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Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note Doctrinale sur Certains Aspects de l'Evangélisation 4

Publié le 08 janvier 2010 par Walterman

IV. Quelques implications œcuméniques

12. Dès ses débuts, le mouvement œcuménique a été intimement lié à l’évangélisation. L’unité est, en réalité, le sceau de crédibilité de la mission. Le Concile Vatican II a fait remarquer avec regret que le scandale de la division « fait obstacle à la plus sainte des causes: la prédication de l'Évangile »[43]. Jésus lui-même, la veille de sa mort, a prié « pour que tous, ils soient un... afin que le monde croie » (Jn 17, 21).

La mission de l’Église est universelle et ne se limite pas à des régions déterminées de la terre. Toutefois, l’évangélisation se réalise diversement selon les différentes situations dans lesquelles elle s’opère. Au sens propre, c’est la « missio ad gentes » vers ceux qui ne connaissent pas le Christ. On parle au sens large d’ « évangélisation » pour l’aspect ordinaire de la pastorale et de « nouvelle évangélisation » vis-à vis de ceux qui n’observent plus la pratique chrétienne[44]. En outre, l’évangélisation a lieu aussi dans les pays où vivent des chrétiens non catholiques, surtout les pays de vieille tradition et d’ancienne culture chrétiennes. Ici sont requis un véritable respect pour leur tradition et pour leurs richesses spirituelles, et un sincère esprit de coopération. Les catholiques, « étant bannie toute apparence d'indifférentisme, de confusionnisme et d'odieuse rivalité, collaborent fraternellement avec les frères séparés, selon les dispositions du Décret sur l’œcuménisme, par une commune profession de foi en Dieu et en Jésus Christ devant les nations, dans la mesure du possible, et par une coopération dans les questions sociales et techniques, culturelles et religieuses » [45].

Dans l’engagement œcuménique, on peut distinguer plusieurs dimensions : d’abord l’écoute, condition fondamentale de tout dialogue ; ensuite, la discussion théologique, où l’on cherche à comprendre les confessions, les traditions et les convictions d’autrui, en vue d’une éventuelle concorde, parfois cachée dans la discorde ; enfin, l’autre dimension essentielle, indissociable des aspects précédents, qui ne peut faire défaut dans l’engagement œcuménique, est le témoignage et l’annonce d’éléments qui ne sont pas des traditions particulières ou des nuances théologiques mais qui appartiennent plutôt à la Tradition de la foi elle-même.

Cependant, l’œcuménisme n’a pas seulement une dimension institutionnelle qui vise « à faire progresser la communion partielle existant entre les chrétiens, pour arriver à la pleine communion dans la vérité et la charité »[46] : c’est la tâche de tout fidèle, essentiellement à travers la prière, la pénitence, l’étude et la collaboration. Partout et toujours, tout fidèle catholique a le droit et le devoir de donner un témoignage de sa foi et de l’annoncer pleinement. Avec les chrétiens non catholiques, le fidèle catholique doit entrer en le dialogue respectueux de la charité et de la vérité, qui n’est pas seulement un échange d’idées mais de dons[47], afin de pouvoir leur offrir la plénitude des moyens de salut[48]. Ainsi on parvient à une conversion toujours plus profonde au Christ.

À ce propos, il convient de noter que si un chrétien non catholique, pour des raisons de conscience et dans la conviction de la vérité catholique, demande à entrer dans la pleine communion de l’Église catholique, il faudra respecter sa requête comme œuvre de l’Esprit Saint et comme expression de la liberté de conscience et de religion. Dans ce cas, il ne s’agit pas de prosélytisme, dans le sens négatif attribué à ce terme[49]. Comme l’a explicitement reconnu le Décret sur l’œcuménisme du Concile Vatican II, « il est évident que l'œuvre de préparation et de réconciliation des personnes individuelles qui désirent la pleine communion avec l'Église catholique, se distingue, par sa nature, du dessein œcuménique; mais il n'y a, entre elles, aucune opposition puisque l'une et l'autre procèdent d'une disposition admirable de Dieu »[50]. Une telle initiative ne prive donc pas du droit, ni ne dispense de la responsabilité d’annoncer en plénitude la foi catholique aux autres chrétiens qui librement acceptent de l’accueillir.

Cette perspective exige naturellement d’éviter toute pression indue : « Dans la propagation de la foi et l'introduction des pratiques religieuses, on doit toujours s'abstenir de toute forme d'agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête, ou simplement peu loyaux, surtout s'il s'agit des gens sans culture ou sans ressources »[51]. Le témoignage rendu à la vérité n’entend rien imposer par la force, ni par une action coercitive, ni avec des artifices contraires à l’Évangile. L’exercice même de la charité est gratuit[52]. L’amour et le témoignage rendu de la vérité visent à convaincre d’abord par la force de la Parole de Dieu (Cf. 1 Co 2, 3-5 ; 1 Th 2, 3-5)[53]. La mission chrétienne réside dans la puissance de l’Esprit Saint et de la vérité elle-même proclamée.


[43] Conc. œcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, n. 1 ; cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio, nn. 1, 50 : AAS 83 (1991), pp. 249, 297 ; La Documentation catholique 88 (1991), pp. 153, 171.

[44] Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio, n. 34 : AAS 83 (1991), pp. 279-280 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 165.

[45] Conc. œcum. Vat. II, Décr. Ad gentes, n. 15.

[46] Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint (25 mai 1995), n. 14 : AAS 87 (1995), p. 929; La Documentation catholique 92 (1995), p. 571.

[47] Cf. Ibidem, n. 28: AAS 87 (1995), p. 939; La Documentation catholique 92 (1995), p. 575.

[48] Conc. œcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, nn. 3, 5.

[49] Originairement, le terme « prosélytisme », né dans le milieu juif où le « prosélyte », indiquait celui qui provenant des « nations », était passé à faire partie du « peuple élu ». Ainsi dans le milieu chrétien, le terme prosélytisme a été souvent employé comme synonyme de l’activité missionnaire. Récemment le terme a pris une connotation négative comme une publicité pour sa propre religion avec des moyens et des motifs contraires à l’esprit de l’Évangile, qui ne respectent pas la liberté et la dignité de la personne. C’est dans ce sens récent que le terme «prosélytisme» est compris au sein du mouvement oecuménique. Cf. The Joint Working Group between he Catholic Church and the World Council of Churches, «The Challenge of Proselytism and the Calling to Common Witness » (1995).

[50] Conc. œcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, n. 4.

[51] Conc. œcum. Vat. II, Décl. Dignitatis humanae, n. 4.

[52] Cf. Benoît XVI, Encycl. Deus caritas est (25 décembre 2005) n. 31 c : AAS 98 (2006), p. 245; La Documentation catholique 103 (2006), p. 183.

[53] Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décl. Dignitatis humanae, n. 11.


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