"Parmi les citoyens européens, il en est qui agissent comme si la guerre n'existe pas. Pourtant, elle fut bien là, quelque part entre Vukovar,Zagreb, Sarajevo, Sebrenica et Mostar". La guerre "marche à pas d'éléphant à travers les vies humaines. Hormis la destruction, elle impose la peur, l'exil ou la mort"
La première fois que j'ai entendu parler du mot de guerre, la première fois que je me suis faite une représentation de ses conséquences, j'avais 7 ans. On était en 1992,ce qu'on nommerait plus tard la guerre des Balkans venait d'éclater.
Tout débute avec la chute du Mur de Berlin, la chute de l'URSS et du communiste qui l'accompagne. Face au déclin de l'hégémonie d'une idéologie totalitaire, des revendications nationalistes voient le jour dans de nombreux pays de l'est. C'est le cas de la république fédérale de Yougoslavie qui voit ces républiques fédérées, une à une, faire sécession: Bosnie, Slovénie, Croatie,...Cette volonté d'auto-détermination des peuples légitime, ne prend cependant pas en compte la pluriethnicité des populations.
Ainsi dès 1990, alors que la Croatie n'est pas encore indépendante, les serbes (11 % de la population croate ) se sentent menacés par les revendications identitaires croates. Les souvenirs d'un passé mal digéré ne facilitant pas les choses (cf vidéo). Toujours est-il que pour ne pas se sentir isolés, ils demandent rapidement la protection du grand frère serbe et leur attachement à la république fédérale de Yougoslavie.
L'armée yougoslave de Milosevic qui en fait est l'armée des serbes, y voit un moyen d'y d'agréger d'autres territoires au prétexte d' y rétablir l'ordre et de dessiner une grande serbie qui réunirait tous les territoires constitués d'une population serbe.
Face à cela, les croates réagissent, et les premiers conflits apparaissent. Sans suivent, expulsions, meutres, déportations. C'est la prise de Vukovar, et de Dubrovnik. Après la croatie, l'armée yougoslave va s'en prendre à la bosnie: après une demande d'indépendance de la Bosnie, les serbes y vivant se sentent en minorité contre les bosniaques et les croates. Refusant de couper les liens avec l'ancienne mère patrie, ils décident de se rapprocher de l'armée yougoslave et de son chef. Apparait ainsi un Trium virat de l'horreur: Milozevic, Karadic, et Mladiv: ou comment mettre au point l'épuration ethnique...
Comme partout les victimes de cette guerre sont d'abord les civiles: monnaie d'échange, otages, cadavres, prisonniers. Meme les serbes de Sarajevo sont des cibles. Les gens avant cette guerre avaient réussi à vivre ensemble: nombreuses étaient les familles mixtes, les voisins croates ou bosniaques, et puis cette guerre a chamboulé les vies et détruit les liens.
Jean Hatzfeld dans "l'air de la guerre" explique cela admirablement. L'ancien journaliste de Libération, qui a écrit plusieurs livres sur le génocide Rwandais, a sillonné l'ex-Yougoslavie avant d'être touché par une rafale de Kalachnikov et d'être grièvement blessé.
Il n'y raconte pas la guerre, il la vit et la partage avec nous lecteur. On y côtoie des cadavres parcequ'il n'existe pas de guerre propre, on vit au rythme des bombardements. On croise sur notre route, différents personnages.
Les miliciens croates ou serbes sont d'une déconcertante légerté. Ils sont souvent jeunes, avec une envie d'en découdre. Certains parfois viennent de loin (ex: Autralie), anciens légionnaires, ils n'auraient pas manquer cette guerre moderne pour rien au monde.
Ils égorgent, torturent, assassinent, violent, mangent et boivent dans l'ordre que vous voulez. Les capitaines de ces petits escadrons mobiles ne sont pas plus réjouissants: le capitaine Dragan après avoir fait tuer tous les ours de Plivice en a cependant conservé un, qui aime à bondir sur tout étranger.
Les diplomates français n'ont pas plus le beau rôle. Pétris de certitudes, ils analysent le conflit souvent bien loin de la réalité du quotidien des populations qui souffrent.
On y découvre également des destins individuels: croates, serbes qui témoignent de l'absurdité des combats. On y aperçoit des prisonniers d'une autres époques et des images dont on a cru qu'elles étaient définitivement retournées aux oubliettes de l'Histoire: "des corps casés, trébuchants, tremblants de froid".
"Il des guerres comme un incendie allumé par des mômes rageurs, une couverture aurait suffi pour l'éteindre le premier été, quelques canadair aurait suffi quelques mois plus tard. Désormais, il faudra attendre que les dernières poutres se consument pour s'apercevoir que les haines ethniques n'étaient pas plus vives ici que dans les pays voisins. Au delà des degrès de violence, la guerre vit dans une sorte d'autarcie mentale.
Jean Hatfeld dit ces étincelles qui déclenchent la foudre. Il relate des situations absurdes. Celles où un jour des combattants ne savent même plus qui ils combattent, ou encore des ennemies de combat qui mangent dans un meme hotel un soir.
Et puis, il y a les enfants, le secret des gamins. "Ces gamins de la guerre qui ne parlent plus aux adultes. Ces enfants de la guerre, ne sont pas des adultes miniatures. Ni enfants, ni adultes, ils ne peuvent plus communiquer qu'avec leurs pareils. Lorsqu'ils ne jouent pas à la guerre, ne parlent pas de leur guerre, ils attendent. Maitres du présent, il l'enfouissent dans eux mêmes."
Certains passages sont durs, mais cette réalité est toujours décrite avec une certaine pudeur. Il est rare de trouver autant d'humanisme dans un essai qui semble vouloir deconstruire l'homme pour mieux le racheter.
Pour aller plus loin:
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1994_num_58_1_1880
http://www.dzana.net/45-guerre-croatie.html
http://www.ina.fr/histoire-et-conflits/autres-conflits/video/I04232174/temoignage-deniau-sur-vukovar.fr.html
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