1959 est une des dernières grandes années pour le western américain. Les grands réalisateurs vieillissent peu à peu et le genre est mis en cause. John Ford, à 65 ans, sort un nouveau chef d'œuvre, Les cavaliers, avec John Wayne et William Holden, mais il n'a plus qu'une poignée de joyaux à offrir au cinéma westernien (dont L'homme qui tua Liberty Valence et surtout Les Cheyennes, dont le titre original Cheyenne autumn semble annoncer que la fin de l'aventure est proche). Michael Curtiz n'a plus que quatre films à faire, Raoul Walsh trois. Les grands acteurs du genre suivent, John Wayne, Richard Widmark, Henri Fonda, James Stewart ne brilleront plus que rarement dans des westerns de qualité et les pépites seront exceptionnelles.
Deux phénomènes renforcent l'effet de la disparition progressive des géants.
Le bourbier du Vietnam engloutit d'année en année les solides valeurs optimistes sur lesquelles se fondait l'âge d'or du western américain et ce gâchis débouchera sur ce qu'on a appelé l'"anti-western", une forme cinématographique à base de dérision et de mauvaise conscience, dont le superbe Little big man d'Arthur Penn (un western "de gauche", shocking !) et Le soldat bleu, film qui dénonce la cruauté habituelle des tuniques bleues au cours des "guerres indiennes", actuellement en reprise dans le réseau Action, offrent de brillants témoignages.
Dans le même temps, des cinéastes italiens, dont Sergio Leone, pervertissent en Espagne (dont certains paysages rappellent ceux du far far west) une nouvelle génération d'acteurs, dont Clint Eastwood et vont confronter le western à une révolution morale et esthétique, dont les américains survivants (dont le pâle Andrew Mc Laglen, dont le principal atout cinématographique est sa naissance, fils de Victor, le collègue et ami de Wayne et Ford) n'ont aucun moyen de se relever.
Mais ne brûlons pas les étapes. En 1959, le western américain pète la forme et touche un de ses sommets avec Rio Bravo d'Howard Hawks. Pour Hawks, Rio Bravo est un film tellement important qu'il en fera deux remakes en peu d'années (El dorado, très bon film, puis Rio Lobo, moins bon film, respectivement en 1967 et 1970, ce qui semble montrer qu'à cette époque, Hawks avait un problème avec son propre génie et sa capacité de le reproduire).
Ce film en tension, à la limite de la claustrophobie, comporte une scène d'une totale sérénité. On appelle ça le calme avant la tempête, certes, mais c'est un moment où chacun se relâche, avant de faire son boulot. Chacun, c'est John Wayne, Dean Martin, Walter Brennan et Ricky Nelson : My rifle, my poney and me.
A noter une année particulièrement faste pour l'acteur Dean Martin, qui, après avoir joué les faire-valoir de Jerry Lewis démarre une nouvelle carrière dans une tonalité dramatique : outre son rôle d'alcoolo brutal et romantique dans Rio Bravo, 1959 lui offre, aux côtés de Frank Sinatra et Shirley Mac Laine, un rôle de premier plan dans le magnifique Comme un torrent (A man is running) de Vincente Minelli.