la fraude l'optimisation fiscale à grande échelle pratiquée par Google. Un monde morcelé en états multiples est un monde qui débat, qui vit, qui échappe à la normalisation incessante.
D'ailleurs ça ne rate pas : à peine l'annonce française est-elle faite que les chiens de garde du marché de la Commission européenne annoncent que ce sont eux qui décideront in fine. Il y a encore quelqu'un qui croit que c'est utile de réfléchir à une sixième république ou de choisir un président de la république, à l'heure européenne ?
Une autre citation de Jean-Louis Bourlanges rejoint ce point : "Souverainistes et fédéralistes ont pperdu ensemble, car ils ont continué de croire en la politique. Ce qui gagne, c'est une espèce de gouvernance mondiale indéterminée".
*
Pour conclure, une chanson d'Alain Souchon. En 1977 déjà, crise aidant, les immigrés ont servi de boucs émissaires. J'aime le passage où l'on entend une voix à la VGE glousser quelques horreurs racistes mais polies comme on aime à en glisser dans les salons (contrairement à ceux qui dénoncent les bourgeois aux belles âmes, il y a aussi des bourgeois qui sont prêts à sacrifier du bougnoul si ça peut calmer la populace. Bonne écoute...
Paroles :
Dans les poulaillers d'acajou,
Les belles basses-cours à bijoux,
On entend la conversation
D'la volaille qui fait l'opinion.
Ils disent :
"On peut pas être gentils tout le temps.
On peut pas aimer tous les gens.
Y a une sélection. C'est normal.
On lit pas tous le même journal,
Mais comprenez-moi : c'est une migraine,
Tous ces campeurs sous mes persiennes.
Mais comprenez-moi : c'est dur à voir.
Quels sont ces gens sur mon plongeoir ?"
{Refrain}
"On peut pas aimer tout Paris.
N'est-ce pas y a des endroits la nuit
Où les ploucs qui vous font la peau
Sont plus bronzées que nos p'tits poulbots ?
Mais comprenez-moi : la djellaba,
C'est pas ce qui faut sous nos climats.
Mais comprenez-moi : à Rochechouart,
Y a des taxis qui ont peur du noir."
{Refrain}
"Que font ces jeunes, assis par terre,
Habillés comme des traîne-misère.
On dirait qu'ils n'aiment pas le travail.
Ça nous prépare une belle pagaille.
Mais comprenez-moi : c'est inquiétant.
Nous vivons des temps décadents.
Mais comprenez-moi : le respect se perd
Dans les usines de mon grand-père."
Mais comprenez-moi...