J'avais pensé que So What ? était un titre trop célèbre, trop entendu, rebattu, une scie plus qu'un classique et que tout le monde connaissait Kind of blue par cœur, puis je l'ai évoqué à propos de Coltrane, mais j'ai pensé à certaines personnes autour de moi. Oui, presque tout le monde sait tout et vénère l'album non pas le plus vendu de l'histoire du jazz (c'est le cas), le plus célèbre (c'est apparemment le cas), mais aussi un des disques qui me rendent parfaitement humain, non pas parfaitement moi, mais meilleur que moi, à chaque écoute de So what ? je deviens meilleur, je prends deux ou trois centimètres de hauteur, mes muscles se durcissent, j'ai la volonté de terminer ce que j'ai ébauché, je donne un billet à plus pauvre que moi (et j'en suis vraiment désolé, mais il y en a plein), je mets ma montre à l'heure d'été, je joue de la basse dans ma tête, je pense à nouveau que le seul vrai truc culturel inventé par les américains est le jazz et que le jazz est venu du peuple noir, je ferme les yeux et j'entre en moi et l'impression me prend que j'entre en les autres, en toute l'humanité, j'ai envie d'aimer les gens, de leur dire que non, la vie n'est pas si mauvaise fille, qu'il y a la musique de Miles Davis, le cinéma de John Cassavettes, la photographie de Willy Ronis et le sourire de Gréco qui éclabousse Saint-Germain et Juliette, qui au bras de Miles fait de Paris une petite banlieue de Harlem. Si je suis triste en écoutant So what ?, ça me rend moins triste de l'écouter, si je suis gai en l'écoutant ça me donne des ailes pour m'envoler avec les enfants du monde et les femmes noires qui bougent leur cul dans le rythme subtil, et les chaines se brisent dans un grand éclat de drums, de piano, de sax et de trompette.
Réécouter le groupe de Miles dans So what ?, ça me fait un certain effet.
Alors, même si ce n'est pas très original pour tout le monde, So What fera partie de ce calendrier de l'Avent. Ecoute. Respire. Sois vivant !